Comment gérer le stress au travail et éviter le burnout

La pseudo-productivité a rendu la vie de bureau plus stressante et paradoxalement contre-productive. "Vous finissez par passer la majeure partie de votre journée à gérer de l'administratif. Il vous reste peu de temps pour progresser dans votre travail."

De Erin Blakemore
Publication 16 mai 2024, 18:43 CEST
Les femmes et les jeunes adultes sont les plus à risque de subir un surmenage au ...

Les femmes et les jeunes adultes sont les plus à risque de subir un surmenage au travail. 

PHOTOGRAPHIE DE Yuri Arcurs / Alamy Banque D'Images

Réunions, appels, notifications, multitâches… Les lieux de travail moderne ne sont pas vraiment connus pour être des endroits de détente. D'après une étude récente, seulement 28 % des Français pensent que leurs employeurs se soucient de leur état de santé psychologique.

Alors que le surmenage et le stress atteignent des proportions jamais vues, le professeur Cal Newport de l'université de Georgetown envoie un message contre-intuitif : ralentissez la cadence. Dans son nouveau livre Slow Productivity, l'auteur de bestsellers découvre ce qui nous rend malheureux au travail. Il s'avère que l'un des principes les plus ancrés sur les lieux de travail, le besoin d'être occupé, serait en fait très mauvais pour les entreprises. Rejeter cet égrégore serait, d'après lui, bénéfique pour les employés. Et il est possible d'être productif sans être constamment, et inutilement, occupé.

National Geographic s'est entretenu avec Cal Newport sur les paradoxes des lieux de travail modernes et comment vous pouvez intégrer les principes de la productivité lente dans votre vie. Cette conversation a été éditée pour des raisons de concision et de clarté.

L'assistante sociale Tabitha Mims dans son bureau à Alphabet City, parcourt son planning de rendez-vous avec les participants au programme de l'organisation à but non lucratif Community Access, qui propose des logements supervisés et des services sociaux à New York pour les personnes souffrant de troubles mentaux. Tabitha Mims est l'assistante sociale sur place dans l'un des complexes de logements supervisés de l'organisation. Selon les données du Bureau of Labor Statistics, les assistants sociaux cliniques sont les sixièmes plus stressés aux États-Unis. Les besoins élevés et la charge de travail, le haut niveau d'implication émotionnelle et le peu d'influence sur les résultats de leur travail y contribuent probablement. Tout cela coïncide avec les conclusions de l'enquête historique de Whitehall. D'après cette enquête, les chercheurs ont constaté que les employés les moins bien classés dans la hiérarchie sociale souffraient d'un taux de mortalité plus élevé et d'une plus grande incidence de maladies coronariennes que les hauts fonctionnaires qui occupaient les échelons supérieurs de la société. Les fonctionnaires de rang inférieur ont tendance à subir des niveaux de stress plus élevés dans l'exercice de leurs fonctions, en partie parce qu'ils ont moins d'influence sur la prise de décision. Au lieu de cela, ils sont placés dans une situation où ils doivent réagir et cela semble avoir un impact sur leur santé. Bien que Tabitha Mims ne puisse pas contrôler les besoins sociaux immenses, elle essaie de mieux faire respecter la limite entre sa vie privée et son travail, en éteignant son téléphone professionnel après les heures de travail. Elle explique que même ses locataires l'encouragent à prendre des congés pour « se détendre et retrouver un peu de sérénité », reconnaissant que le stress de son travail l'affecte beaucoup.

PHOTOGRAPHIE DE Brian Finke

 

Votre livre utilise le terme « pseudo-productivité » pour décrire les normes de travail de nos jours. Que voulez-vous dire par là ?

Nous utilisons les tâches visibles comme indicateur de l'effort utile. Cela nous ramène à la façon dont nous mesurions la productivité dans les usines et dans les secteurs agricoles. Dans une usine, vous avez le nombre de modèles produits. Dans l'agriculture, on peut mesurer le nombre de boisseaux de maïs par hectare de terre cultivé.

Rien de tout cela ne fonctionnait dans le travail de la connaissance. Il n'y avait pas de systèmes de production clairement définis que l'on pouvait modifier. La pseudo-productivité était donc la solution de repli : si nous ne pouvons pas mesurer la productivité comme nous le faisions auparavant avec des chiffres et des ratios, alors disons simplement qu'effectuer des tâches est meilleure que l'absence de travail.

 

Si travailler dans un bureau est si courant, pourquoi est-ce si stressant ?

Le problème est apparu avec la révolution informatique. Nous avons eu des adresses mail et des ordinateurs, et plus tard des ordinateurs portables et des smartphones. Soudain, la pseudo-productivité a déraillé en raison de la quantité de travail que l'on pouvait assumer. La granularité avec laquelle vous pouviez montrer que vous faisiez des efforts avec les mails, Slack et les réunions Zoom, tout cela a augmenté. C'est à ce moment-là que nous avons commencé à nous enfoncer dans la crise du surmenage professionnel que nous connaissons aujourd'hui.

 

Je pense au manager qui refuse que vous partiez avant dix-sept heures. 

