Les AVC sont en augmentation, mais ce n'est pas une fatalité

Le principal facteur de risque à l'origine des accidents vasculaires cérébraux est le même dans tous les pays du monde, mais par chance, c'est également le plus facile à traiter.

De Tara Haelle
Publication 8 oct. 2024, 12:29 CEST
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Une hémorragie interne (en rouge, au centre à droite) est visible dans le cerveau d'une victime d'AVC hémorragique (les artères sont visibles en rose), sur cette angio-IRM 3D colorisée. Selon de nouvelles études, le nombre d'AVC serait en augmentation.

PHOTOGRAPHIE DE ZEPHYR, SCIENCE PHOTO LIBRARY

Du plus en plus de personnes sont victimes d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) à travers le monde, et bien qu’elles parviennent plus souvent à survivre et à vivre plus longtemps par la suite, elles sont également de plus en plus jeunes.

Aux États-Unis, après un déclin au début des années 2000, la proportion de personnes ayant survécu à un AVC a en effet augmenté de 7,8 % entre 2011 et 2022, selon les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). De plus, alors que les AVC touchent généralement les personnes les plus âgées, les décès dus à ces attaques ont augmenté de 7 % chez les Américains âgés de 45 à 64 ans entre 2013 et 2019, puis de 12 % supplémentaires en 2021, comme le révélait un autre rapport publié en août par les CDC.

À l’échelle mondiale, selon une nouvelle étude publiée dans le Lancet Neurology, l’observation est la même : tandis que le nombre de cas s’est stabilisé chez les plus de 70 ans, et semble même avoir diminué, tout indique que les AVC sont de plus en plus fréquents chez les plus jeunes, tout particulièrement chez les adultes âgés de moins de 55 ans.

Cette angiographie permet de visualiser les vaisseaux sanguins du cerveau d'un patient de 48 ans avant (à gauche) et après (à droite) avoir été traité à la suite d'un grave AVC provoqué par l'obstruction d'une artère cérébrale. L'image de gauche montre une réduction du flux sanguin, tandis que celle de droite montre que celui-ci est parvenu à revenir grâce au traitement.

PHOTOGRAPHIE DE ZEPHYR, SCIENCE PHOTO LIBRARY

« Il est important de savoir qu’un accident vasculaire cérébral peut survenir à tout âge », rappelle Omoye Imoisili, médecin interne et autrice principale de l’étude publiée en mai par les CDC.

 

QUI SONT LES PERSONNES À RISQUE ?

Environ une personne sur dix succombe à un AVC dans le monde, ce qui en fait la troisième cause de mortalité après les maladies cardiaques et le COVID-19.

Le nombre de décès d’origine cardiovasculaire, dont les AVC, a connu un déclin dans la seconde moitié du 20e siècle, déclin qui a progressivement ralenti avant de se stabiliser en 2015. Aujourd’hui, bien que les taux d’AVC les plus importants soient enregistrés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, plusieurs pays à revenu élevé ont observé une augmentation des cas dans des populations plus jeunes au cours des dix dernières années.

De nombreux facteurs, tels que l’augmentation des taux d’obésité ou la hausse des températures due au changement climatique, expliquent ce phénomène croissant, mais l’hypertension artérielle reste le facteur de risque le plus important, et ce dans toutes les régions du monde. Cette dernière serait en effet à l’origine, à elle seule, d’un peu plus de la moitié de tous les cas d’AVC, selon l’étude du Lancet. Cette information est d’autant plus marquante si l’on sait que plus de 50 % des personnes souffrant d’hypertension aux États-Unis ne savent pas qu’elles en souffrent, chiffre qui monte à 93 % chez les personnes âgées de 18 à 44 ans, comme le révèle une autre étude publiée en septembre dans la revue JAMA Network Open.

Il y a cependant une bonne nouvelle : l’hypertension est aussi l’un des facteurs de risque les plus faciles à surveiller et à réguler.

« S’il y a une chose que tout le monde devrait faire dans le monde entier, des régions les plus difficiles d’Afrique et d’Asie du Sud-Est aux gratte-ciel de New York, c’est mesurer sa tension artérielle », affirme Matthew Schrag, neurologue au centre médical de l’Université Vanderbilt. Une tension artérielle est dite normale lorsqu’elle est inférieure à 140/90 mmHg, ce qui peut être atteint grâce à la prise de médicaments et à des changements dans le mode de vie.

