La rétinite pigmentaire, principale cause de cécité chez les jeunes

Cette maladie dégénérative et irréversible, qui s'attaque aux cellules de la rétine, touche 1 personne sur 4 000 dans le monde.

De Daryl Austin
Publication 15 oct. 2024, 16:17 CEST
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La rétinite pigmentaire est un trouble visuel rare qui affecte la rétine, une membrane située sur la face interne de l'œil, représentée sur cette micrographie en couleur réalisée au microscope électronique à balayage. La partie de la rétine chargée de capter la lumière est composée de bâtonnets et de cônes, les cellules photoréceptrices responsables de tout ce que nous voyons. La partie inférieure de cette image représente la couche de vaisseaux sanguins et de nerfs que la lumière doit traverser pour atteindre nos photorécepteurs, qui se trouvent juste en dessous de la couche cellulaire de l'épithélium pigmentaire rétinien.

Micrographie de Louise Hughes, SCIENCE PHOTO LIBRARY

En 2019, la vie d’Edith et Sébastien Pelletier a été bouleversée lorsqu’ils ont appris que trois de leurs quatre jeunes enfants étaient atteints d’une maladie rare et irréversible de l’œil qui, à terme, conduit généralement à la cécité.

Ils ont alors non seulement commencé à préparer leurs enfants en leur apprenant les compétences dont ils auront besoin pour vivre sans leur vue, mais ont aussi décidé d’entreprendre avec eux un voyage autour du monde « afin de remplir leur mémoire visuelle de belles choses » avant que la maladie ne s’aggrave. Ce voyage a été documenté dans un nouveau film documentaire National Geographic : Blink, qui sera diffusé le 16 décembre à 12.50 sur la chaîne National Geographic.

Cette maladie est connue sous le nom de rétinite pigmentaire. Elle est incurable et touche environ une personne sur 4 000 dans le monde, ce qui en fait la principale cause de handicap visuel et de cécité chez les personnes de moins de 60 ans.

Bien qu’elle affecte les familles concernées de bien des façons, « c’est la gravité de la maladie combinée à l’absence de traitement qui fait que la situation paraît si désespérée pour les patients », révèle Henry Klassen, ophtalmologue et directeur d’un programme dédié aux cellules souches et à la régénération rétinienne à l’Université de Californie à Irvine, qui mène de nombreux essais cliniques afin de trouver un traitement efficace contre cette maladie.

 

LA RÉTINITE PIGMENTAIRE : QU’EST-CE QUE C’EST ?

Plutôt qu’une malade unique, la rétinite pigmentaire (RP) est en réalité un ensemble de maladies oculaires rares qui affectent toutes la rétine, la membrane située sur la face interne de l’œil et qui est chargée de capter les signaux lumineux.

Pour ce faire, la rétine est tapissée des nombreux photorécepteurs, les cellules responsables de tout ce que nous voyons.

« Les photorécepteurs captent la lumière qui entre dans l’œil et la transmettent au cerveau afin de former notre vision », explique Laura Di Meglio, professeure d’ophtalmologie à l’Institut ophtalmologique Wilmer de l’École de médecine de l’Université Johns-Hopkins. Les photorécepteurs sont divisés en deux catégories : les bâtonnets, qui permettent la vision nocturne et périphérique, et les cônes, qui permettent la vision centrale et nous aident à voir les couleurs.

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    Gauche: Supérieur:

    Cette illustration numérique représente l'aspect d'une rétine normale.

    Droite: Fond:

    Cette illustration représente un œil atteint de rétinite pigmentaire, une maladie génétique marquée par le rétrécissement des vaisseaux sanguins, la pigmentation des spicules osseux et l'aspect cireux du disque optique (ou point aveugle).

    Photographies de Kateryna Kon, SCIENCE PHOTO LIBRARY

    Lorsqu’une personne est atteinte de RP, les bâtonnets sont généralement touchés en premier, c’est pourquoi les premiers signes de la maladie sont généralement la difficulté à voir la nuit, mais aussi le fait de se heurter à des objets situés sur les côtés en raison de la perte de la vision périphérique. Lorsque les cônes se détériorent à leur tour, le patient peut commencer à être atteint de daltonisme et finit souvent, à terme, par perdre complètement la vue.

    Bien souvent, du fait de son caractère dégénératif, la RP n’est pas diagnostiquée avant l’âge de 10 ans. Il n’est toutefois pas rare qu’elle soit découverte plus tôt ou bien plus tard, à l’âge de 20, 30 ou même 50 ans.

    « Même si l’on voit assez bien dans l’enfance, la perte de vision liée à la RP est si implacable que, petit à petit, on peut finir par perdre toute capacité visuelle », selon Klassen.

     

    QUELLES SONT LES CAUSES DE LA MALADIE ?

    Bien que l’Institut national américain de l’œil indique que la RP peut être causée par des facteurs tels que des infections, des médicaments ou des lésions oculaires, la maladie est le plus souvent présente dès la naissance.

