Pourquoi l'épidémie de grippe est particulièrement virulente cette année
L'épidémie de grippe est particulièrement intense cette année, provoquant la saturation de nombreux hôpitaux. Selon les experts, plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène.
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Micrographie électronique à balayage (MEB) colorisée d'une particule du virus de la grippe H1N1 récupéré dans une cellule pulmonaire.
Les cas de grippe saisonnière ont atteint cette année leur niveau le plus élevé depuis quinze ans aux États-Unis, provoquant la surcharge des hôpitaux, la fermeture d’écoles et la mort d’environ 19 000 personnes. C’est la première fois que le nombre de décès liés à la grippe dépasse ceux liés aux COVID-19 depuis le début de la pandémie il y a cinq ans.
Parallèlement à la grippe, les infections à VRS, à norovirus et à COVID-19 restent également élevées, « mettant les hôpitaux à rude épreuve, notamment parce que les patients nécessitent tous les mêmes ressources, telles que les lits des unités de soins intensifs et le personnel de santé », commente Jason Nagata, pédiatre au Benioff Children’s Hospital de l’Université de Californie à San Francisco. « Les hôpitaux [américains] ont du mal à répondre à la demande et certains ont été contraints d’installer des tentes de triage temporaires. »
Cette épidémie saisonnière n’est pas sans rappeler celle de l’hiver 2019-2020, qui avait connu des pics en décembre, février et mars. Si un nouveau pic similaire devait se produire le mois prochain, ses effets pourraient être encore plus dévastateurs.
En France, la grippe fait également des ravages cette année, tout particulièrement chez les jeunes. En janvier, de nombreux hôpitaux ont activé des plans de crise face à l’intensité de l’épidémie et à la saturation des services hospitaliers. Malgré une baisse d’intensité en cette fin de mois de février, le nombre de cas reste plus élevé que la normale et le niveau d’alerte reste au rouge dans tout le pays.
Voici les facteurs qui contribuent aux taux de grippe particulièrement élevés que nous observons cette année, notamment aux États-Unis, et les méthodes que vous pouvez utiliser pour protéger au mieux votre santé et celle de votre famille, où que vous habitiez.
COMMENT EXPLIQUER CE PIC EXCEPTIONNEL ?
William Schaffner, spécialiste des maladies infectieuses à la faculté de médecine de l’Université Vanderbilt, explique : « On ne sait pas toujours pourquoi les épidémies saisonnières de grippe varient autant en termes de gravité », mais les chiffres exceptionnellement élevés de cette année sont probablement liés à plusieurs facteurs.
Parmi eux, l’hiver exceptionnellement froid qui frappe les États-Unis depuis quelques semaines, « qui pousse la population à rester à l’intérieur, augmentant ainsi les contacts étroits et facilitant la propagation du virus ». Comme le VRS et le COVID-19, la grippe se transmet par de minuscules gouttelettes respiratoires émises par une personne infectée lorsqu’elle respire, parle, tousse ou éternue.
Selon Nagata, il est probable que les États-Unis subissent un « déficit immunitaire » résultant d’une exposition moindre à la grippe et à d’autres virus pendant la pandémie, en raison des mesures préventives liées au COVID-19. Des précautions, telles que la distanciation sociale et l’utilisation de masques, bien qu’essentielles pour prévenir la propagation du virus, ont entraîné moins de cas de grippe pendant la pandémie et donc moins de développement d’anticorps chez les individus pour les protéger contre les épidémies saisonnières ultérieures, comme celle que nous connaissons actuellement.
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Micrographie électronique à balayage (MEB) colorisée de particules (en rose) du virus de la grippe H1N1 qui se développent sur des cellules pulmonaires. Le virus H1N1 est un sous-type du virus de la grippe A, une famille de virus capables d'infecter plusieurs espèces, et l'agent pathogène humain le plus virulent des trois types de grippe (A, B et C).
