Costa Rica : quel est le secret des centenaires du Guanacaste ?
Dans le nord-ouest du pays, au cœur d'une péninsule rurale, vit un nombre inhabituel de centenaires. Nos reporters sont parties à leur rencontre.
Il est perché, décontracté, sur Regalito, son cheval blanc immaculé, qu’il fait marcher au pas espagnol, cadencé et majestueux. Jeans noir, chemise ivoire et chapeau de cow-boy, Ramiro vient de terminer son rituel matinal : chaque jour, à 6 heures, quel que soit le temps, il trotte jusqu’à l’enclos où l’attend son troupeau, trait ses vaches les unes après les autres, accroupi, en équilibre sur la pointe des pieds (« Ici les hommes n’ont pas besoin de banc », me dit-il), puis remonte prestement sur son cheval pour les mener au pré.
Je l’observe s’en aller dans le paysage verdoyant de la péninsule de Nicoya, dans le nord-ouest du Costa Rica, vision en Cinémascope, tout droit sortie d’un western spaghetti. À un détail près, l’élégant « jeune homme» a 89 ans. Et, dans cette région du Costa Rica, il est loin d’être le seul à porter beau.
Ce morceau de péninsule, englobant les cantons de Santa Cruz, Carrillo, Nicoya, Nandayure et Hojancha, est connu des scientifiques pour être une « zone bleue », accueillant une population inhabituelle de nonagénaires et de centenaires en bonne santé. Ces derniers sont au nombre de quarante-quatre. Vingt-trois femmes, et vingt et un hommes qui, selon une étude de 2017, cumulent, en guise de superpouvoirs, une basse prévalence de diabète, de maladie cardiaque ou pulmonaire et de dépression.
D’où tirent-ils cette incroyable longévité ? C’est ce mystère que je suis venue élucider. À voir Ramiro lancer avec agilité son lasso, se baisser et se relever sans effort, ou arpenter d’un pas alerte les chemins boueux, je tiens leur premier secret : l’activité physique régulière.
Cinq jours plus tôt, j’ai donc atterri à San José, capitale du Costa Rica, qui, en plus de sa zone bleue, multiplie les singularités. Coincé entre le Pacifique et l’Atlantique, ce minuscule territoire couvre à peine 0,03 % des terres émergées (51 100 km2), mais abrite entre 4 et 5 % des espèces animales et végétales connues ! Est-ce cette richesse naturelle ou l’absence d’armée (supprimée en 1949 après la guerre civile) qui rend les Costaricains si heureux ? Le pays arrive régulièrement en tête des classements sur le bonheur. Il a même obtenu la première place du Happy Planet Index en 2017. Le voyage commence bien.
De San José au Guanacaste, la province qui abrite la presqu’île de Nicoya, nous filons, mon guide Emilio et moi, sur la mythique panaméricaine, à travers une vallée flanquée de deux cordillères, dont les fumerolles, au loin, trahissent l’activité volcanique. Des petites villes à maisons basses se succèdent. Puis, le paysage devient plus vallonné, alternant champs de café et de canne à sucre, dans la même dominante de vert intense. Dans les prés, des vaches à bosse et longues oreilles paissent tranquillement, entourées d’échassiers blancs, les bien nommés «hérons garde-bœufs ».
Sur le bord de la route, on vend du vino de coyol, breuvage blanchâtre, produit de la fermentation de la sève de palmier. Pas le temps de goûter, je suis happée par une apparition onirique : quatre aras rouges, en formation serrée, semblent suivre en hauteur la trajectoire de notre voiture. «Ce sont des habitués du coin, me glisse Emilio. À 300 mètres, il y a des manguiers où ils aiment se restaurer. Ils raffolent des noyaux.» Progressivement, les villages se raréfient, apparaissant désormais tous les 25 kilomètres environ. Ce soir, nous faisons halte à mi- chemin de la zone bleue, près du parc national Rincón de la Vieja, au pied du volcan du même nom.
