Les aliments bio sont-ils réellement meilleurs pour notre santé ?

Au-delà du label « biologique », il faut s'intéresser à la façon dont les aliments ont été cultivés.

De Meryl Davids Landau
Publication 16 nov. 2024, 11:09 CET
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Ces pommes biologiques provenant de semences ancestrales ont-elles été cultivées dans un sol sain ? Cela peut faire toute la différence.

PHOTOGRAPHIE DE Becky Hale, National Geographic

Avec l'été vient le temps des marchés fermiers. Les supermarchés regorgent de produits de saison. Certains, certifiés biologiques, se vendent à des prix élevés. Il est donc légitime de se demander si les fruits et légumes biologiques sont plus riches en nutriments que les autres. En version courte : oui. Le sujet est néanmoins plus complexe qu’il n’y paraît.

Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, les réglementations relatives aux aliments biologiques, ne mettent pas nécessairement l'accent sur leurs bienfaits pour la santé. La règlementation en vigueur tient compte de la manière dont ils sont cultivés, principalement en utilisant du compost et du fumier plutôt que des substances chimiques de synthèse, ce qui permet ainsi de protéger le sol. En revanche, s'il n'est pas possible de maîtriser les insectes envahissants via des moyens naturels, les pesticides peuvent être autorisés.

Pour les consommateurs, le facteur clef de motivation est le fait que ces aliments soient meilleurs pour la santé. Il est donc important pour les scientifiques de comprendre si cela est vrai, explique Julia Baudry qui a étudié la question à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), organisme indépendant.

Des décennies de recherches ont brouillé les pistes. Certaines, en particulier les toutes premières, n'ont trouvé que peu de différences nutritionnelles entre les aliments biologiques et les autres. D'autres ont avancé que les bienfaits étaient immenses. Selon David Montgomery, pédologue à l'université de Washington, cette disparité reflète probablement des variations dans les pratiques d’exploitation des sols des fermes biologiques et, surtout, dans la manière dont est définie la nutrition. « Il existe des différences dans ce qu'on mesure et compare réellement », indique-il.

Globalement, après avoir effectué une analyse pour une revue scientifique et son livre What Your Food Ate, David Montgomery a déterminé que les cultures biologiques et les sols sains contenaient moins de résidus de pesticides et des quantités plus élevées de composés phytochimiques riches en antioxydants, tels que les flavonoïdes et les caroténoïdes.

« On pourrait se demander si les différences sont assez significatives pour s'inquiéter. Mais de mon point de vue, ce qui est préférable, c'est que mes aliments ne contiennent aucun pesticide et, au contraire, beaucoup de substances phytochimiques », déclare-t-il.

Bien entendu, la consommation de n'importe quel fruit ou légume, notamment en grandes quantités, est bénéfique à bien des niveaux

 

MOINS DE CANCERS ET AUTRES MALADIES

Les produits certifiés biologiques ne sont réellement accessibles que depuis une vingtaine d'années, explique Dave Chapman, agriculteur biologique de longue date dans le Vermont. Dans l'ensemble, les aliments biologiques coûtent environ 20 % de plus que les autres, en partie parce que leur production est plus coûteuse.

Les premières études qui ont semé la confusion au sujet des bénéfices pour la santé, ont limité leurs analyses aux vitamines, minéraux et macronutriments, tels que les glucides et les protéines. 

En 2012, un passage en revue de 200 études réalisées par le passé a confirmé que les teneurs en vitamines A et C, ainsi qu’en minéraux, notamment le calcium et le fer, n'étaient pas significativement différentes entre les produits biologiques et les autres.

Les composés phytochimiques sont des composés organiques naturels qui abondent dans les fruits et légumes et qui permettent de réduire l'inflammation, renforcent le système immunitaire et améliorent globalement la santé. Ceux-ci ont fait l’objet de moins d’attention dans ces études car ils ne sont pas compris dans les apports nutritionnels recommandés.

Lorsque les chercheurs se sont spécifiquement penchés sur ces composés, ils ont constaté que les produits biologiques en étaient 12 % plus riches, principalement en caroténoïdes. Des personnes qui ont consommé pendant trois semaines des aliments non certifiés comme biologiques, puis pendant le même laps de temps des aliments biologiques, présentaient des taux de flavonoïdes plus élevés dans leurs urines après consommation du deuxième type d’aliments.

Selon David Montgomery, cela suit une certaine logique, les plantes augmentant les niveaux de ces composés pour se protéger des insectes et des maladies. Les autres cultures n'en ont pas besoin car elles sont protégées par des substances chimiques de synthèse.

Le fait que les composés phytochimiques soient présents en plus grande quantité pourrait expliquer pourquoi les études d'observation de Julia Baudry ont révélé des taux plus faibles de cancers, notamment du sein, ainsi que de diabète de type 2, chez les personnes qui consomment davantage d'aliments biologiques. Certains scientifiques critiquent les études d'observation car les personnes consommant régulièrement des produits biologiques diffèrent à bien des égards de celles qui ne le font pas. Elles sont, par exemple, généralement plus aisées et plus instruites et ont tendance à prendre soin de leur santé en faisant régulièrement de l'exercice.

