Alcool : mieux vaut retarder la première gorgée de bière
La croyance populaire selon laquelle il est bon d’apprendre aux enfants à boire de manière responsable est fausse. Il est préférable de retarder le plus possible le moment où ils commencent à boire.
Certains parents autorisent parfois leurs enfants mineurs à boire de manière responsable ; mais selon les spécialistes, cela pourrait en fait favoriser l’apparition de comportements plus risqués vis-à-vis de l’alcool à l’âge adulte.
Élever un adolescent est une expérience stressante. L’une des nombreuses difficultés que l’on rencontre est de lui inculquer une attitude saine envers l’alcool.
La consommation d’alcool chez les mineurs constitue un problème de santé majeur, et ce dans le monde entier. Aux États-Unis, l’alcool est un facteur dans la mort de 4 300 jeunes personnes chaque année. La consommation précoce peut également conduire à des problèmes d’abus d’alcool plus tard dans la vie. De plus, il existe depuis longtemps une confusion concernant la meilleure façon d’apprendre aux adolescents à adopter un comportement responsable vis-à-vis de la boisson.
« Pendant très longtemps, des personnes ont pensé que si l’on apprenait à ses enfants à boire, alors ils n’auraient pas de problèmes de boisson », rappelle Lindsay Squeglia, chercheuse à l’Université médicale de Caroline du Sud, à Charleston. « La recherche ces deux dernières décennies a vraiment prouvé que ce n’est pas vrai. »
Bien plutôt, ainsi que le montre la recherche, les parents peuvent avoir une influence majeure sur le rapport de leur adolescent à l’alcool, notamment s’ils montrent l’exemple avec des comportements responsables et en fixant des limites claires.
« Les parents ont une très, très grande influence sur l’attitude des enfants [vis-à-vis de l’alcool] », explique Amelia Arria, chercheuse à l’École de santé publique de l’Université du Maryland, à College Park. « Votre voix compte vraiment. »
LE STYLE D’ÉDUCATION FAIT LA DIFFÉRENCE
Ainsi que le montrent un certain nombre d’études, les adolescents autorisés à boire par leurs parents finissent par boire plus souvent, et en plus grandes quantités, que leurs pairs qui n’y sont pas autorisés. Cela inclut le fait de boire à la maison, où ils sont surveillés par leurs parents, mais aussi le fait de boire en dehors de chez soi sans la présence d’adultes.
« Quand les parents autorisent leurs enfants à boire, leurs enfants finissent par boire dans tous types de contextes de manière plus excessive », indique Rutger Engels, chercheur à l’Université Érasme de Rotterdam, aux Pays-Bas. « Il y a un lien avec l’instauration de normes. »
De même que la plupart des parents ne laisseraient pas leur ado conduire avant qu’il n’ait obtenu son permis de conduire, le fait de demander aux adolescents d’attendre d’avoir un certain âge pour boire a pour effet d’établir une norme : boire de l’alcool est une activité réservée aux adultes, une activité qui comporte certaines limites et règles.
Il ne s’agit pas non plus d’une différence culturelle, car ces études ont été réalisées dans plusieurs régions et pays, comme l’Europe, l’Australie et les États-Unis, et toutes montrent des résultats similaires. Dans les pays où il a toujours été accepté que les parents donnent de l’alcool à leurs enfants, l’on observe des taux plus élevés de consommation excessive chez les mineurs, un comportement qui inclut notamment l’hyperalcoolisation rapide.
Vos propres habitudes en matière de boisson peuvent accroître le risque que votre adolescent se mette à boire. « Si vous buvez devant votre enfant et qu’il voit cela comme une chose normal […] cela lui envoie aussi le message que c’est un comportement acceptable », explique Bill Burk, chercheur à l’Université Radboud, à Nimègue, aux Pays-Bas.
Vous ne pourrez peut-être pas empêcher votre enfant de boire pour toujours, mais des études montrent qu’il y a de réels bénéfices à les faire patienter le plus longtemps possible.
