La pensée positive peut-elle nous aider à vivre plus longtemps ? A priori, oui.

Selon de nombreuses études, accepter de vieillir avec optimisme serait aussi bénéfique pour la santé que l'activité physique ou une alimentation saine.

De Fran Smith
Publication 25 oct. 2024, 18:19 CEST
En Arizona, les amis d'un résident de Sun City préparent un lâcher de ballons à l'occasion ...

En Arizona, les amis d'un résident de Sun City préparent un lâcher de ballons à l'occasion d'une cérémonie commémorative. D'après un nombre croissant d'études scientifiques, l'une des clés de la longévité serait d'être un membre actif de sa communauté.

PHOTOGRAPHIE DE Kendrick Brinson

À la mort de mon père, ma mère a rejoint un centre communautaire doté d'une piscine et a commencé à faire des longueurs plusieurs fois par semaine. À l'époque, Dorothy avait près de 80 ans. Elle a fait des rencontres, pris connaissance des initiatives locales pour les personnes âgées et découvert le centre où elle a toujours ses habitudes de nos jours, 18 ans plus tard. On y sert le déjeuner pour un dollar. Un DJ la fait danser. Elle s'est fait des amis, notamment un groupe de femmes qui se retrouve chaque samedi dans un restaurant offrant des portions gargantuesques et du café à volonté. Je lui dis souvent que sa vie sociale est plus trépidante que la mienne… et je ne plaisante qu'à moitié.

Les personnes proches de leurs familles et de leurs amis ont tendance à vivre plus longtemps, les scientifiques le savent depuis quelque temps déjà. Une équipe de l'université Brigham Young a analysé les résultats de 148 études portant sur le sujet, dont la plus ancienne remonte à 1900. Au total, ces études ont impliqué 308 849 participants, suivis pendant 7,5 années en moyenne. Au terme de cette période, la probabilité d'être en vie était supérieure de 50 % pour les sujets jouissant de relations sociales étroites, par rapport aux personnes seules et isolées.

D'après leur analyse, une vie sociale satisfaisante serait aussi bénéfique au long terme que l'arrêt du tabac (une décision prise par ma mère après quarante années d'addiction) et pourrait être encore plus importante que la pratique d'une activité physique ou la sortie de l'obésité.

Les activités sociales comme ce groupe de natation synchronisée réservé aux plus de 55 ans, les Aqua Suns de Sun City en Arizona, augmentent scientifiquement les chances de vivre une longue vie.

PHOTOGRAPHIE DE Kendrick Brinson, Nat Geo Image Collection

Les relations sociales pourraient avoir une influence sur notre santé en nous aidant à évacuer le stress. Le soutien apporté par nos proches permet de dompter les émotions provoquées par la maladie, le décès d'un être cher ou d'autres désagréments qui émergent au cours de la vie. En retour, cette maîtrise atténue le flux d'hormones produites par le stress qui affaiblit notre système immunitaire et augmente notre vulnérabilité aux infections mortelles, aux maladies cardiaques ou aux accidents vasculaires cérébraux (AVC). Les relations fortes nous encouragent également à prendre soin de soi et peuvent nous offrir un but, un autre facteur associé à la longévité.

Dans ce genre de recherche, il est bien entendu difficile de distinguer la cause de l'effet. Est-ce l'engagement social qui aide les individus à rester en bonne santé ? Ou serait-ce plutôt le fait d'être en bonne santé qui leur donne l'envie et l'énergie de passer du temps avec des amis ? Quoi qu'il en soit, une note des auteurs accompagnant l'analyse de Brigham Young recommandait aux médecins et autres professionnels de la santé de « considérer les relations sociales aussi sérieusement que d'autres facteurs de risque affectant la mortalité. »

 

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    LE POUVOIR DES IDÉES

    Pour Becca Levy, professeure d'épidémiologie et de psychologie à l'université Yale, il existe un autre facteur influant sur l'espérance de vie en bonne santé : nos convictions relatives à la vieillesse. Les nombreuses études publiées par la scientifique démontrent que notre façon de percevoir la vieillesse, comme une période à savourer ou à redouter, joue un rôle majeur sur notre état à l'approche de cette étape, en bien comme en mal.

    C'est en visitant le Japon alors qu'elle était encore étudiante que Becca Levy a commencé à s'intéresser à l'influence sur la santé de la perception du vieillissement, mais aussi à la façon dont les stéréotypes culturels et les valeurs relatives aux aînés façonnent notre attitude personnelle. Le Japon compte parmi les pays affichant la plus haute espérance de vie. Pendant longtemps, les scientifiques ont attribué ce phénomène à la génétique et à l'alimentation, mais Levy s'est demandé si un autre facteur moins évident n'était pas également à l'œuvre.

