De Phnom Penh à Angkor, le Cambodge au fil de l’eau

Pour rejoindre l’ancienne capitale khmère et ses temples mythiques, nos reporters ont choisi de prendre le temps d’une croisière.

De Corinne Soulay
Photographies de Emanuela Ascoli
Pour être aux premières loges du lever de soleil sur les cinq tours du temple d’Angkor ...
Pour être aux premières loges du lever de soleil sur les cinq tours du temple d’Angkor Vat, et arriver avant le gros de la foule, un seul conseil : s’y rendre à l’ouverture du site, à 5 h 30. Et attendre patiemment…
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

Je ne me souviens plus très bien quand cela a commencé. Était-ce un jour de février 1997, en sortant d’une exposition consacrée à l’art khmer au Grand Palais ou, plus prosaïquement, quatre ans plus tard, devant le blockbuster « Tomb Raider » et son héroïne athlétique, Lara Croft, piégée dans un temple étouffé par la végétation ? Une chose est sûre, depuis plus de vingt ans, je rêve de découvrir le site archéologique d’Angkor, au Cambodge.

Mais pas à la va-vite... Plutôt à la manière du naturaliste Henri Mouhot, à qui l’on doit la redécouverte, en 1860, de l’ancienne capitale de l’empire khmer après quatre cents ans d’abandon. Lentement. Comme le point d’orgue d’un long périple. Avant d’atteindre la cité perdue, le Français voyage durant des mois. Puis, touchant au but, il chemine encore trois heures à travers une forêt dense, sous une chaleur étouffante, jusqu’à ce qu’apparaissent enfin les cinq tours en forme de boutons de lotus du plus grand des temples d’Angkor : Angkor Wat.

Là, il reste frappé d’admiration. Aujourd’hui, le site charrie près de 5 millions de visiteurs par an, impossible donc de revivre l’expérience unique d’Henri Mouhot. Malgré tout, j’avais envie de reproduire partiellement cet étirement du temps, cette tension jusqu’à l’objet rêvé... Et pour ce slow travel, quoi de mieux que le bateau ?

Je me suis donc envolée pour Phnom Penh, capitale du Cambodge, afin de rejoindre la croisière du « Mékong Prestige ». Le bateau a pour destination le grand lac Tonlé Sap – dont les rives jouxtent le site d’Angkor –, via la rivière du même nom, affluent du Mékong. Il doit accoster le lendemain, j’en profite pour déambuler dans les rues envahies de tuk-tuk, le regard happé par les entrelacs de fils électriques qui forment d’énormes pelotes en haut des poteaux. Je visite le Palais Royal, demeure du souverain Norodom Sihamoni, puis me perds dans le marché central. L’imposante construction Art déco couleur crème, aux fenêtres ajourées telles des moucharabiehs de béton, abrite des étals de bijoux, de vêtements et de denrées alimentaires où se côtoient fruits et légumes, viandes exposées à l’air libre, et spécialités insolites comme des œufs rose fluo recouverts de terre…

Dans le marché russe de Pnomh Penh, on trouve de tout et surtout des denrées atypiques et étonnantes, comme les œufs roses ou recouverts d’une épaisse couche de terre noire.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

Après une heure de marche, j’aperçois un mur recouvert de barbelés. C’est la  clôture du musée du génocide Tuol Sleng, plus connu sous le nom S-21. Cet ancien lycée a été transformé en prison sous le régime communiste des Khmers rouges, entre 1975 et 1979. Le silence règne dans la cour, devenue un petit parc où s’égayent des cochons d’Inde. Malgré le calme apparent, le lieu est le symbole d’un génocide qui fît près de 2 millions de morts. Ici, ont été torturées et tuées plus de 12 000 personnes. Adultes et enfants.