Cette épidémie saisonnière a également été « très imprévisible », admet Nagata, avec plusieurs vagues d’infections et la circulation simultanée des souches de type A, H1N1 et H3N2, tout comme en France. En effet, le virus ne connaît normalement qu’un seul pic par saison, et voit généralement la prédominance d’une souche par rapport aux autres ; les pics multiples et la circulation de deux souches sont donc considérés comme inhabituels.
Un rapport préliminaire indique que cette imprévisibilité pourrait avoir rendu les vaccins contre la grippe moins efficaces que les années précédentes, mais les données sont encore insuffisantes pour savoir si c’est vraiment le cas, souligne Jason Newland, chef du service des maladies infectieuses au Nationwide Children’s Hospital dans l’Ohio. « Nous savons que, même dans ces années hors-norme ou lorsque leur efficacité n’est pas aussi bonne, [les vaccins] offrent toujours une certaine protection contre les formes graves de la maladie », précise-t-il.
Un autre facteur de l’épidémie de cette année, et probablement le plus important : le grand nombre de personnes qui ne se sont pas du tout fait vacciner. « Les taux de vaccination contre la grippe ont diminué, ce qui explique en grande partie l’augmentation du nombre de cas », explique Elizabeth Mack, médecin et cheffe de l’unité de soins intensifs pédiatriques à l’Université médicale de Caroline du Sud.
Selon les données des Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), seulement 146,5 millions de doses de vaccin avaient été administrées au 1er février dans le pays, contre 156,9 millions l’année dernière, soit une baisse de 7 %. « Les taux de vaccination contre la grippe sont à leur plus bas niveau depuis des années ; moins de la moitié des Américains sont actuellement vaccinés », déplore Nagata.
En outre, bien que les enfants de moins de 5 ans soient particulièrement vulnérables aux pires conséquences de la grippe, moins de 46 % d’entre eux ont été vaccinés contre la grippe cette année dans le pays, « soit moins que l’année dernière à la même époque, [où] nous avions enregistré plus de 50 % », révèle Leana Wen, médecin urgentiste et professeure de santé publique à la Milken Institute School of Public Health de l’Université George Washington.
COMMENT SE PROTÉGER AU MIEUX ?
Quelle que soit l’origine de la recrudescence actuelle, « nous savons comment nous protéger contre la grippe et comment la traiter », affirme Newland.
Une bonne hygiène reste l’un des outils de prévention les plus élémentaires. « Tout le monde devrait se laver les mains avec de l’eau et du savon, tout particulièrement après avoir touché les surfaces les plus utilisées », recommande Wen.
Selon la spécialiste, les personnes particulièrement vulnérables, comme les très jeunes enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées et les personnes immunodéprimées, devraient prendre des précautions supplémentaires, en portant un masque de bonne qualité dans les espaces publics intérieurs et en évitant des espaces bondés et mal ventilés, par exemple.
Maintenir un mode de vie sain en dormant suffisamment, en mangeant des aliments nutritifs et en restant actif « peut également renforcer votre système immunitaire et réduire votre risque d’infection », ajoute Nagata.
Cependant, la protection la plus sûre contre les pires effets du virus reste probablement le vaccin. « C’est pourquoi il est recommandé à toutes les personnes de six mois et plus de se faire vacciner chaque année contre la grippe », explique Mack. En effet, comme l’indique le site internet du ministère de la Santé en France, « la vaccination présente un double avantage, c’est à la fois une protection individuelle et collective : plus le nombre de personnes vaccinées augmente, moins le virus circule ». L’épidémie saisonnière pourrait continuer pendant encore au moins un mois, c’est pourquoi il est toujours recommandé de se faire vacciner, même si le vaccin peut mettre sept à dix jours pour faire pleinement effet.
Il est important de noter que le vaccin ne vous empêchera pas totalement de contracter la grippe, mais il en réduira la gravité en cas d’infection « et pourra vous éviter d’aller à l’hôpital, aux soins intensifs, et vous protéger de la mort », rappelle Schaffner. « Il permet de passer d’une grippe virulente à une grippe bénigne. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
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