Des quantités alarmantes de microplastiques retrouvées dans le cerveau humain

Selon une nouvelle étude, la quantité de microplastiques retrouvés dans nos cerveaux aurait augmenté de 50 % entre 2016 et 2024.

De Olivia Ferrari
Publication 6 févr. 2025, 17:41 CET
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Cette tomodensitométrie colorisée révèle les vaisseaux sanguins dans le cerveau. Selon une nouvelle étude, les microplastiques s'accumuleraient à des niveaux plus élevés dans le cerveau humain que dans le foie et les reins.

PHOTOGRAPHIE DE Samunella, SCIENCE PHOTO LIBRARY

Les microplastiques, définis comme des particules de plastique mesurant moins de 5 millimètres de diamètre, s’infiltrent à un rythme alarmant dans notre environnement depuis plusieurs décennies. Les humains produisent pas moins de 300 millions de tonnes de plastique chaque année pour répondre à la demande croissante à travers le monde, et on estime à 2,5 millions de tonnes la quantité de microplastiques qui flottaient dans nos océans en 2023, soit plus de dix fois plus qu’en 2005.

Une nouvelle étude publiée dans Nature Medicine révèle désormais que les microplastiques et les nanoplastiques, dont la taille est inférieure à un millième de millimètre, s’accumulent dans le cerveau humain à des niveaux encore plus importants que dans le foie et les reins. Ce n’est pas tout : des concentrations significativement plus élevées ont également été observées dans les échantillons de tissus cérébraux prélevés en 2024 que dans ceux de 2016, ainsi que dans ceux des individus atteints de démence.

L’étude, qui n’établit pas de relation de causalité entre la présence de ces particules et la démence, soulève néanmoins des questions quant aux conséquences possibles de l’exposition aux plastiques. En effet, si la présence des plastiques dans notre organisme ne fait aucun doute, leur impact sur notre santé demeure difficile à évaluer.

« Nous pensons que [ces résultats] sont simplement le reflet de l’accumulation [du plastique] dans l’environnement et l’exposition croissante qui en découle », explique Matthew Campen, professeur de sciences pharmaceutiques à l’Université du Nouveau-Mexique et auteur de l’étude. « Les individus sont exposés à des niveaux de plus en plus importants de micro et nanoplastiques. »

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Cette image montre une rupture de la barrière hémato-encéphalique. On peut voir le marqueur fluorescent (rouge) injecté dans le sang s'échapper du vaisseau sanguin en bas à droite (rond) dans le tissu cérébral environnant. Une rupture de cette barrière, survenue à la suite d'une blessure ou d'une maladie, peut entraîner la mort des tissus environnants.

Micrographie de C.J. Guerin, PhD, MRC Toxicology Unit, SCIENCE PHOTO LIBRARY

 

LE PROBLÈME DE LA POLLUTION PLASTIQUE

Les particules de microplastique et de nanoplastique (MNP), qui peuvent être invisibles à l’œil nu, proviennent de produits en plastique de plus grande taille, comme des bouteilles de soda, des sacs plastique et des récipients en polystyrène qui, au fil du temps, se décomposent et se répandent dans l’environnement.

L’accumulation des MNP dans les océans est étudiée depuis les années 1970. Les scientifiques ont trouvé des microplastiques dans le corps des animaux marins, qui les absorbent à travers l’eau qu’ils ingèrent et les poissons contaminés dont ils se nourrissent.

Ce problème ne se limite pas au monde aquatique : des particules ont également été retrouvées dans les tissus d’autres animaux, tels que les porcs, les vaches et les poulets, qui sont ensuite consommés par les humains.

L’air que nous respirons, et tout particulièrement l’air intérieur, est lui aussi concerné du fait des vêtements, meubles et produits ménagers qui contiennent et relâchent des microplastiques.

Une fois inhalées, ces particules peuvent circuler dans l’organisme et se retrouver dans divers organes. Des études ont ainsi révélé la présence de MNP jusque dans les poumons, le placenta, les vaisseaux sanguins et la moelle osseuse des humains.

Selon une étude réalisée en 2024, les MNP auraient même la capacité de traverser la barrière hémato-encéphalique, un filtre extrêmement sélectif qui permet de contrôler ce qui peut ou non pénétrer dans notre cerveau par le biais de la circulation sanguine. Cette étude a révélé que, contrairement à ce que pensaient alors les chercheurs, à savoir que seuls les nanoplastiques pouvaient passer à travers cette barrière, des microplastiques plus gros pouvaient également atteindre le cerveau.

 

DES MICROPLASTIQUES DANS LE CERVEAU HUMAIN

L’article en question vient confirmer que des MNP sont bel et bien présents dans le cerveau, et dans des quantités non négligeables.

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont examiné cinquante-deux échantillons de cerveau humain prélevés entre 2016 et 2024, tous dans le cortex frontal, la partie du cerveau responsable du jugement, de la prise de décision et des mouvements musculaires, ainsi que des échantillons de foie et de rein prélevés sur les mêmes individus. Tous les tissus ont été passés au microscope et ont fait l’objet d’une analyse moléculaire afin d’identifier leur composition chimique.