Les salles de classe ont été cloisonnées, transformées en cellules de bois ou de pierre, grandes comme des  cercueils. Dans une litanie funèbre, le guide égrène les sévices perpétrés : « Avant, on exposait des paniers remplis d’ongles, mais les visiteurs étaient trop choqués. » De salles en salles, des centaines de photos donnent à voir les visages des victimes, souvent jeunes, numéro cousus sur la chemise ou à même la peau. Quand les Vietnamiens envahirent le Cambodge en 1979 et libérèrent les prisonniers, il ne restait que sept survivants. 

Le souffle coupé, je sors. En retrouvant l’ambiance allègre des rues de Phnom Penh, je réalise la capacité de résilience de cette ville martyrisée. En quête d’apaisement, je prends un tuk-tuk pour la place de l’Indépendance et son monument en forme de lotus symbolisant l’autonomie du pays, acquise en 1953, après quatre-vingt-dix ans de protectorat français.

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    Rescapée du génocide khmer, les Chams sont la troisième minorité ethnique du Cambodge. À la base hindouiste, ce peuple s’est converti à l’islam sous l’influence de marchands indiens implantés en Asie du Sud-Est dès le début du XIIIe siècle.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    Derrière un mur d’enceinte, je devine le toit caractéristique d’un vihara, la salle de prière d’une  bouddhiste. Celle-ci s’appelle Wat Langka, et c’est exactement ce dont j’avais besoin. J’y découvre une cité dans la cité, constituée d’immeubles bas, aux balcons en pierre, où sèchent des tuniques orange par dizaines, et d’allées bordées de coquets stupas, destinés à recueillir les cendres des défunts.

    Nous sommes au milieu de l’après-midi, les ruelles de la pagode, ornées de bougainvilliers fuchsia sont quasi désertes. Je m’assieds sur un banc, observant un homme, crâne rasé, passer le balai devant son logement. Cette pause me donne l’occasion de me remémorer les cinq règles que doivent respecter les moines bouddhistes : ne pas tuer, ne pas boire d’alcool, ne pas mentir, ne pas voler, ne pas commettre d’adultère.

    Un peu à rebours de cette ascèse, apparaît un garçon aux traits évanescents, robe orange vif, portable vissé à l’oreille. Il raccroche et me fait signe de le suivre. Chheng, 24 ans, est moine depuis huit ans. Une à une, il ouvre les hautes portes du vihara, y laissant pénétrer les rayons du soleil. Il est 17 h et il prépare la salle pour la méditation. Puis, il m’invite à m’asseoir sur les marches, près de lui. J’imaginais les moines coupés du monde, je découvre un jeune geek me proposant de partager son réseau wifi et me montrant fièrement ses selfies.

    Il m’explique le déroulement de sa journée. Ici, les moines se lèvent à 5 h pour prier plusieurs heures, ils prennent un premier repas, puis prient à nouveau, étudient ou partent collecter de la nourriture dans les rues. Ils mangent une seconde fois avant midi, puis jeûnent jusqu’au lendemain. Nous restons deux heures à bavarder. « C’est mon rôle, en tant que moine, d’être agréable avec les gens et de leur faire découvrir ma religion », me confie-t-il en partant. J’ai à peine quitté les lieux que je reçois une notification sur mon smartphone. Je souris : Chheng me demande en ami sur Facebook.

    La journée se termine. Au bord de la rivière Tonlé Sap, sur la promenade Sisowath, bordée de palmiers, une population hétéroclite de femmes et d’hommes de tous âges s’adonnent à un cours d’aérobic en plein air. Je rejoins enfin le « Mékong Prestige » pour le début de la croisière, abandonnant la frénésie de Phnom Penh pour deux heures de navigation sur l’eau terreuse de la rivière. Les immeubles laissent vite place à des maisons en bois sur pilotis. Les cimes de temples bouddhistes se dévoilent ça et là au rythme du bateau. En fin de soirée, nous accostons sur une rive sans quai. « Le fleuve n’est pas prévu pour les gros bateaux, m’explique Sara, la chef de croisière. Nous nous arrêtons où nous pouvons. »

