Peut-on empêcher les allergies infantiles ?

Selon la science, il peut être utile d’exposer les enfants à des allergènes alimentaires tôt dans leur vie, mais cela pourrait ne pas être le cas pour d’autres types d’allergies.

De Natalia Mesa
Publication 19 févr. 2025, 16:03 CET
Des études ont suggéré que l’exposition aux squames d’animaux durant la première année de la vie ...

Des études ont suggéré que l’exposition aux squames d’animaux durant la première année de la vie peut faire baisser le risque de voir apparaître une allergie, quelle qu’elle soit. Une exposition précoce aux allergènes non alimentaires doit s’accompagner de quelques précautions.

PHOTOGRAPHIE DE Christiane von Enzberg, Agentur Focus, Redux

Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), aux États-Unis, près de 30 % des enfants se sont vu diagnostiquer une allergie, ce qui les expose à des symptômes allant de l’urticaire et des éternuements à des chocs anaphylactiques potentiellement mortels.

Plusieurs grandes études ont montré que le fait d’exposer les enfants à de potentiels allergènes alimentaires durant la première année de leur vie diminue la probabilité qu’ils deviennent allergiques. Mais quelle quantité d’un allergène donné faut-il administrer à un enfant et quand ? Et quid des autres allergies, comme les allergies saisonnières, les allergies aux animaux de compagnie et les réactions épidermiques ; peut-on les empêcher, elles aussi ? 

Il reste beaucoup de choses à apprendre sur la façon dont les allergies apparaissent chez les enfants. Nous avons discuté avec des spécialistes afin d’établir ce que nous savons et de faire émerger les questions auxquelles il nous faut encore répondre.

 

EXPOSEZ LES ENFANTS À DES ALLERGÈNES ALIMENTAIRES TÔT

Il y a dix ans, les médecins recommandaient de retarder l’exposition aux allergènes alimentaires courants durant les premières années de la vie. Du moins, jusqu’en 2015, quand l’étude Learning about Peanut Allergy (LEAP) a apporté de solides preuves que le fait d’exposer les enfants aux arachides dès l’âge de quatre mois environ est susceptible de faire baisser le risque d’allergie aux arachides. Depuis lors, des études sur l’exposition précoce aux œufs, au lait de vache et à plusieurs autres allergènes courants ont donné des résultats similaires. Désormais, les spécialistes suggèrent d’introduire des allergènes alimentaires tôt dans la vie, comme le rappelle Priya Katari, allergologue et immunologue spécialisée dans la pédiatrie au Weill Cornell Medical College.

Priya Katari recommande d’exposer les enfants à tous les allergènes courants (œufs, lait, soja, froment, arachides, fruits à coque, poisson, crustacés et sésame) dès l’âge de quatre à six mois ou bien dès que l’enfant est capable de tenir sa tête droite et de mâcher et d’avaler de la nourriture sans la recracher et sans s’étouffer.

Cela vaut pour la majorité des enfants, même ceux dont la famille possède des antécédents allergiques. Deux exceptions toutefois : les enfants présentant un eczéma grave, qui devraient faire un bilan allergique avant de consommer des allergènes alimentaires, et les enfants ayant une allergie aux œufs connue, qui devraient être testés avant que l’on introduise du beurre de cacahuète dans leur alimentation.

Autrement, le risque de mauvaise réaction, comme un choc anaphylactique, après la première exposition à un aliment chez un enfant de moins d’un an est rare, rassure Priya Katari. Les parents peuvent y aller par petites quantités d’allergènes (un quart de cuillère à café environ de beurre de cacahuète dilué, par exemple) et surveiller l’enfant pendant dix minutes avant de lui en administrer une portion complète ; deux cuillères à café de beurre de cacahuète ou deux grammes de protéines (en se rapportant à ce qu’indique l’étiquette nutritionnelle) constitue un objectif raisonnable, indique Priya Katari.