Un shoot de nature nous attend le lendemain. Des sabaneros, les cow-boys locaux, nous proposent de les suivre pour la matinée. L’objectif: partir à la recherche de leur troupeau de cinquante-six vaches, dispersé dans les hauteurs... À cheval. Alors que Minor, la trentaine, et son aîné, Jilberth, ne semblent faire qu’un avec leur monture, je m’agrippe, à m’en engourdir les doigts, aux rênes de mon destrier à la robe tachetée, passant les trois quarts du trajet en apnée. Les sentiers en montagnes russes sont caillouteux, la terre meuble s’enfonce sous les sabots... Jusqu’à ce que nous débouchions sur un pré broussailleux, relativement plat, offrant un océan de verdure à perte de vue. J’en oublie presque que le moment le plus sportif est arrivé : rassembler le bétail. En réalité, je reste sagement immobile à regarder les deux Costaricains siffler et crier (« Vacas! Vacas! »), formant progressivement une tenaille autour du troupeau. C’est ça la vie d’un sabanero, indissociable de ses bêtes, de sa monture et de la nature. Bien loin de la mienne qui se résume, la majorité du temps, à sillonner la banlieue parisienne à bord d’une Twingo quatre places.
De retour sur la terre ferme, nous poursuivons l’im - mersion nature par une balade à pied dans le parc national. À peine rentrés sous la couverture végétale qui entoure le volcan, nous sommes accueillis par un grincement déplaisant. Le chant d’une pie au majestueux plumage gris cendré. «Ici, c’est comme ça, plaisante Emilio. Quand tu es un oiseau, soit tu es beau, soit tu es bon chanteur. Jamais les deux ! » Bientôt les bruits de la forêt forment une cacopho - nie dépaysante composée de sifflements mélodieux, de hululements, de couacs et de cris stridents, le tout accompagné d’un défilé de mode ornithologique haut de gamme: trogon à lunettes jaunes, colibri aux reflets irisés, perroquets verts… Et mon préféré: le motmot houtouc, tête bleu turquoise et queue aéro - dynamique. «Il la déplume lui-même, pour la rendre plus effilée», m’explique Emilio.
Soudain, une dispute éclate au sommet des arbres. Ce sont des singes-araignées, qui se déplacent de branches en branches grâce à leur longue queue noire, en poussant de puissants cris rauques.
La forêt, dense, est un cocktail disparate de ficus étrangleurs, de cèdres, de caféiers, d’eucalyptus... dont les fragrances sont, par endroits, couvertes par les odeurs de soufre s’échappant de fumerolles ou de chaudrons de boue à 85 °C. Sur notre chemin, nous croisons une faune pléthorique dont un iguane statique, une quinzaine de capucins, montés sur ressort, cassant des branches en quête de larves et d’insectes, et quatre singes hurleurs, dont un bébé, visiblement amorphes. « Leurs repas sont constitués de feuilles, cela ne donne pas beaucoup d’énergie », plaide mon guide. Après deux heures de déambulation, je ressors des sous-bois, apaisée, repensant à une étude japonaise lue il y a quelques années : les chercheurs montraient que les « bains de forêt » permettaient de diminuer la pression sanguine, le taux de cortisol -l’hormone du stress - dans la salive et d’augmenter le taux de cellules immunitaires. Sachant qu’au Costa Rica, le couvert forestier est passé de 26 % en 1983 à plus de 50 % aujourd’hui, grâce à une politique de reboisement, je sens que nous sommes sur la piste du secret numéro 2.
Pour m’en convaincre, direction le canton de Santa Cruz, porte d’entrée de la zone bleue. Pendant trois heures, la route défile, succession de végétation rase ou plus touffue, toujours verte, entrecoupée parfois de plantations de tecks, arbres longilignes aux troncs dénudés, voués à l’exportation. Alors que nous touchons au but, les collines se hérissent tout à coup d’éoliennes, me rappelant une autre spécificité du pays : l’électricité y est verte à 98 %, issue de la force du vent, notamment, mais aussi, surtout, des barrages hydrauliques.