POURQUOI IL EST IMPORTANT DE RETARDER L’ÂGE À PARTIR DUQUEL L’ON COMMENCE À BOIRE
L’une des principales raisons de retarder le moment de sa première consommation d’alcool est le fait que le cerveau d’un adolescent est encore en développement. Jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, le cerveau est encore en train d’ajuster certaines de ses régions, comme le cortex frontal, qui est responsable des fonctions exécutives. Souvent décrites comment le « système de gestion du cerveau », les fonctions exécutives sont ce qui nous permettent de planifier, de hiérarchiser et d’effectuer des tâches. Cela inclut des compétences telles que le contrôle des impulsions, la planification à long terme et le classement par ordre de priorité.
Pour les adolescents qui commencent à boire précocement, l’alliage entre alcool et fonctions exécutives bourgeonnantes peut s’avérer particulièrement problématique.
« Quand le cerveau est exposé à la présence continue d’une substance, notamment de l’alcool, cela va affecter une multitude de régions du cerveau », explique Michael Weaver, directeur médical du Centre de recherche neurocomportementale sur l’addiction chez UTHealth Houston, au Texas. « Ces processus commencent à se dégrader et ils se focalisent davantage sur l’alcool comme solution aux problèmes de la vie. »
L’alcool peut également causer à court terme des déficiences des fonctions exécutives chez un adolescent. Comme le remarque Michael Weaver, cela conduit à une incapacité à « mettre le holà » sur des activités qui sont amusantes mais qui peuvent avoir des conséquences assez graves, comme le fait de boire. Cela peut également perturber leur sens des priorités, notamment en ce qui concerne les devoirs, chose certes peu amusante mais bénéfique sur le long terme. « Vous perdez la capacité à résoudre des problèmes, à penser aux conséquences et aux alternatives qui mènent à la maturité », prévient-il.
L’alcool peut devenir une béquille dans les situations sociales, qui représentent un défi particulier à l’adolescence, moment où l’on commence à forger des relations sociales significatives en dehors de son cercle familial immédiat. Les adolescents qui commencent à boire précocement risquent de dépendre de l’alcool pour gérer des situations sociales pour le restant de leur vie. « L’usage de substances a une certaine façon d’interférer [avec le développement de ces compétences sociales] », avertit Amelia Arria.
RETARDER LA CONSOMMATION D’ALCOOL RÉDUIT ÉGALEMENT LE RISQUE D’EN ABUSER PLUS TARD
En matière d’intempérance adolescente, la recherche montre que plus un adolescent attend avant de boire son premier verre, plus le risque qu’il ait des problèmes d'alcool plus tard dans la vie diminue.
« Chaque année supplémentaire qu’un enfant passe à ne pas boire d’alcool réduit de 14 % le risque qu’il rencontre des problèmes [d'addiction] dans sa vie, révèle Lindsay Squeglia. Notre principal message est retardez, retardez, retardez. »
Cela vaut également pour les adolescents dont la famille a des antécédents de dépendance à l’alcool et qui présentent un risque d’avoir eux-mêmes des problèmes de boisson. Ainsi que le montre la recherche, le fait d’attendre pour commencer à boire peut avoir un effet encore plus important sur eux.
« Si un enfant commence à boire à treize ans et qu’il a une prédisposition génétique, il a beaucoup plus de chances de rencontrer des problèmes plus tard », explique Lindsay Squeglia. Cependant, si ces adolescents attendent d’avoir dix-huit à vingt-et-un ans avant de commencer à boire, le risque qu’ils finissent par avoir des problèmes avec l’alcool diminue à un point qui ne permet plus de les distinguer de leurs pairs n’ayant pas d’antécédents familiaux de troubles liés à la boisson.
COMMENT RÉDUIRE LES CHANCES QUE VOTRE ENFANT SE METTE À BOIRE
D’après les experts de la question, en plus de surveiller vos propres habitudes de consommation et de fixer des limites à vos enfants, il faut prendre garde à des facteurs clés : implication et soutien parentaux, qualité de votre relation avec votre enfant et surveillance parentale.
« Plus les parents connaissent et surveillent leurs enfants, moins ils sont susceptibles d’adopter des comportements à risque, comme la consommation d’alcool, explique Bill Burk. Ils peuvent en quelque sorte tuer cela dans l’œuf et s’occuper des problèmes qui se présentent avant que cela n’empire. »
Selon les spécialistes, en restant présent pour votre adolescent et en vous tenant au courant de sa vie, vous pouvez prévenir d’éventuels problèmes plus importants ; il peut par exemple s’agir de l’aider dans la gestion d’une relation saine avec l’alcool.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.