« Je dirais que chaque fois que vous incorporez des aliments solides, quels que soient les aliments que mange votre famille, allez-y et exposez-y vos enfants », rassure Martha Hartz, allergologue-pédiatre à la Mayo Clinic.

Une fois l’allergène incorporé, il est important de le conserver dans l’alimentation de l’enfant, prévient Priya Katari. Les arachides sont les seuls allergènes alimentaires bénéficiant actuellement de recommandations méthodiques en matière de quantité et de fréquence : deux cuillères à café trois fois par semaine. Toutefois, les spécialistes s’accordent sur une chose, une cuillérée d’allergène ne suffira probablement pas à susciter une tolérance. Il n’est pas nécessaire de s’inquiéter si l’enfant ne consomme pas exactement la quantité recommandée, l’essentiel étant qu’il soit régulièrement exposé à des allergènes. De plus, selon Martha Hartz, les parents n’ont pas besoin de trop se préoccuper de garder une trace de tous les aliments qu’ils donnent à leurs enfants. Faites simplement en sorte que votre enfant ait une alimentation variée composée de fruits, de légumes et de protéines.

Cependant, cela ne signifie pas que tout le monde est à la page. Selon Martha Hartz, il existe encore des praticiens et des parents qui ont appris les anciennes recommandations et qui continuent de s’y référer. « Pour cette raison, il est important, aujourd’hui encore, de continuer à sensibiliser », affirme Priya Katari.

Selon les spécialistes de la question, lorsque l’on incorpore de nouveaux aliments, il est important de rester à l’affût de tout signe de réaction allergique, quel que soit l’âge. Pour les enfants de tous âges comme pour les adultes, il peut s’agir d’urticaire, de gonflements, d’éruptions cutanée, d’érythèmes, de vomissements ou de diarrhée immédiats ou de troubles respiratoires, rappelle Priya Katari. Pour les enfants en bas âge, on peut également guetter des changements comportementaux. Les nourrissons et les bambins peuvent avoir tendance à s’énerver davantage ou à se renfermer, surtout s’ils se trouvent encore dans l’incapacité d’exprimer leur inconfort. Selon Priya Katari, si un enfant a eu une réaction allergie à un allergène quel qu’il soit, ses parents devraient parler à son pédiatre.

 

ALLERGIES AUX ANIMAUX, ALLERGIES SAISONNIÈRES ET AUTRES

En ce qui concerne les allergènes non alimentaires, le tableau est plus compliqué. Selon Asriani Chiu, allergologue-pédiatre au Children’s Wisconsin et au Medical College of Wisconsin, l’apparition ou non d’allergies dépend d’un certain nombre de facteurs : ceux-ci sont génétiques, immunitaires et environnementaux notamment. « Il est vraiment difficile de déterminer ce qui cause une allergie », déplore-t-elle.

« Le principal facteur de risque est la génétique, les antécédents familiaux », explique Rita Kachru, allergologue et immunologue spécialisée en pédiatrie à UCLA. Tout type d’allergie dans la famille est susceptible de faire augmenter le risque que l’enfant contracte des allergies, et ce quel qu’en soit le type, rappelle-t-elle. En plus de facteurs génétiques, les allergies ont tendance à résulter d’une exposition constante au fil du temps, explique Asriani Chiu. D’après Rita Kachru, les allergies au pollen, par exemple, ne se manifestent généralement pas avant l’âge de quatre ou cinq ans, après que les enfants ont été exposés à de grandes quantités de pollen sur plusieurs saisons.

Selon Rita Kachru toujours, de manière générale, une exposition précoce à des allergènes non alimentaires aide sans doute à prévenir les allergies. Par exemple, quelques études suggèrent que l’exposition aux squames d’animaux durant les premières années de la vie peut faire baisser le risque de contracter une allergie, quelle qu’elle soit.

