Les carences en fer sont plus courantes - et plus graves - qu'on ne le pensait

En France, le manque de fer atteint 20 à 30 % des enfants au cours des trois premières années de vie et 25 % des femmes non ménopausées souffrent d'une carence en fer, ce qui a un effet considérable sur la circulation de l’oxygène dans l’organisme.

De Tatyana Woodall
Publication 30 oct. 2024, 11:54 CET
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L’hémoglobine contenue dans les globules rouges, que l’on voit ici sur une micrographie colorée réalisée via un microscope électronique à balayage, leur permet de transporter l’oxygène et le dioxyde de carbone, un déchet cellulaire, entre les poumons et chaque cellule du corps. Le fer constitue un composant essentiel de l’hémoglobine et, lorsque son niveau est insuffisant, il est difficile pour l’organisme de répondre aux besoins en oxygène des cellules.

PHOTOGRAPHIE DE Micrograph by Susumu Nishinaga, SCIENCE PHOTO LIBRARY

Pour la plupart d’entre nous, il est déjà difficile de rester en forme tout au long de la journée. Alors pour une femme sur quatre souffrant d’une carence en fer, le quotidien peut s’avérer encore plus éreintant. 

Plus de deux milliards de personnes dans le monde présentent une forme ou une autre de cette affection. Ce minéral étant essentiel à plusieurs fonctions biologiques importantes, les personnes dont les taux de fer sont faibles déclarent souvent ressentir des symptômes tels que la fatigue, la dyspnée, des vertiges, des maux de tête et même des problèmes cardiovasculaires.

Ce phénomène peut toucher aussi bien les hommes que les femmes de tous âges mais certaines populations, dont les femmes enceintes, sont davantage affectées. Sans traitement, la carence en fer peut facilement se transformer en anémie, soit une diminution du nombre de globules rouges sains. Elle en est la cause la plus fréquente : un manque de fer entraîne une diminution de la quantité d’hémoglobine, ce qui ralentit la production de globules rouges.

Étant donné que la carence en fer peut avoir un certain nombre d’effets néfastes sur la santé à court et à long terme, les personnes à risque devraient faire contrôler leur taux de fer, explique Irogue Igbinosa, professeure de médecine materno-fœtale à l’université Stanford et spécialiste de la santé génésique des femmes.

« En général, lorsque les gens deviennent anémiques, cela reflète une carence en fer qui dure depuis un certain temps », indique-t-elle. « Il faut de l’énergie pour vivre et le manque de fer peut avoir tellement de répercussions que nous n’avons pas encore fini de les découvrir. »

 

CARENCE EN FER ET ANÉMIE : QUI EST TOUCHÉ ? 

Vivre avec une carence en fer peut avoir de lourdes conséquences sur l’organisme. Le fer est indispensable à la fabrication de l’hémoglobine, une protéine dont les globules rouges ont besoin pour transporter l’oxygène dans le corps. Si le fer est présent en faible quantité, les organes, les muscles et les tissus ne reçoivent pas suffisamment d’oxygène pour fonctionner à plein régime.

Même si la plupart des êtres humains absorbent suffisamment de fer à partir des aliments qu’ils consomment, ce n’est pas le cas pour tout le monde. Bien que cette affection entraîne rarement la mort par elle-même, la carence en fer est connue pour exacerber d’autres maladies chroniques touchant notamment les reins ou le foie, ainsi que pour entraver la guérison des infections et des blessures car l’organisme a besoin d’oxygène pour se rétablir.

Jusqu’à la puberté, les hommes et les femmes nécessitent en règle générale du même apport quotidien recommandé en fer, soit 7 à 10 mg. Cependant, entre dix-neuf et cinquante ans, celui-ci monte à 18 mg pour les femmes. Il grimpe à 27 mg en cas de grossesse et chute à 9 mg pendant l’allaitement. Quant aux hommes, selon leur âge, ils n’ont besoin que de 8 à 11 mg de fer tout au long de leur vie.

L’anémie ferriprive apparaît généralement de manière progressive mais les femmes peuvent en souffrir davantage que les hommes à cause de leur cycle menstruel, affirme Irogue Igbinosa. La perte de sang causée par des règles abondantes ou longues épuise encore davantage des réserves de fer déjà limitées.

« Si on n’a pas la quantité minimale de fer dont on a besoin et que notre corps subit chaque mois [un événement] qui lui [en] fait perdre, on peut facilement comprendre comment il est possible de devenir carencé au fil du temps », poursuit-elle. Lorsqu’une composante de base aussi importante fait défaut, cela peut même entraîner des changements au niveau du cerveau, notamment un manque de concentration, ainsi que des problèmes de mémoire et de santé mentale qui pourraient être attribués à tort au stress ou à d’autres facteurs de la vie.