    Ses idées sur nos croyances vis-à-vis du vieillissement ont germé au mois de septembre, à l'occasion d'une fête nationale : Keiro No Hi, que l'on pourrait traduire par Journée du respect pour les aînés. Les personnes âgées fleurissent alors dans les parcs et dînent gratuitement dans les restaurants. Les écoliers livrent des repas aux plus isolés. Au Japon, constate la scientifique, l'âge inspire le respect, voire la révérence. Ces personnes n'étaient ni mises à l'écart ni réduites au statut de « vieillards ».

    Au Japon, les personnes âgées sont respectées, contrairement à l'Occident où elles sont souvent considérées comme un fardeau. Ci-dessus, Ikuyo Kotani (à gauche, 63 ans) lit un livre d'images à des enfants alors que Toshie Kimura, 77 ans, observe la scène à l'école maternelle Kurumi de Kashiwa, une ville de la préfecture de Chiba, au Japon.

    PHOTOGRAPHIE DE Kiyoshi Ota, Bloomberg, Getty Images

    « J'ai pu remarquer à quel point la société japonaise traitait différemment ses membres les plus âgés, contrairement à l'âgisme dont j'étais régulièrement témoin aux États-Unis, » se souvient Levy.

    La professeure a constaté que les adultes âgés d'une trentaine ou d'une quarantaine d'années qui avaient une perception positive de la vieillesse, en l'associant notamment à la sagesse au lieu de la décrépitude, avaient nettement plus de chances d'être en bonne santé des décennies plus tard. Dans une autre étude, elle démontre que les individus âgés de 50 ans et plus affichant une vision optimiste de la vieillesse étaient davantage capables de réaliser des tâches quotidiennes au cours des 18 années suivantes, notamment des activités comme le déneigement ou une marche de moins d'un kilomètre, par rapport à leurs congénères portant un regard plus sombre sur le vieil âge. Une troisième étude a même permis d'établir un lien entre une perception positive de la vieillesse et de meilleures chances de rétablissement après un accident invalidant.

    Les travaux de Levy suggèrent également que le fait d'approcher la vieillesse avec confiance offre une protection contre le déclin cognitif, même chez les adultes génétiquement prédisposés. Levy et ses collègues ont étudié des sujets porteurs du gène APOE ε4 qui augmente le risque de développer la maladie d'Alzheimer. Au début du projet, aucun des participants n'était atteint de démence. Leurs résultats montrent que le risque de développer une démence était inférieur de 47 % pour les porteurs du gène APOE ε4 partageant une vision positive de la vieillesse que pour ceux abordant d'un œil sombre cette étape de la vie.

    Dans une autre étude, Levy a constaté que les sujets relativement jeunes, en bonne santé et aptes sur le plan cognitif qui n'entrevoyaient rien de prometteur dans le fait de vieillir étaient plus susceptibles de développer des plaques et des enchevêtrements dans le cerveau, deux marqueurs pathologiques de la maladie d'Alzheimer. En outre, l'atrophie de leur hippocampe, une structure cérébrale essentielle à la mémoire, intervenait trois fois plus rapidement.

    Plus marquant encore, Levy a découvert que les personnes adoptant la vision la plus optimiste de la vieillesse vivaient en moyenne 7,5 ans de plus que celles affichant la vision la plus pessimiste.

    D'après une étude, adopter une attitude et une perception positives peut prolonger la vie de sept années. Ci-dessus, les membres des « pom-pom girls » de Sun City en Arizona répètent leur chorégraphie.

    PHOTOGRAPHIE DE Kendrick Brinson

     

    LA PENSÉE POSITIVE AU SERVICE DU CORPS

    Comment expliquer le pouvoir de nos convictions ? Tout d'abord, comme nous l'explique Becca Levy, les personnes adoptant un état d'esprit positif affichent généralement une auto-efficacité accrue et une plus grande maîtrise de soi. Ils ont également tendance à manger sainement, à faire de l'exercice et à prendre les médicaments qui leur sont prescrits. De même, ils présentent des taux inférieurs de cortisol et d'autres biomarqueurs du stress.

    « Ce qu'il faut retenir des stéréotypes sur l'âge, c'est qu'ils sont malléables, » dit-elle.

    L'écriture est un moyen de modifier notre façon de percevoir le vieillissement. Dans l'une de ses études, Levy a demandé à des groupes d'adultes d'imaginer la journée d'une personne âgée fictive en bonne santé physique et mentale, en écrivant brièvement un texte chaque semaine. Au bout de quatre semaines, les perceptions négatives de la vieillesse avaient considérablement diminué.

    La scientifique a également demandé à d'autres sujets de tenir un journal des personnes âgées présentées à la télévision, ce qui leur a permis d'ouvrir les yeux sur les stéréotypes condescendants et affligeants qui déforment notre perception de la vieillesse. « L'idée est de sensibiliser les participants à leurs propres certitudes sur la vieillesse et au message auquel ils sont confrontés au quotidien, » explique-t-elle.