Cela appelle toutefois quelques nuances. Par exemple, certaines études montrent également que les enfants qui grandissent dans des foyers infestés de nuisibles, comme les cafards et les souris, sont plus susceptibles d’avoir de l’asthme. Autre exemple, les bébés qui ont besoin de subir des procédures médicales tôt dans leur vie sont plus susceptibles de voir apparaître des allergies au latex. Certaines études sur les allergies saisonnières montrent que l’exposition au pollen durant la première année de la vie peut accroître le risque d’allergie au pollen. Mais au juste, quand l’exposition précoce a-t-elle des effets protecteurs ? Et quand n’est-ce pas le cas ?

 

DES QUESTIONS EN SUSPENS

Selon la théorie de la double exposition, la façon dont un allergène est introduit pour la première fois a son importance. Comme l’indique Priya Katari, l’exposition à des allergènes tels que la poussière d’arachide, qui entre en contact avec des lésions au niveau de l’épiderme ou passe par des voies respiratoires enflammées, peut entraîner une réaction allergique. Cependant, l’ingestion d’un allergène potentiel « dit au système immunitaire : "Voilà quelque chose que je suis censé manger" », explique Matha Hartz.

La même chose vaut pour d’autres allergies : si un allergène entre dans le corps par la peau, par exemple, il est susceptible de déclencher une réaction inflammatoire conduisant à une allergie, explique Rita Kachru. « Je ne peux pas insister assez sur l’importance qu’il y a à essayer de prendre soin de la peau en particulier, c’est l’organe le plus grand durant l’enfance », fait-elle observer. Selon elle, c’est également pour cela que si votre enfant a de l’eczéma, qui entraîne des lésions épidermiques, il est important de mettre au point un régime pour la peau pouvant garder l’inflammation sous contrôle.

En général, si les barrières naturelles du corps contre les toxines extérieures (la peau, le tractus respiratoire et l’intestin) sont maintenues en bonne santé, le système immunitaire est susceptible de mieux réagir aux allergènes. Des choses comme la fumée de cigarette peuvent affecter ces barrières et devraient être maintenues à l’écart des enfants, prévient Rita Kachru.

Cependant, selon Asriani Chiu, certaines études montrent qu’il existe bel et bien des choses qui peuvent permettre de réduire le risque d’allergie présenté par un enfant. Certaines études montrent que l’allaitement peut le faire baisser. En outre, comme l’explique cette dernière, les enfants nés par voie basse, contrairement à ceux nés par césarienne, ont un moindre de risque de voir apparaître des allergies. Cela pourrait être dû au fait que l’allaitement et l’accouchement par voie basse sont susceptibles d’accroître la diversité des bactéries bénéfiques dans l’appareil digestif d’un enfant, diversité corrélée à un moindre risque d’allergie, selon plusieurs études.

Étant donné qu’il est difficile de démêler tous les facteurs pouvant causer des allergies, les médecins n’ont pas de recommandations claires quant au moment ou à la façon d’exposer un enfant à des allergènes non alimentaires. Selon Asriani Chiu, cela est en partie dû au fait qu’il est difficile de contrôler la façon et le moment où un enfant est exposé à des allergènes dans son environnement, en particulier en ce qui concerne des choses telles que le pollen et la poussière. En outre, les bébés sont des sujets d’étude difficile à recruter, explique-t-elle, car il est peu probable que les parents souhaitent exposer leurs bébés en bonne santé à des traitements dont ils n’ont pas encore besoin.

Comme le précise Rita Kachru, les scientifiques sont en train d’en apprendre davantage sur la peau, l’intestin et le système respiratoire, qui, tous, contiennent des cellules immunitaires jouant un rôle important dans la réaction du corps aux toxines extérieures. En ce qui concerne la peau, cela implique de trouver les facteurs génétiques et environnementaux responsables d’inflammations nuisibles. Pour l’intestin et le système respiratoire, cela implique de découvrir quel rôle le microbiote est susceptible de jouer dans l’apparition des allergies, indique-t-elle. « Nous avons besoin de l’inflammation. Mais comment faire en sorte qu’il ne réagisse pas à des choses auxquelles il ne devrait pas réagir ? »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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