Julia Baudry explique qu'elle et ses collègues ont pris soin de tenir compte de tous ces éléments. « Nous sommes tout à fait convaincus que nous avons pris en compte les facteurs nécessaires dans le cadre de cette recherche », déclare-t-elle. Néanmoins, de telles études ne peuvent prouver de lien de cause à effet. Comme l'indiquent les chercheurs dans leur résumé, il faudrait procéder à des expériences directes pour pouvoir affirmer qu’une alimentation à base de produits biologiques permet une diminution du nombre de maladies.

L'amélioration de l’état de santé des personnes participant à l’étude de Julia Baudry s'explique probablement aussi parce que les produits biologiques ne contiennent généralement pas d'engrais de synthèse et de pesticides. L'étude de 2012 a révélé que les résidus de pesticides dans les produits non biologiques étaient 30 % plus élevés que dans les produits biologiques, tandis que d'autres chercheurs ont constaté que le taux de cadmium, toxine présente dans certains engrais qui peut s'accumuler dans le foie et les reins, était de 48 % supérieur.

La plupart des études sur les risques liés à ces substances chimiques ont été réalisées sur des ouvriers agricoles, ceux-ci étant beaucoup plus exposés. Un rapport datant de 2022 fait état de problèmes de santé allant d'un manque de concentration et de symptômes neurologiques à des douleurs thoraciques chez les agriculteurs utilisant des produits chimiques organophosphorés. L’Organisation mondiale de la santé considère même que certains de ces insecticides sont probablement cancérigènes. Pourtant, les concentrations de produits chimiques dans les cultures non biologiques sont généralement inférieures aux seuils légaux.

 

AU-DELÀ DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE, L'AGRICULTURE RÉGÉNÉRATRICE

Tim LaSalle, cofondateur du Center for Regenerative Agriculture and Resilient Systems de l'université d'État de Californie à Chico, explique que pour consommer les aliments les plus sains possibles, il ne faut pas se contenter de regarder si les produits sont étiquetés comme biologiques, mais s'informer sur la manière dont ils ont été cultivés.

Dave Chapman, codirecteur exécutif du Real Organic Project, compare la diversité des micro-organismes présents dans un sol sain à celle que l'on trouve dans nos intestins. « Si notre microbiome n'est pas sain, nous ne sommes pas en bonne santé », explique-t-il. « Il en va de même pour les sols. »

C'est pourquoi Dave Chapman déplore que le label biologique puisse être donné à des plantes issues de l’hydroponie, système de culture hors-sol. Celles-ci sont nourries artificiellement, généralement avec de l'azote. « Les plantes sont suspendues et essentiellement alimentées par un tube », explique-t-il. « Ce n'est pas l'idée que l'on se fait d’un potager ». 

Les consommateurs souhaitant des produits cultivés dans le meilleur des sols devraient rechercher ceux issus de l'agriculture régénératrice, qu'ils soient certifiés biologiques ou non, indique Tim LaSalle. Cette pratique accorde une importance particulière à la qualité du sol et, bien qu'elle n'exclue pas obligatoirement pesticides et herbicides, un tel écosystème permet généralement de ne pas avoir à y recourir, précise-t-il.

Les agriculteurs pratiquant l'agriculture régénératrice suivent trois principes de base : ils ne retournent ou ne labourent pas la terre avant de planter car cela tue les organismes vivant près de la surface ; ils utilisent plusieurs variétés de plantes de couverture entre les saisons de végétation car leurs racines nourrissent le sol avec différents composés ; et ils conservent les plantes dans le sol autant que possible plutôt que de les laisser en jachère entre les récoltes.

Ces stratégies augmentent le nombre de champignons, de vers de terre et autres organismes sous la surface qui apportent des nutriments supplémentaires aux plantes. Selon un article paru dans l’European Journal of Nutrition, des brocolis et des choux-fleurs cultivés dans ce type de sol verraient leur teneur en composés phytochimiques multipliée par dix.

Le terme « régénératrice » n'est toutefois pas réglementé, il est donc possible d’apposer ce label sur des aliments qui ne remplissent pas les conditions requises, déplore Dave Chapman. Même si le terme « biologique » est réglementé, ce dernier affirme que l'application de la réglementation est laxiste, notamment en ce qui concerne les céréales importées.

Pour trouver les produits les plus sains et les plus savoureux, Tim LaSalle conseille donc de se rendre au marché local. Demandez aux agriculteurs non seulement s'ils évitent les pesticides, mais aussi s'ils labourent leurs terres et ce qu'ils en font entre les saisons de végétation.

Britt Burton-Freeman, directrice du Center for Nutrition Research de l'Institut de technologie de l'Illinois, craint toutefois que l'importance accordée aux produits biologiques n'empêche les gens de manger suffisamment de fruits et de légumes. Dans son enquête menée auprès de 510 acheteurs à faibles revenus, la plupart ont déclaré préférer les produits biologiques mais ne pas pouvoir se les offrir, et certains même d’être moins enclins à acheter des fruits et légumes en raison de la présence de pesticides. « Les spécialistes du marketing alimentaire se doivent de mieux cerner la manière dont leurs messages peuvent influencer la consommation de fruits et légumes », déclare-t-elle.

Les personnes qui ont les moyens d'acheter des produits biologiques cultivés dans les règles doivent se demander si cela vaut la peine de dépenser davantage d'argent, explique David Montgomery. « Si l'on veut manger le plus sainement possible, il faut donner la priorité à une alimentation riche en aliments frais cultivés sur des sols sains et fertiles. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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