Le quartier dans lequel vous vivez a une réelle influence sur votre santé

Les quartiers dits « marchables » sont des zones dans lesquelles la majorité des services et des biens, tels que les épiceries, les écoles, les médecins et les parcs, sont accessibles à pied, sans voiture ni transports en commun. 

Jusqu’au milieu du 20^e siècle, de nombreuses villes américaines étaient pensées pour les piétons et disposaient ainsi de centres-villes denses, dynamiques, et de rues facilement accessibles. Cependant, au cours des dernières décennies, le développement a progressivement poussé les citoyens à se déplacer vers les banlieues, et les infrastructures qui contribuaient autrefois à façonner des communautés bien connectées ont disparu.

Si les experts savent aujourd’hui que les habitants des quartiers « marchables » profitent d’importants avantages sociaux et physiques, les communautés urbaines ne cessent de gagner en ampleur, et beaucoup ne connaîtront probablement jamais ce mode de vie.

Les voitures sont profondément enracinées dans la culture occidentale, et tout particulièrement aux États-Unis où, aujourd’hui, 92 % des ménages possèdent au moins un véhicule. À l’inverse, seulement 6,8 % de la population vit dans des endroits très adaptés aux piétons, selon un rapport de Smart Growth America publié en 2023. À l’échelle nationale, ce phénomène tend à faire grimper les prix de l’immobilier dans les quartiers piétons, creusant ainsi l’écart entre les individus qui peuvent ou non se permettre de s’y installer.

Selon Glen Duncan, professeur et titulaire de la chaire de nutrition et de physiologie de l’exercice à l’Université de l’État de Washington, le lieu de vie d’un individu peut avoir un impact direct sur les habitudes de vie qu’il adopte. « Le fait d’être physiquement actif ou sédentaire a un profond impact sur notre état de santé », et il est prouvé que l’environnement peut également avoir des répercussions importantes sur le bien-être social et émotionnel, explique-t-il.

COMMENT MESURER LA « MARCHABILITÉ » D’UN QUARTIER ?

De nombreuses villes européennes, telles que Zurich, Milan, Copenhague et Dublin, sont réputées pour être très accessibles aux piétons.

Pour mesurer la marchabilité, l’étude dirigée par Duncan utilise des paramètres tels que la densité des intersections, la densité de la population et l’accessibilité des destinations. Les chercheurs ont ainsi découvert que, pour chaque augmentation de 1 % de marchabilité d’un quartier, le nombre de personnes décidant de se déplacer à pied augmentait de 0,42 %.

Plutôt que de la marchabilité générale de la ville ou du quartier, le lieu de départ et la destination des individus ont également un immense impact sur leur possibilité de se déplacer à pied. « Le niveau de "marchabilité" d’une zone n’est pas fixe, il varie », décrit Duncan.

UNE MEILLEURE SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE

Les recherches semblent confirmer que les zones plus adaptées à la mobilité des piétons apportent un réel bénéfice à la société. Elles contribuent en effet à prolonger l’espérance de vie des individus, mais aussi leur espérance de santé, soit le nombre d’années qu’ils peuvent espérer vivre en bonne condition physique et fonctionnelle, sans maladies, ajoute Duncan.

« Nous voyons des liens évidents entre l’environnement du quartier et le comportement : dans ce cas, l’activité physique », explique-t-il. « La grande question, c’est de savoir si cela se traduit par des différences tangibles en matière de santé, comme en matière d’obésité, de maladies coronariennes, d’accidents vasculaires cérébraux ou de diabète. »

En plus d’améliorer l’état de santé général, s’installer dans une ville adaptée aux piétons peut également accroître de manière significative le bien-être général et la qualité de vie d’une famille.

Les personnes les plus heureuses vivent généralement plus longtemps, et une étude réalisée en 2023 est même parvenue à identifier un lien direct entre la vie dans un quartier marchable et le bonheur des individus âgés de trente-six à quarante-cinq ans.

De nombreuses raisons permettent d’expliquer ce phénomène.

Tout d’abord, du fait de la moindre dépendance à l’égard des voitures, les aménagements de ces quartiers sont plus écoresponsables, émettent moins de gaz à effet de serre, et offrent ainsi un air plus pur à leurs habitants. Cet élément n’est pas négligeable, la pollution atmosphérique pouvant provoquer de nombreux dégâts sur la santé publique, en entraînant des maladies chez les adultes et des problèmes de développement chez les enfants. Ces zones plus accessibles ont aussi l’avantage de stimuler l’économie locale, la vie dans des communautés plus intimes incitant à soutenir davantage les petites entreprises locales.

Les quartiers marchables favorisent également des modes de vie moins sédentaires et la pratique d’activités de plein air, telles que la course à pied ou le vélo. Même pour les jeunes générations, ces espaces offrent une meilleure santé mentale ainsi que des avantages économiques. Selon les experts, la marche permettrait même de renforcer la créativité des enfants à long terme.

Pour Laura Groenjes Mitchell, militante pour la mobilité active actuellement basée dans le Minnesota, ces libertés constituent des facteurs importants de bien-être.

Groenjes Mitchell élève sa famille à Minneapolis, une décision prise en grande partie pour profiter de la grande facilité d’accès à des ressources essentielles, telles que l’école et la bibliothèque municipale. « Nous avons choisi de vivre dans un quartier de la ville où il est possible de se déplacer à pied et à vélo, et notre qualité de vie s’en est trouvée améliorée », confie-t-elle.

Selon une étude réalisée en 2019, la marchabilité d’une ville serait directement liée à la mobilité sociale et économique d’un enfant. Il a en effet été démontré que les individus qui grandissent dans des zones dotées d’une bonne accessibilité pour les piétons sont en meilleure santé et ont des revenus plus élevés plus tard dans leur vie, probablement parce qu’ils sont plus proches des opportunités d’emploi. Ces espaces encouragent également les jeunes adultes à rencontrer plus souvent leurs voisins, que ce soit grâce à leur proximité ou aux célébrations de quartier, par exemple.

Pour Groenjes Mitchell, vivre dans un tel quartier a non seulement contribué à cultiver l’indépendance de ses enfants, mais lui a également donné confiance en leur capacité à se déplacer dans le monde avec prudence. À long terme, elle espère que le fait d’évoluer dans un environnement aussi libre les préparera à réussir tout au long de leur vie.

La marchabilité d’un quartier et le désir de vivre au sein d’une communauté solide devraient devenir de plus en plus importants au cours des prochaines décennies, notamment du fait de la hausse des températures et l’accélération des phénomènes météorologiques extrêmes, qui exacerbent les migrations environnementales et modifient les schémas d’implantation urbaine.

Si vous souhaitez contribuer à améliorer la marchabilité de vos quartiers, vous pouvez commencer par rejoindre des associations locales afin de soutenir collectivement les transformations des infrastructures. Toutefois, à plus grande échelle, si les décideurs politiques ne se penchent pas sur le sujet, les comportements néfastes pour notre santé, très souvent liés à l’utilisation de la voiture, ne disparaîtront pas de sitôt, affirme Duncan.

« Il ne s’agit pas seulement d’augmenter l’activité physique, mais aussi de réduire la pollution, de renforcer l’économie locale et d’avoir un meilleur tissu social », explique le spécialiste. « Il s’agit là d’avantages très puissants et très bénéfiques pour notre santé. »