    Je lui ai demandé si notre vision collective de la vieillesse s'était améliorée avec l'augmentation de la population âgée, à l'heure où nous sommes de plus en plus nombreux à dépasser les 65 ans. À vrai dire, m'a-t-elle répondu, les préjugés âgistes se sont aggravés.

    Avec ses collègues, elle a mis au point un programme linguistique informatisé que pour analyser un corpus comprenant plus de 400 000 millions de mots, extraits de livres, d'articles, de magazines et de revues académiques s'étalant sur près de deux siècles. L'équipe de chercheurs s'est intéressée aux adjectifs qui étaient le plus souvent apposés à des termes comme « elderly » et d'autres synonymes de « personne âgée » en anglais. Le langage utilisé était généralement positif jusqu'à la fin du 19e siècle, alors que l'espérance de vie était de 41 ans pour les Blancs en Amérique. À cette époque, les chercheurs ne mesuraient pas l'espérance de vie des autres populations. Depuis, le vocabulaire relatif à la vieillesse est devenu toujours plus méchant et dédaigneux. Par exemple, le terme « geezer » (vieillard, ndlr), apparu en 1900, est devenu 11 fois plus fréquent au cours du 20e siècle.

    Les personnes âgées pourraient bien être le dernier groupe duquel notre société semble libre de se moquer, poursuit Levy. Elle évoque notamment des articles sur de cruelles plaisanteries lancées au début de la pandémie de COVID-19 aux États-Unis, lorsque les citoyens de 65 ans ou plus mouraient à un rythme alarmant et que l'expression « boomer remover » (tueur de baby-boomers, ndlr) avait envahi Twitter.

    Comprendre : le cœur

    À la lecture des études menées par les scientifiques qui essaient de percer les secrets du vieillissement, il peut être difficile de voir d'un bon œil le fait de prendre de l'âge. Comment ne pas voir la vieillesse comme une maladie lorsque certains parlent de la « guérir » ? « Le vieillissement est un processus dégénératif qui conduit à la défaillance des tissus et à la mort. » Voilà le type de mauvaise nouvelle que l'on trouve constamment en guise d'introduction dans les études publiées par les revues scientifiques.

    « Je pense qu'en présentant le fait de vieillir comme une maladie, on ignore les nombreux atouts de l'âge et les diverses façons de s'épanouir à un stade ultérieur de la vie, » déplore Levy.

     

    L'AVENIR DE LA MÉDECINE

    Plus j'en apprenais sur la science de la longévité, plus j'étais enthousiaste à l'idée des découvertes qui allaient un jour nous permettre de mieux vieillir. Malgré tout, alors que j'approchais des 68 ans, je ne parvenais pas à chasser de mon esprit les images tenaces de la défaillance des tissus et de la mort des cellules qui se produisaient en moi.

    Je me suis alors tournée vers Steve Horvath qui m'avait proposé de mesurer mon âge biologique à l'aide de son horloge épigénétique, un test portant le doux nom de GrimAge (âge lugubre, ndlr). Après lui avoir envoyé deux petits échantillons de sang, j'ai reçu les résultats quelques mois plus tard : mon âge biologique était 3,3 ans inférieur à mon âge chronologique.

    « Félicitations, vous êtes déjà en train de battre l'horloge ! » me lançait joyeusement le rapport. J'étais tout de même déçue. J'étais bien loin de rivaliser avec les scientifiques de la longévité que j'avais pu rencontrer et qui, à l'image de David Sinclair, s'adonnaient religieusement à la pratique d'une activité physique, maîtrisaient les bienfaits du jeûne, jonglaient avec les compléments alimentaires ou les médicaments hors indication et semblaient résister aux affres du temps.

    Puis, j'ai pensé à ma mère qui profitait encore de la vie bien après le cap des 90 ans. Après avoir épluché les études de Becca Levy, je suis convaincue que l'état d'esprit de ma mère explique au moins en partie sa vitalité. Je ne l'ai jamais entendue se plaindre à propos de son anniversaire ou dire que son âge l'empêchait de faire ce qu'elle souhaitait, chose que n'hésitent pas à faire certains amis de mon âge.

    « Non, » dit-elle lorsque je lui fais remarquer. « Je ne suis pas trop âgée. Je le ferai peut-être plus lentement ou j'en ferai peut-être moins. Mais je ne suis pas trop âgée pour danser ou marcher ou faire tout ce que j'ai envie de faire. »

    « Quoique, je pense que je n'irai plus nager, » poursuit-elle, après une pause.

    « Parce que tu ne l'as pas fait depuis longtemps ? »

    « Parce que je n'aime pas me voir en maillot de bain. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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