L’Écosse, ses côtes et ses flots exceptionnels vus par le photographe Jim Richardson
Oniriques, les contrées sauvages d’Écosse inspirent le photographe National Geographic Jim Richardson.
Un reportage photo pour National Geographic : voilà ce qui amène, la première fois, Jim Richardson en Écosse. Une perspective qui le tétanisait à l’époque, reconnaît-il. « Je venais tout juste de débuter. Je n’aurais probablement pas su localiser Glasgow sur une carte », raconte-t-il en riant. « J’étais persuadé que la rédaction du magazine découvrirait que je n’avais pas la moindre idée de ce que je faisais et que ma carrière se terminerait là. »
Il se réjouit que la suite des événements lui ait donné tort. En réalité, ses voyages annuels en Écosse rythmeront même sa carrière au fil des années.
« Cette aventure m’a bouleversé. L’Écosse a beau ne pas être beaucoup plus grande que ma terre natale, le Kansas, elle jouit d’une diversité et d’une histoire incroyables, d’une géographie complexe et d’une splendeur sans pareille », confie-t-il. « Elle représente aujourd’hui un important chapitre de ma vie. »
Visiteur fréquent, le photographe connaît bien les destinations les plus populaires du pays. Ce sont toutefois ses îles et ses régions côtières isolées qui l’attirent inlassablement.
Il affirme nourrir une fascination pour la vie aux confins désolés de l’Écosse, où il a, année après année, rencontré un certain nombre de personnages heureux de « vivre au jour le jour ». Parmi eux, il y a ceux qui ont choisi de mener une existence bien souvent éprouvante sur les îles reculées du pays.
« Plus je m’enfonce dans des contrées lointaines, plus l’atmosphère y est vivifiante », explique-t-il. « Je me surprends à vouloir me rendre à Lewis et Harris, à Fair Isle, dans les Orcades… J’ai envie de rencontrer leurs habitants, d’écouter leur histoire. »
Jim Richardson s’est rendu dans des régions d’Écosse que peu d’autochtones ont parcourues. Parmi elles, Saint Kilda : inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis plus de 30 ans, l’archipel le plus reculé des Hébrides extérieures a perdu ses derniers habitants en 1930.
Ce sont ces lieux, façonnés par les vents et les flots, qu’il trouve magnétiques. « Vous vous trouvez face à ces falaises pionnières, battues par l’Atlantique depuis des millénaires et qui, pourtant, résistent sans ciller », raconte-t-il. Une nuit à Saint Kilda, en particulier, lui a laissé un souvenir mémorable. « Ce soir-là, nous avons eu quelques minutes de soleil sur l’île de Boreray, quand des dizaines de milliers de fous de Bassan ont volé vers nous. Un véritable moment d’euphorie — ils m’ont sauvé au moment où je pensais échouer », se souvient-il.
Un autre lieu, un peu moins sauvage, mais qui n’en est pas moins merveilleux, a captivé son imagination : Loch Oich, entre le Loch Ness et le Loch Lochy, au cœur des Highlands. « Sur les rives boisées du Glengarry Castle Hotel, un joli petit quai se cache sous les branches tentaculaires d’un arbre immense », se rappelle-t-il. « Par temps calme, ces berges offrent une vue enchanteresse, romantique et paisible, à l’heure où la brume descend des collines, sur l'autre rive. Ce lieu précis à cet instant précis cristallise, à mes yeux, le charme des lochs écossais. »
Lorsque l’on évoque l’eau et son pouvoir de transformation sur les paysages des contrées reculées d’Écosse, le photographe devient poète. « Si vous avez la chance d’assister à l’un des épisodes de pluie qui vont et viennent, vous verrez tout à coup apparaître des flancs de coteaux, comme animés par les chutes d’eau, et scintiller la montagne. Vous comprenez alors, d’une manière viscérale, combien l’eau façonne les lieux », assure-t-il.
« À mes débuts en Écosse, j’ai commis de nombreuses erreurs », poursuit-il. « Qualifier les lochs de « lacs » a été l’une d’entre elles. Plus déroutante encore, la différence entre lochs et « locks » (terme écossais pour « écluses »), imperceptible à mon oreille, alors que ces deux termes désignent deux choses bien distinctes : le premier un plan d’eau, le second une porte d’écluse dans un canal. Vient ensuite la différence un peu floue entre un « loch » et un « lochan » (terme écossais pour « étang ») ainsi qu’entre les estuaires et les lochs de mer. De toute évidence, le savoir lié à l’eau requiert un talent subtil, en Écosse. »
Pour Jim, le « mauvais temps », tel que nous l'imaginons, n’existe pas vraiment — il offre un certain cachet, et l’imprévisibilité est source de magie. « Le temps peut changer si vite au cours d’une journée que l’on a l’impression d’être face à une vidéo en accéléré. Les Écossais n’ont d’autre choix que de sortir par ce temps, de l’apprécier, de l’adopter, jusqu’à l’accueillir comme un cadeau. Vous avez beau être convaincu de l’influence qu’exerce l’eau à de nombreux niveaux — scientifique, littéraire ou émotionnel —, ce n’est qu’en l’observant de vos propres yeux que vous réalisez combien elle transforme le paysage. Elle en fixe les contours. »
Même pour un photographe aguerri de National Geographic comme Jim, capturer l’essence des paysages écossais présente bien des défis. Il explique avoir dû changer complètement de style, recourant aux techniques de photographie sportive afin d’immortaliser les panoramas fluctuants du pays.
Lorsqu’il évoque la météo écossaise, sa voix s’emballe. « Il y a ces cycles de vie, ces eaux, cette géologie… », poursuit-il. « Ils donnent vie à ces paysages d’une manière unique, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. C’est vraiment ce qui m’a le plus marqué ici, et c’est sans doute la raison pour laquelle le passage de la pluie me fascine tant. »
Jim invoque des paysages voilés, des instants merveilleux, des clichés saisis en plus de cinq minutes, d’autres en l’espace d’un millième de seconde. Des photographies des flots qui évoluent au fil du temps ou se déplacent si vite qu’ils sont invisibles à l’œil nu.
Les conseils de Jim pour les photographes en herbe ne portent pas tant sur l’équipement ou sur les réglages de l’appareil photo, mais plutôt sur l’attitude à adopter. « Partez du principe que ce que vous rechercherez lors de votre premier voyage est ce vers quoi vous reviendrez », conclut-il. « Aventurez-vous au-delà de ce que vous aviez imaginé. »
Des littoraux et des eaux
À travers ses images, Jim Richardson capture avec éclat les littoraux d’une grande diversité ainsi que les eaux des terres qui sculptent le pays. En 2020, l’Écosse célèbre l’année des littoraux et des eaux afin de rendre hommage à ces éléments vitaux des paysages.