Enfin nous y sommes : la zone bleue. Nous avons rendez-vous à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de Santa Cruz, à Santa Barbara, dans un petit centre culturel, la Zanja Negra, porté par une famille locale, qui lutte pour la sauvegarde des traditions de la région. Santa Barbara est un petit village où les habitants cohabitent avec des singes hurleurs, dont on entend résonner les lamentations à toute heure du jour et de la nuit. Le centre, sis dans une grande maison rectangulaire en bois gris, propose des démonstrations variées : poterie, marimba (grand xylophone local), cuisine...
L’occasion d’apprendre à confectionner le plat incontournable de la péninsule : la tortilla. Une galette épaisse à base de maïs que Genuilda, frêle octogénaire à la poigne de fer, nous invite à reproduire. Après avoir formé une pâte avec le maïs moulu, on l’aplatit énergiquement pour en faire un disque qu’il faut ensuite, dans un geste acrobatique, laisser tomber dans un récipient creux, sur le feu. Échec total: sous le regard dépité de Genuilda, ma tortilla s’écroule, criblée de trous. J’en profite pour aborder avec elle ce qui me semble être le secret de longévité numéro 3 : la nutrition. Elle me révèle son régime santé: « Au petit déjeuner, tortilla, fromage et café ; le midi, riz, haricots, salade et poulet ; le soir, même chose, avec parfois une autre viande. Et de temps en temps, un verre de Baileys... Ça me fait du bien au sang ! » Je m’attendais à des menus constitués essentiellement de fruits et légumes. Pourtant, la tortilla, qui contient beaucoup de sucre, et la viande sont centrales. Reste que tout est d’origine locale et non transformé. Et, surtout, contrairement à moi, qui me damnerais pour un Paris-Brest, les habitants de la zone bleue mangent rarement de sucre raffiné.
Ce soir, je dors chez Genuilda, à deux kilomètres de là, à Guaitil. Ici, la spécialité, c’est la poterie traditionnelle, qu’on reconnaît à ses couleurs caractéristiques – rouge, orange et noir, rien de plus –, toutes issues de pigments naturels, et à son style précolombien, héritage des Indiens chorotegas qui habitaient la région avant l’arrivée des Espagnols. Des petites boutiques sont installées à l’entrée de plusieurs maisons. La vieille dame nous attend devant la sienne, aux murs bleu turquoise, enfoncée dans un rocking-chair en fils de plastique. La coquette s’est parée de bijoux en or, d’un turban rose poudré, et a ramassé ses cheveux immaculés en une belle tresse épaisse. Le repas se termine vers 20 heures, et elle somnole déjà. « C’est l’heure où elle se couche habituellement, me glisse son fils Vladimir, 47 ans, qui vit à ses côtés. Elle se lève aussi très tôt, jamais plus tard que 5 heures. » L’hygiène de sommeil parfaite.
Jorge Vindas se joint à nous au petit déjeuner. L’homme est « la »personne à connaître pour qui s’intéresse aux centenaires. Il préside l’Asociación Península de Nicoya Zona Azul, qui leur vient en aide. Date et lieu de naissance, adresse, profession, nombre d’enfants... L’homme connaît l’état civil de tous ses protégés. Je lui demande: « Quel est leur secret ? » « Il y a l'alimentation, le cadre de vie, le fait qu’ils ont tous travaillé très vieux... Il y a aussi l’eau de la région, très minérale, bonne pour la solidité des os. Mais si vous leur posez la question, ils vous répondent tous que c’est grâce à Dieu. » Je note : « Secret numéro 4: croire en Dieu. » Jorge nous propose un marathon sur deux jours, qui nous conduira auprès d’une dizaine de centenaires dans un rayon d’une trentaine de kilomètres. À nous la cure de jouvence !