« Nous disposons de dizaines de médicaments incroyablement efficaces et abordables, et [les patients peuvent] se surveiller eux-mêmes à domicile à l’aide d’un appareil [vendu dès 20 €] et dont l’utilisation ne nécessite aucune expertise », poursuit Schrag. « Il est grand temps de mettre en place une grande campagne de santé publique pour lutter contre l’hypertension. Cela permettrait non seulement de prévenir les accidents vasculaires cérébraux, mais aussi les crises cardiaques et bien d’autres problèmes. »

Il est important de noter que le risque ne se limite pas uniquement aux personnes affichant une tension extrêmement élevée. Selon Valery Feigin, chercheur spécialisé dans les accidents vasculaires cérébraux à l’Université d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, qui a dirigé l’étude du Lancet, la plupart des AVC et des crises cardiaques surviennent chez des personnes dont la tension artérielle n’est que modérément élevée. Pour chaque millimètre de réduction de la pression artérielle systolique dans la population, on observe une réduction d’environ 10 % de l’incidence des AVC. Il serait donc important, et efficace, de s'attaquer à tous les degrés d’hypertension, qu’ils soient modérés ou très élevés. « En ne ciblant que les personnes à haut risque, on passe à côté de la majorité des victimes d’AVC. »

 

COMMENT EXPLIQUER CETTE AUGMENTATION ?

Parmi les plus de 5,2 millions d’adultes américains interrogés dans le rapport des CDC publié en mai pour la période 2011-2022, le pourcentage de personnes ayant déjà subi un AVC est passé de 2,7 % en 2011-2013 à 2,9 % en 2020-2022. Cette augmentation peut paraître modeste, mais en réalité, elle inverse la tendance de la décennie précédente qui avait enregistré une diminution des cas d’AVC.

Le rapport présente également une analyse plus nuancée du phénomène. En effet, plutôt que de calculer le nombre de nouveaux cas d’AVC survenant chaque année, les chercheurs ont calculé le nombre de personnes vivantes déclarant avoir déjà subi un AVC. Ainsi, les données révèlent à la fois que davantage de victimes sont parvenues à survivre à des AVC et à vivre plus longtemps par la suite, mais aussi que les nouveaux cas d’AVC sont en augmentation dans certains sous-groupes spécifiques de la population.

Bien que l’âge avancé reste un important facteur de risque, le nombre de cas n’a pas augmenté chez les 65 ans et plus. Le groupe d’âge qui a connu la plus forte augmentation est en réalité celui des 45-64 ans, qui a gagné 0,5 point de pourcentage, soit une hausse de 16 %. Chez les 18-44 ans, la prévalence des AVC a enregistré une hausse de 0,1 point de pourcentage, soit une augmentation relative de 15 %. Autrement dit, les jeunes adultes ne représentent encore qu’une très faible proportion de l’ensemble des victimes d’AVC, mais les taux grimpent rapidement, là où aucune augmentation n’a été observée chez les adultes plus âgés.

La stabilisation du nombre de cas d’AVC chez les adultes plus âgés et l’amélioration du taux de survie n’ont rien de mystérieux. Selon Feigin et Imoisili, les nouveaux médicaments, le traitement plus efficace des maladies chroniques et la meilleure prise en charge des AVC ont contribué à augmenter le taux de survie et à mieux prévenir les premiers AVC ainsi que les récidives. La situation est toutefois plus complexe chez les jeunes adultes.

« L’évolution des tendances liées à la prévalence des AVC est en adéquation avec les tendances liées à la prévalence de l’obésité et de l’hypertension, qui sont des facteurs de risque fréquents d’AVC », explique Imoisili. Les données du rapport des CDC montrent par exemple que le taux d’obésité a augmenté au cours de la dernière décennie aux États-Unis, et notamment dans le Sud, où de nombreux États enregistraient les plus fortes prévalences d’AVC du pays. Le rapport établit également un lien entre ce phénomène et la « crise des opioïdes » qui touche le pays depuis les années 1990.

Par ailleurs, bien qu’il ait été prouvé que le COVID-19 pouvait augmenter le risque d’AVC, les taux n’ont en réalité pas beaucoup évolué depuis le début de la pandémie.

Une prévalence plus importante a été observée chez les Amérindiens, les Hawaïens, les insulaires du Pacifique et les personnes noires, ce qui pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs, tels que les taux globalement plus élevés de maladies chroniques, les niveaux de revenus plus faibles, l’accès plus limité aux soins de santé, mais aussi à différents obstacles « tels que le racisme ou les inégalités systémiques », ajoute Imoisili.