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    Les microplastiques sont dans toute la chaîne alimentaire

    Résultat : les échantillons de cerveau et de foie prélevés en 2024 présentaient des concentrations de MNP nettement plus élevées que ceux de 2016, et la masse totale de plastique retrouvée dans les cerveaux augmentait d’environ 50 % entre 2016 et 2024. D’après les chercheurs, cette découverte préoccupante pourrait être due à l’augmentation drastique des concentrations de MNP dans nos maisons, notre air et notre eau.

    « Je suis choquée par la quantité de microplastiques qui a été trouvée », admet Emma Kasteel, neurotoxicologue à l’Université d’Utrecht, aux Pays-Bas. « Elle est beaucoup plus élevée que ce à quoi je m’attendais. »

    Ces résultats reflètent l’augmentation des niveaux de microplastiques dans l’environnement, suggère-t-elle. Nous sommes davantage exposés à ces substances et, par conséquent, celles-ci s’infiltrent de plus en plus dans nos organes.

    Dans l’ensemble, les échantillons de cerveau contenaient entre sept et trente fois plus de MNP que les échantillons de foie et de rein. Les particules trouvées dans le cerveau étaient principalement de minuscules éclats ou flocons de polyéthylène, l’un des plastiques les plus courants au monde, souvent utilisé dans les emballages.

    Il est logique que les MNP s’accumulent davantage dans le cerveau que dans d’autres organes, précise la neurotoxicologue. En effet, l’inhalation par le nez vers le bulbe olfactif, la région du cerveau qui traite l’odorat, donne aux MNP présents dans l’air un accès plus direct au cerveau qu’aux autres organes.

    Cependant, selon Campen, aucun lien n’a été identifié entre l’âge de l’individu examiné et la quantité de plastique retrouvée dans ses organes, ce qui suggère que le corps parvient à éliminer une partie du plastique qu’il absorbe. Dans le cas contraire, les organes des personnes âgées présenteraient beaucoup plus de particules que ceux des individus plus jeunes.

    Autre révélation majeure : les taux de MNP étaient trois à cinq fois plus élevés dans les cerveaux de douze personnes qui avaient reçu un diagnostic de démence de leur vivant. Bien qu’elle ne signifie pas nécessairement que les MNP soient une cause directe de la démence de ces individus, pour les chercheurs, cette observation mériterait de faire l’objet d’études plus approfondies.

    Kasteel précise toutefois que les barrières hémato-encéphaliques des personnes atteintes de démence sont moins efficaces que celles des personnes en bonne santé. Ainsi, la concentration plus élevée de MNP dans leur cerveau pourrait être une conséquence de la maladie, plutôt que sa cause.

     

    CONSÉQUENCES ET SOLUTIONS

    Les scientifiques ne parviennent pas encore à comprendre pleinement les effets des MNP sur le cerveau, c’est pourquoi ils appellent à des recherches supplémentaires. Des études ont néanmoins montré que la présence de MNP dans les artères constituait un facteur de risque de maladies cardiovasculaires, mais aussi que les cellules cancéreuses de l’estomac pouvaient se propager plus rapidement lorsqu’elles entraient en contact avec des MNP.

    « De plus en plus d’études, dont celle-ci, montrent que des plastiques sont présents dans le cerveau, et ils ne devraient pas être là », commente Kasteel. « Nous ne savons pas grand-chose de ses effets sur la santé, à part qu’ils sont là et qu’ils ne devraient pas y être. C’est sans doute suffisant pour s’inquiéter. »

    L’équipe de recherche de Campen souhaite désormais étudier l’ensemble du cerveau afin de comprendre si certaines zones spécifiques contiennent plus de microplastiques que d’autres, et le cas échéant, déterminer si leur présence est liée à des problèmes de santé spécifiques.

    Il est impossible d’éviter complètement l’exposition aux plastiques, mais selon Kasteel, il est possible de la limiter au quotidien grâce à de petites actions : minimiser les plastiques à usage unique, bien ventiler son logement et passer l’aspirateur régulièrement pour enlever la poussière et les débris de plastique, et éviter les produits cosmétiques qui ajoutent intentionnellement des MNP, comme les gommages contenant des microbilles de plastique, interdits en France depuis 2018.

    En outre, certains scientifiques développent des solutions pour tenter de réduire la quantité de microplastiques dans l’environnement. Il existe par exemple un type de ver qui se nourrit de polystyrène, mais aussi des champignons et des microbes capables de décomposer les plastiques dans l’environnement. De nouveaux types de filtres destinés à éliminer les MNP de l’eau potable sont également en développement.

    « Le plastique est partout. La plupart des gens ne peuvent pas imaginer un monde sans plastique… même si nous arrêtons de produire du plastique maintenant, le monde sera toujours plein de microplastiques », affirme Kasteel. « Il est donc bon de réfléchir à des mesures pour limiter leurs dégâts, d’appliquer le principe de précaution, et de chercher des solutions pour minimiser l’exposition dans l’objectif de, peut-être, réussir à prévenir certains risques sanitaires. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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