C'est de la pseudo-productivité classique. Les tâches sont notre mesure de productivité. Plus de tâches est donc préférable à moins de tâches, et ne pas effectuer de tâches est suspect.

 

Quelles sont les conséquences de cette pression sur nos patrons et nos collègues ? 

Lorsque nous essayons d'embrasser autant de choses que possible, nous finissons par ralentir réellement ce que nous produisons au fil du temps. La pseudo-productivité ne fait qu'aggraver notre situation de travail. C'est une mauvaise mesure. Elle n'est pas efficace si notre objectif est de produire de bonnes choses.

 

Mais quand les personnes s'investissent davantage, n'en fait-on pas plus ? 

Paradoxalement, cela peut même s'avérer contre-productif. Les aspects administratifs s'accumulent. Vous finissez par vous retrouver dans une situation où vous passez la majeure partie de votre journée à gérer les aspects administratifs de toutes ces choses que vous avez accepté de faire. Il vous reste très peu de temps pour progresser dans votre travail. La vitesse à laquelle les choses sont faites chute. C'est mauvais pour tout le monde. Cela ne rend pas les entreprises plus rentables. Elles ne produisent pas plus de valeur. Elles épuisent les employés et entraînent un renouvellement du personnel plus important.

 

L'épidémie de burnout ou surmenage professionnel est vraiment générale. Les données suggèrent que 64 % ou plus des Français en activité subissent un stress au travail.

La situation est très difficile en ce moment psychologiquement parlant. La façon dont nous travaillons est complètement abrutissante. L'une des omissions les plus déconcertantes de l'économie de ces vingt ou trente dernières années est que nous avons un secteur basé sur l'utilisation des cerveaux humains pour créer de la valeur, mais que nous ignorons la manière dont les cerveaux humains fonctionnent.

Nous traitons les cerveaux humains comme des boîtes noires capables d'exécuter des tâches les unes après les autres. Le fait d'essayer de suivre ces projets dans le cerveau est brutal. Il est intolérable pour le cerveau humain d'essayer de jongler avec dix choses différentes en permanence.

 

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    Mais les outils tels que la messagerie électronique et la messagerie instantanée ne sont-ils pas conçus pour faciliter notre travail ?

    Si vous comprenez un tant soit peu le cerveau humain, vous savez que le multitâche est un désastre. Lorsque vous portez votre attention sur quelque chose comme une boîte mails, cela déclenche un changement de contexte cognitif très coûteux. Votre cerveau se dit : « Oh mon Dieu, il faut faire attention à cela maintenant ». C'est un désastre pour le cerveau. C'est comme si vous couriez et que vous portiez des chaussures qui pèsent cinq kilos.

     

    On dit que les personnages les plus productifs de l'Histoire ont dû duper leur entourage, comme Jane Austen qui, selon la rumeur, écrivait ses livres en secret tandis que les membres de sa famille entraient et sortaient de son salon. Dans votre livre, cependant, vous montrez qu'elle n'a pu produire ses meilleures œuvres que lorsqu'elle a été libérée de la plupart de ses tâches ménagères et des pressions familiales.

    Il faut se tourner vers le passé pour trouver des principes. Ma tâche consiste ensuite à me demander comment rendre ce principe pertinent. Dans le cas de Jane Austen, ce n'est que lorsque sa vie a été simplifiée qu'elle a pu faire ce travail. Nous pouvons nous pencher sur les connaissances modernes et laisser son expérience éclairer la manière dont nous gérons, par exemple, la charge de travail numérique.

     

    Alors, par où commencer en matière de productivité lente ?

    Je pense que les employés ont plus d'autonomie qu'ils ne le pensent. Si vous deviez choisir une chose pour commencer, je réduirais le nombre de choses sur lesquelles vous travaillez en même temps.

    Cela ne signifie pas que vous devez réduire le nombre de choses que vous acceptez de faire. Mais faites la différence dans votre esprit entre « je travaille activement sur ce point » et « je suis d'accord, mais j'attends pour commencer ». Cela peut vous permettre de reprendre votre souffle. Ensuite, ralentissez et réfléchissez à d'autres moyens d'améliorer votre travail.

     

    Que diriez-vous aux personnes qui luttent contre leur perfectionnisme ?

    Dès que l'on ralentit, le perfectionnisme refait surface. C'est un ennemi inévitable de l'artisanat. Les solutions que je propose dans mon livre consistent à poser des jalons. Lorsque les Beatles ont créé Sgt. Pepper, ils auraient pu rester dans ce studio pour toujours. Ils ont donc sorti un single de l'album, un premier pas dans la bonne direction. Ils savaient alors qu'ils devaient le terminer. Vous pouvez faire la même chose si vous vous engagez à faire quelque chose avant une certaine date.

     

    Quel est le résultat final ?

    La pseudo-productivité nous prive de respect de nous-mêmes. Elle nous dit que nous ne servons à rien d'autre qu'à nous occuper. Elle nous prive du sens de l'artisanat, de l'organisation et de la qualité. À long terme, ce qui vous permettra d'asseoir votre carrière et d'avoir un effet de levier, c'est de faire très bien ce que vous savez faire de mieux. Vous êtes toujours un artisan. C'est ce qui compte. Il ne faut pas perdre cela de vue.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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