À l’échelle mondiale, bien que l’hypertension soit à l’origine de 57 % des cas d’AVC et constitue donc encore le principal facteur de risque, l’obésité commence à jouer un rôle de plus en plus important ; selon l’étude du Lancet, la contribution de cette dernière au risque accru d’AVC aurait augmenté de pas moins de 88 % depuis 1990. La pollution de l’air (aussi bien extérieur qu’intérieur) serait quant à elle la cause de 30 % des AVC, un chiffre qui, bien que non négligeable, a en réalité diminué par rapport à 1990, décrit Feigin. De leur côté, l’hyperglycémie et la consommation de boissons sucrées représentent des facteurs de risque de plus en plus importants, tout comme la hausse des températures atmosphériques, dont la contribution au risque accru d’AVC a augmenté de 72 %.

Cependant, si la hausse des températures augmente bel et bien le risque d’AVC, et devrait continuer à provoquer de plus en plus de décès dans le monde sous l’effet du changement climatique, toutes les températures extrêmes, chaudes comme froides, posent en réalité problème. En effet, selon une étude mondiale publiée cette année ainsi que d’autres recherches récentes, les températures froides auraient davantage d’impact sur les taux d’AVC, et sur les décès qui en découlent, que les températures chaudes.

 

PRÉVENTION ET TRAITEMENT DES AVC

Les conclusions de ces résultats sont plus complexes qu’il n’y paraît, indique Schrag. En effet, davantage de personnes survivent aux AVC et parviennent à vivre plus longtemps grâce aux progrès réalisés en matière de soins intensifs et de rééducation, mais cette proportion plus élevée de survivants a également un coût pour la société et pour les soignants. « C’est une bonne chose, mais cela crée aussi des défis », affirme Schrag.

La prévention, qui est encore trop peu exploitée, reste ainsi la meilleure des armes. « Si l’on réduit la tension artérielle aujourd’hui, on réduira demain l’incidence des AVC », dont l’immense majorité est tout à fait évitable, explique Feigin.

À l’échelle individuelle, il faudra commencer par identifier l’origine des risques : autrement dit, s’ils sont liés au mode de vie ou à des antécédents familiaux, précise Richard Temes, neurologue pour le Northwell Health, à New York. En matière de mode de vie, l’un des changements les plus efficaces pour abaisser sa tension artérielle consiste à réduire son apport en sodium, et donc en sel, recommande Feigin. Il est par exemple conseillé de réduire drastiquement la consommation d’aliments ultra transformés, qui constituent la principale source de sel dans notre alimentation. Un seul changement dans notre mode de vie peut suffire à avoir de nombreuses répercussions positives. « Le poids, l’hypertension, le manque d’activité physique, l’alimentation : tous ces facteurs liés au mode de vie sont interconnectés », explique-t-il. « Apportez des changements positifs à l’un d’entre eux, et cela aura des conséquences sur tous les autres. »

Imoisili soutient cette idée : « Il est important de réduire son risque d’AVC en prenant sa santé en main », ce qui implique également de ne pas fumer, de limiter sa consommation d’alcool, de contrôler son taux de cholestérol et de traiter les maladies chroniques comme le diabète.

Il est également essentiel de savoir détecter un AVC à temps, ajoute l’autrice principale de l’étude. « Plus vous vous rendrez rapidement dans un établissement de santé où des soins pourront vous être prodigués, plus vous aurez de chances de survivre. » L’acronyme VITE (Visage paralysé, Impossible de bouger un membre, Trouble de la parole, Éviter le pire en composant le 15) est un bon moyen mnémotechnique pour savoir reconnaître les signes d’un AVC et réagir rapidement. En présence d’un ou plusieurs de ces signes, appelez le 15 ou le 112 (numéro d’urgence européen) au plus vite.

Nous pouvons toutes et tous contribuer à inverser ces tendances, même à l’échelle individuelle.

« De plus en plus de personnes âgées de 30 à 50 ans développent des maladies cardiaques et sont victimes d’AVC. La clé est de déterminer son niveau de risque et de reconnaître qu’il ne s’agit en aucun cas d’une fatalité », affirme Temes. « Nous pouvons prendre des mesures concrètes pour améliorer notre mode de vie et notre santé et, en tant que communauté, nous avons un rôle à jouer sur notre avenir. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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