Comprendre : le cœur

En cas d’anémie, la grossesse peut également s’avérer plus dangereuse, car des réserves de fer insuffisantes peuvent compromettre la survie de la mère et de l’enfant. Lors de leur accouchement, les femmes sujettes à l’anémie peuvent présenter des saignements abondants ou un risque plus élevé de devoir subir une césarienne.

« L’anémie augmente réellement le risque de morbidité maternelle sévère », avertit Irogue Igbinosa. « [Son] degré de contribution à ce risque peut varier en fonction de la race et de l’origine ethnique ». Pour l’enfant, l’anémie de la mère a également été associée à la mortinatalité, à la prématurité, à un faible poids à la naissance, ainsi qu’à des retards neurodéveloppementaux survenant plus tard dans la vie.

À ce jour, les recherches ont montré que les femmes autochtones de nombreux pays du monde, ainsi que noires ou hispaniques, présentaient des taux d’anémie de manière beaucoup plus fréquente et qu’elles pouvaient être confrontées à davantage de problèmes après l’accouchement. Bien que l’on ne comprenne pas encore très bien pourquoi, cela pourrait être attribué à des différences dans l’environnement, à des prédispositions à certains problèmes gynécologiques ou à d’autres déterminants sociaux de la santé, tels que le lieu de résidence, le revenu, la culture ou l’accès à une alimentation saine et équilibrée, déclare Irogue Igbinosa.

 

CARENCE EN FER ET SANTÉ CARDIOVASCULAIRE 

Si le fait de se sentir faible ou particulièrement apathique ne semble pas en soi justifier une visite chez le médecin, ne pas traiter ce problème vous causera certainement à l’avenir des soucis que personne ne souhaite. 

Selon Biykem Bozkurt, professeure de médecine en cardiologie au Baylor College of Medicine, il est absolument essentiel de surveiller de près ces indicateurs. « Même en cas de carence en fer fonctionnelle, avant que [celle-ci] ne se transforme en anémie, il existe des preuves de conséquences néfastes », assure-t-elle. 

Combinées à d’autres comorbidités telles que du diabète, un taux élevé de cholestérol ou de l’hypertension, les carences en fer augmentent encore le risque de développer des maladies chroniques. En outre, des symptômes similaires à ceux d’une carence en fer, comme un manque d’énergie et des capacités limitées lors de l’effort et de la pratique de l’exercice, comptent parmi les signes les plus frappants d’un problème cardiovasculaire qui se développe.

« Le cœur est une pompe qui envoie le sang dans le corps mais aussi dans son propre muscle », précise Biykem Bozkurt. « Si, par exemple, il y a une obstruction et qu’une personne souffre d’une carence en fer ou d’anémie, le cœur aura du mal à s’alimenter. »

En général, les médecins analysent l’aptitude cardiovasculaire d’un patient en mesurant sa consommation maximale d’oxygène (VO2 max), c’est-à-dire le volume maximal d’oxygène que le corps peut utiliser lors d’un effort physique intense.

La disponibilité de la ressource en fer a une influence sur la quantité d’hémoglobine présente chez une personne. Plus il y en a, plus l’oxygène est distribué de manière efficace dans le corps. L’anémie ferriprive interférant avec la production d’hémoglobine, elle peut entraîner une faible VOmax.

Ces valeurs peuvent également permettre de prédire le risque de maladies cardiaques futures. La consommation maximale d’oxygène d’un patient hospitalisé joue un rôle dans l’évaluation du type de soins qu’il pourrait recevoir, dont notamment son éligibilité à des interventions nécessaires à la survie telles qu’une transplantation cardiaque.

Bien qu’il ne s’agisse là que d’un aspect parmi d’autres de la santé générale, il a été prouvé que, indépendamment du fait qu’une personne souffre ou non d’anémie, traiter la carence en fer d’un patient atteint d’une insuffisance cardiaque améliore à la fois la qualité de vie et les taux de réhospitalisation, révèle Biykem Bozkurt.

Toutefois, pour les personnes qui, à leur domicile, ne présentent que de légers symptômes d’anémie ferriprive, traiter celle-ci est beaucoup plus simple. Les experts ont en effet constaté que prendre des compléments alimentaires contenant du fer ou adopter un régime riche en ce minéral pouvait améliorer l’état de santé général. Cependant, le meilleur moyen de savoir s’il est nécessaire de suivre un éventuel traitement reste d’en discuter avec votre médecin généraliste.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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