    Avec ses 32 cabines, le « Mékong Prestige » est un bateau à taille humaine, dont le faible tirant d’eau permet d’accoster au plus près des villages.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    Deux jours passent entre navigation contemplative et découverte du quotidien cambodgien. Visite d’une école, d’un village de tisserands, excursion en char à bœufs… Nous découvrons aussi Oudong, ancienne capitale du Cambodge au 17e siècle et nécropole royale. En 2003, y a été inauguré un complexe religieux spectaculaire dont la pièce maîtresse, le vihara, gardé par deux gros lions et une série de nagas, serpents mythiques à sept têtes, abrite un Bouddha en marbre de 12 mètres.

    Alors que les passagers partagent un  apéritif sur le pont supérieur du du bateau, je m’éclipse pour explorer les alentours. Au bout de la passerelle, débute un sentier de terre pentu qui débouche sur un village sur pilotis, organisé de chaque côté d’une unique rue. Les femmes portent toutes un foulard : je suis chez les Chams, minorité musulmane du pays. On en dénombre entre 300 000 et 600 000 sur 16 millions de Cambodgiens. Essentiellement des pêcheurs. Aujourd’hui, les maisons sont au sec, mais à la mousson, le niveau de la rivière augmente, inondant le village, qui se retrouve alors les pieds dans l’eau. Dans ces logements, souvent trois générations cohabitent.

    « Les tuiles sont posées directement sur la charpente, m’avait confié, juste avant mon escapade, Hossim, le guide du bateau. Dès le printemps, il fait plus de 40 °C à l’intérieur. » Pour l’instant, les gens vaquent à leurs activités à l’ombre, sous les maisons. Certains coupent des bananiers, d’autres se reposent dans des hamacs tendus entre les pieux de bois. Assise devant chez elle, une vieille dame chique du bétel, tandis que trois femmes, assises en tailleur, tricotent des chapeaux haut-de-forme en laine, a priori peu adaptés à la chaleur ambiante. Je remonte la rue sur un kilomètre et passe devant trois mosquées, dont une flambant neuve, aux murs verts et aux coupoles dorées. Alors que les différents muezzins entament, tour à tour, l’appel à la prière, je regagne le bateau.

    Nous voilà repartis pour 4 heures de traversée à la tombée du jour. Allongée dans un transat sur le grand pont parqueté de bois exotique, je me laisse bercer par le doux roulis et les sifflements des oiseaux. Au loin, les silhouettes des habitations et des cocotiers semblent des ombres chinoises. Puis la nuit s’abat sur la rivière et, avec elle, apparaissent les étoiles. De temps à autre, le capitaine balaie le cours d’eau d’un faisceau de lumière pour repérer les barques de pêcheurs qui dérivent dans l’obscurité. Notre progression est lente.

    « Le cours du Tonlé Sap change deux fois par an, m’éclaire Sara. À la saison sèche, de novembre à mai, le lac, en amont, s’y déverse. La rivière coule donc vers le Mékong. Mais à la saison des pluies, les crues font que le courant s’inverse. Nous sommes à la saison sèche, donc le bateau est à contre-courant et la vitesse divisée par deux. » Soudain, il s’immobilise. J’entends la chaîne de l’ancre se dérouler... Puis, le silence. Nous passerons la nuit ici, arrêtés en plein milieu du fleuve.