    En effet, la RP est due à des mutations sur les gènes impliqués dans le fonctionnement des cellules de la rétine. Selon Vinit Mahajan, spécialiste de la rétine et vice-président de la recherche au Byers Eye Institute de l’Université de Stanford, les mutations en cause pouvant toucher jusqu’à une centaine de gènes différents, aucun gène en particulier ne peut toutefois être pointé du doigt.

    De même, aucun type de mutation spécifique n’est responsable de la RP, chaque gène pouvant présenter des variations susceptibles de provoquer la maladie. Du fait de tous ces facteurs, plus de 3 100 mutations différentes liées au développement de la RP ont été identifiées.

    Mahajan souligne que tous les membres de la famille d’une personne atteinte ne développeront pas nécessairement la RP. Il reste néanmoins recommandé de procéder à des tests génétiques pour en avoir le cœur net.

     

    QUELLES POPULATIONS SONT LES PLUS TOUCHÉES ?

    La nature héréditaire de la maladie explique également pourquoi la RP est plus fréquente dans les cultures présentant un patrimoine génétique plus homogène, où les mariages entre parents éloignés sont donc plus fréquents.

    C’est l’une des raisons pour lesquelles, selon les recherches, les troubles génétiques sont plus fréquents dans certaines populations d’Asie du Sud, par exemple. « L’Inde du Sud présente une incidence plus élevée de RP, avec une personne touchée sur 930, tout comme la Chine, avec une personne sur 1 000 », révèle John Galanis, ophtalmologue à Saint-Louis, dans le Missouri.

    Cependant, « aucune origine ethnique n’est plus susceptible de développer la RP qu’une autre », affirme Marc Mathias, professeur associé d’ophtalmologie à la faculté de médecine de l’Université du Colorado. « Elle peut toucher n’importe qui, n’importe où. »

     

    PEUT-ON PRÉVENIR OU TRAITER LA MALADIE ?

    Il n’existe aucune mesure de prévention ni aucun traitement, et ce en raison du nombre considérable de mutations génétiques à l’origine de la maladie, mais aussi du fait que la rétine fait partie du système nerveux central « qui n’a pas de capacité de régénération chez les humains », explique Klassen. En d’autres termes, une fois qu’une cellule est morte, elle ne revient jamais.

    Dans certains cas, il n’est même pas possible d’identifier le gène à l’origine de la maladie, selon Mathias, qui révèle cependant que les décennies de recherches approfondies commencent enfin à porter leurs fruits.

     

    UNE LUEUR D’ESPOIR ?

    Grâce aux progrès récents de la thérapie génique, les scientifiques commencent en effet à entrevoir l’espoir de trouver un traitement contre la RP. Selon la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, cette stratégie thérapeutique pourrait permettre de remplacer le gène responsable d’une maladie par une copie saine de ce même gène, mais aussi de détruire un gène problématique ou encore d’introduire un gène nouveau ou modifié destiné à aider à traiter la maladie.

    Ces formes de thérapie génique sont au cœur de dizaines d’essais cliniques, et l’une d’entre elles a déjà été approuvée par la FDA. Le traitement, appelé Luxurtna, ne cible que deux anomalies génétiques spécifiques liées à la RP, ce qui signifie qu’il ne peut aider qu’une sous-population d’environ 0,3 à 1 % de toutes les personnes atteintes, explique Galanis.

    Un certain nombre d’études réalisées à la fin des années 1990 et au début des années 2000 suggérait que la vitamine A et des suppléments tels que l’huile de poisson et la lutéine pouvaient contribuer à prévenir la RP, mais selon Galanis, ces études établissaient des corrélations, et non des causalités. Mathias, qui est du même avis, note toutefois qu’au moins un essai clinique prometteur est en cours. Ce dernier vise à déterminer si la N-acétylcystéine (NAC), un puissant antioxydant, « peut ou non ralentir la perte des cônes chez les patients atteints de RP ».

    Selon Mathias, au-delà de ces avancées et interventions, la dégénérescence peut au moins être ralentie en maintenant une bonne santé rétinienne, ce qui implique de manger sainement, de faire de l’exercice, d’éviter de fumer, et de porter des lunettes de protection lorsque l’on s’expose au soleil.

    Ninel Gregori, ophtalmologue à Miami et porte-parole de l’Académie américaine d’ophtalmologie, affirme qu’un dépistage précoce pourrait aider les patients atteints de RP à conserver leur indépendance plus longtemps. Des soins de support, tels qu’une formation en orientation et en mobilité ainsi qu’un soutien psychologique, peuvent également s’avérer utiles. 

    En outre, selon Mahajan, les capacités en matière de tests génétiques se sont considérablement améliorées et les scientifiques se penchent actuellement sur de nombreuses thérapies innovantes, telles que des thérapies géniques supplémentaires, des médicaments à petites molécules, des greffes de cellules rétiniennes et des dispositifs d’assistance électronique.

    « Les recherches prennent du temps, mais l’avenir est prometteur, et nous avons l’espoir d’avoir un jour davantage de traitements de la RP grâce aux chercheurs dévoués et à une industrie qui s’efforce continuellement de préserver notre vue. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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