    Dans ce village flottant, près du lac Tonlé Sap, dont le nom signifie en khmer « grande rivière d’eau douce », les gens vivent en majorité de la pêche. Les maisons sont retenues grâce à un système de bidons et de tiges de bambous plantées dans le lit de la rivière.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    Je me réveille vers 5 h 30, au son des moteurs pétaradants des barques de pêcheurs et du chant des coqs venant des rives. Le bateau est encore assoupi. Pourtant, un bruit étrange s’échappe du salon à l’étage. C’est Kelly, 33 ans, le barman, qui profite de l’accalmie temporaire pour courir sur un tapis installé au fond de la pièce. « Je suis ici sept mois par an, me confie le Cambodgien. Pendant les escales, je ne peux pas aller voir mes proches, qui habitent trop loin, alors je fais la sieste, je joue sur mon smartphone...  Ou je fais du sport ! La vue est belle, non ? » À la surface de la rivière affleure une couverture de jacinthes d’eau, dont les feuilles se désolidarisent parfois, créant des bouquets flottants. La vision est poétique, la réalité plus triviale : la belle plante, qui prolifère, est une menace pour la biodiversité.

    Après le petit-déjeuner, nous embarquons sur un speed boat, direction Kampong Chhnang, chef-lieu de la province du même nom, et traversons un village flottant où vivent 700 familles, la plupart vietnamiennes, venues pour les eaux poissonneuses. Les habitations de bois, retenues grâce à des bidons et des tiges de bambous plantées dans le lit du cours d’eau, forment comme un entonnoir qui entrave sa circulation. La petite ville dispose d’une épicerie, devant laquelle un couple s’affaire à vider des poissons. Ses maisons, meublées de hamacs, sont pour certaines alimentées en électricité grâce à des panneaux solaires.

    Arrivée sur la terre ferme. À Kampong Chhnang, une musique festive s’évade d’une tente dressée au milieu de la rue principale, bordée de maisons coloniales. À l’entrée, le portrait géant d’un jeune couple annonce la couleur  c’est un mariage. La famille me presse gentiment d’entrer... Je ne me fais pas prier. Les amoureux de 24 ans, en tenue rouge et or, sont agenouillés sur un tapis, flanqués de leurs parents, enchaînant docilement les rituels. Finalement, deux cordons rouges sont noués à leurs poignets. « C’est pour qu’ils s’aiment toute la vie », me décrypte un invité, tandis qu’une jeune femme traverse la pièce dans un improbable  pyjama en satin, siglé Louis Vuitton, faisant d’un seul coup osciller la cérémonie entre tradition et modernité.

    C’est mon dernier soir sur le bateau. Nous sommes tout près du lac Tonlé Sap. Au 19e siècle, Henri Mouhot l’avait traversé en trois jours, pour rejoindre Angkor. Mais, à cette période de l’année, il est trop peu profond pour accueillir le « Mekong Prestige » . Notre dernière étape se fera donc en car par la route.

    Le Tonlé Sap est un des lacs les plus poissonneux du monde et la majeure partie des habitants de ses rives ou de ses villages flottants vivent essentiellement de la pêche. À l’aube, le jour se lève sur les jacinthes d’eau, dans le son pétaradant des moteurs de leurs barques.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    Au petit matin, nous quittons la rivière pour la nationale 6. Ce voyage offre une autre réalité que celle de la croisière, celle d’un paysage alternant champs de lotus et rizières, puis un terrain plus aride, couvert d’herbes jaunes. À mi-chemin, nous faisons une pause sur un marché. Mangues, ananas et bananes séchées, mangoustan… Les étals donnent envie! Jusqu’à ce que j’avise des montagnes de mets inhabituels : des insectes grillés. Criquets, blattes, vers à soie… mygales. L’arachnide étant une spécialité locale, ma curiosité me pousse à la goûter ! D’abord une patte. Puis le corps. Verdict : ça ressemble  à une chips de poulet très huileuse. Un peu longue à mâcher. Enhardie, je tente le ver à soie. L’enveloppe est molle, l’intérieur a une consistance indéfinissable et un goût amer. J’arrête là l’expérience.

    Après quatre heures de route, nous arrivons à Siem Reap, aux portes du site archéologique. Le temps de troquer le car pour un minibus et, comme dans un rêve, j’émerge à l’entrée de la cité royale d’Angkor Thom, construite par le roi Jayavarman VII à la fin du 12e siècle, entourée de douves et de remparts, accueillie par le pas dodelinant d’un éléphant qui traverse un pont flanqué de 54 statues de géants. À l’époque de sa construction, l’empire khmer, à son apogée, couvre le Cambodge et une grande partie du Laos et de la Thaïlande. Sa capitale compte 750 000 habitants. Le complexe, un carré de 3 kilomètres de côté, abrite le palais royal, des monuments en terrasses, des routes, des temples…

    Nous nous approchons du Bayon, dédié à la prière et à la méditation, un magnifique temple-montagne en grès gris, dont la tour centrale est coiffée de quatre visages gigantesques tournés vers les points cardinaux. Tout autour du rez-de-chaussée courent des bas-reliefs ouvragés représentant des scènes de la vie quotidienne – pêche, cuisson du riz –, mais aussi des combats entre guerriers khmers et chams, qui rappellent que la capitale fut un temps occupée par ces derniers. Les visiteurs sont nombreux à arpenter le Bayon. Je m’asseois dans un coin et j’oublie bientôt leur ronde incessante, saisie par la solennité du lieu et le regard hypnotique de ses quatre faces immobiles.

    Dans la province de Kampong Cham, le village de Skun est célèbre pour ses dégustations de mygales frites. Mais on peut aussi se laisser tenter par le frisson de sentir l’arachnide vivante (dont on a préalablement couper les chélicères – les dents – venimeuses) galoper sur son bras.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    Clin d’œil à mon béguin de jeunesse, je me dirige vers le Ta Prohm, où fût tourné le film « Tomb Raider ». La foule, armée de perches à selfie, y est encore plus dense. Mais là encore, le charme opère. Contrairement aux autres vestiges, l’endroit a été laissé dans l’état dans lequel on l’a retrouvé au 19e siècle : recouvert de végétation. De ce monastère de la fin du 12e siècle subsiste un décor fantastique de blocs de pierres en quinconce et de murs traversés par les racines tentaculaires de fromagers démesurés.

    En tout, le site archéologique s’étend sur 400 km², le choix des monuments à visiter est pléthorique. J’opte pour un temple excentré, plus ancien, à une heure de route : le Banteay Srei , la « citadelle des femmes », surnommé ainsi pour la délicatesse de son architecture. Bâti au 10e siècle, le lieu est célèbre pour avoir été le théâtre des pillages d’André Malraux. En 1923, ruinés, l’écrivain et sa femme Clara avaient découpé à la scie plusieurs bas-reliefs pour tenter de les vendre. Échec total : le futur ministre avait écopé de trois ans de prison.

    C’est vrai que le temple est fascinant. Surplombé de grands arbres aux troncs nus, la construction en grès rose et latérite passe du bordeaux à l’orangé, selon la course du soleil et des nuages. Sa splendeur se révèle progressivement sous la forme de dizaines de petites tours crantées, aux frontons garnis de motifs floraux et de repoussants naga finement ciselés. Je pourrais m’y attarder des heures, mais, demain, je dois me lever tôt pour découvrir l’objet de ma quête : Angkor Wat.

    Parmi les nombreux vestiges du site archéologique d’Angkor, figure le temple de Banteay Srei (Xe siècle), la « citadelle des femmes », qui doit son surnom à la finesse de son architecture, de ses statues et de ses bas-reliefs.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    Il est 5 h du matin précises. Le tuk-tuk m’attend en bas de l’hôtel. Bientôt, les avenues bien éclairées de Siem Reap laissent place à des routes plus sombres. Je ne suis pas la seule à avoir eu cette idée : des hordes de tuk-tuk et de vélos se livrent une course effrénée. Après trente minutes, le peloton s’arrête à quelques centaines de mètres des douves : il fait nuit noire, nous terminons à pied. Nous sommes des centaines, ombres silencieuses, à passer les remparts en file indienne pour immortaliser le lever de soleil sur les cinq tours. L’objectif : gagner l’un des deux bassins devant le temple. Le gros du cortège prend à gauche. Je bifurque à droite, suivant le conseil donné par le guide la veille pour éviter la foule.

    Je m’asseois près de la rive, quasiment les pieds dans l’eau. Pour le moment, la construction du début du 12e siècle est plongée dans l’obscurité. Impossible d’imaginer que se cache sous cette chape noire le majestueux temple-montagne, au départ dédié au dieu hindou Vishnou, ses plateformes carrées en étage, ses galeries en colonnade recouvertes de bas-reliefs, dont on devine encore, à certains endroits, les couleurs flamboyantes d’origine…

    Progressivement le voile se lève, accompagné d’un ballet bien réglé. 6 h : les araignées d’eau apparaissent à la surface du bassin. 6 h 05 : les cigales entament leur chant sonore. 6 h 10 : des grenouilles sautent hors de l’eau, bientôt rejointes par des libellules rouges à la chorégraphie saccadée. Le ciel se colore de rose et de gris bleuté, puis d’un jaune pâle. Mais le soleil se fait attendre. Il faut encore patienter une heure pour le voir. Flamboyant, baignant de ses rayons intenses les contours dentelés des cinq tours mythiques.

    Face à ce spectacle, je ne peux m’empêcher de penser aux mots d’Henri Mouhot : « À la vue de ce temple, l’esprit se sent écrasé, l’imagination surpassée ; on regarde, on admire, et, saisi de respect, on reste silencieux (…). »

     

    CARNET DE NOTES

    À la sortie de Phnom Penh, les temples et pagodes qui défilent le long de la rivière offrent un spectacle dont ne se lasse pas le personnel du bateau, même après sept mois de croisières.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    AVEC QUI PARTIR ?

    Rivages du monde propose une croisière « Au fil du Mékong » de 13 jours/10 nuits, d’octobre 2019 à novembre 2020, à partir de 3 330 euros, de Saïgon (Vietnam) à Angkor (Cambodge), ou inversement. La traversée se fait  à bord du « Mékong Prestige », élégant bateau à taille humaine, disposant de 32 cabines confortables, pourvues d’un petit balcon.

    Idéal pour profiter du spectacle de la vie quotidienne sur le fleuve, rythmée par le va-et-vient des pêcheurs. Pour les levers ou couchers de soleil, préférez la vue à 360° du vaste pont Soleil. La croisière assure un parfait équilibre entre visites et navigation. À bord, vous profiterez de diverses activités, comme un spectacle de danse traditionnelle Apsara ou une conférence d’expert sur la culture khmère. rivagesdumonde.fr/nos-croisieres/croisieres-sur-lemekong, tél. : 01 58 36 08 36.

     

    QUAND Y ALLER ?

    Mieux vaut privilégier la  saison sèche, de novembre à mai. Le top : en janvier,  quand les températures ne sont pas trop chaudes.

     

    À FAIRE 

    À Phnom Penh

    Perdez-vous dans les marchés de  la capitale. Nos favoris : le marché central et son architecture Art déco, et le marché russe, recouvert de toits de tôle (attention à l’effet sauna !). Après ce dernier, gagnez le Sundown social club, un bar en rooftop, avec vue plongeante sur les échoppes du marché.

    Envie de méditer ? La pagode Wat Langka, près de la place de l’Indépendance, vous accueille  les lundis, jeudis et samedis, de 18 à 19 h, et les dimanches de 8 h 30 à 9 h 30. Portez des vêtements amples, jambes et épaules couvertes.

    À Siem Reap

    La ville, aux portes du site d’Angkor, est très touristique. Pour les bars et restaurants, direction la rue branchée Pub Street ; pour le shopping, le marché de nuit. Dans les rues adjacentes, vous trouverez des bars plus confidentiels, prisés des jeunes Cambodgiens.

     

    À SAVOIR

    Pour certaines zones, un traitement antipaludique peut être nécessaire. Renseignez-vous auprès de votre médecin.

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