Le périple nous emmène sur des pistes poussiéreuses, territoires des sabaneros. Chez Aniano, Dora, Pachito... 103, 101, 102 ans... Chaque rencontre nous conférant la même émotion. José, 104 ans, nous accueille dans sa maisonnette de bardeaux jaunes, tout au fond d’un terrain recouvert de manguiers, où trône une cabine de douche en bois. Le centenaire parle beaucoup et très fort, la faute à un déficit auditif classique à cet âge. Il porte un débardeur résille bleu électrique et un joli chapeau à larges bords. Dans son salon plongé dans la pénombre, qui se résume à une banquette deux places et quelques chaises en plastique, se dresse une immense toile représentant un jaguar. Mais ce n’est pas le détail le plus insolite de la maison. José, nous guide vers la pièce qui jouxte sa chambre, pointant une étagère en hauteur sur laquelle gît une imposante boîte en bois. « C’est mon cercueil !, lance-t-il, goguenard. Je l’ai fabriqué quand j’avais 80 ans et il n’a toujours pas servi... C’est Dieu qui décide ! » Jorge Vindas disait vrai.
En attendant, donc, la décision venue d’en haut, José passe ses journées dans un centre d’accueil de jour. Il se lève à 5 heures, se couche à 21 heures, et fait une sieste de une ou deux heures dans l’après-midi. José marche doucement, mais sans déambulateur.
À quelques kilomètres de là, dans un décor plus urbain, une petite rue asphaltée du centre-ville de Hojancha, chef-lieu de canton, Saul, quant à lui, ne lâche pas sa mandoline. Il a commencé à 4 ans et, à 102 ans, joue encore régulièrement, accompagné de son fils. « Vous voulez voir ? » Évidemment ! Et l’homme de se lancer dans une sérénade compliquée, enchaînant les accords rapides. La voix est chevrotante, les notes pas toujours justes... Mais, globalement, la dextérité est intacte.
Retour dans un décor plus rural. Nous voici de nouveau sur des chemins cahoteux bordés de prés et de collines, un café ou une église colorée surgissant parfois au milieu de rien. La plupart des centenaires du Guanacaste habitent dans cet environnement. Parfois dans le dénuement le plus total. Lorsque nous arrivons chez Pachito, 102 ans, la brume enserre les montagnes alentour et la nuit s’est abattue comme une chape de plomb. La «mascotte» des centenaires est réputée fin séducteur. Jusqu’à il y a peu, il montait encore à cheval seul, quotidiennement. « Maintenant, j’ai mal aux genoux, mes enfants préfèrent être là. Quand je pense qu’avant, je menais les vaches jusqu’au port d’Esparza, à plus de 100 kilomètres... Cela prenait plusieurs jours ! » Dans son salon, des photos de lui, jeune cavalier fringuant, rappellent ce temps révolu. Pachito a la peau marron foncé, fine comme un parchemin, de ceux qui ont toujours vécu dehors. Je m’interroge sur le sens d’un tel vécu. Les rayons du soleil favorisent la fabrication de vitamine D, qui intervient dans la minéralisation osseuse ou la tonicité musculaire. Mais, ne sont-ils pas censés être délétères pour la peau ?
À quelques encablures, vit celle que Pachito appelle son « amoureuse », une toute petite dame de 103 ans, nommée Trinidad. Robe à fleurs rouges et cardigan vert pomme, elle nous reçoit canne à la main, dans sa véranda en feuilles de palmier, qui nous protège de la pluie qui tombe en continu depuis des heures. Elle vit avec sa fille, Beatriz, 65 ans, sa petite-fille, Laura, 38 ans, et son arrière-petite fille, Suri, 6 ans, qui sont aux petits soins avec elle. Sans nul doute, le secret numéro 5. « Nos centenaires sont tous très entourés, souligne Jorge. Ils vivent en général avec un de leurs enfants, plusieurs générations cohabitent. » Or, l’étude Berlin Aging Study le confirme : s’occuper régulièrement de ses petits-enfants aident à conserver ses fonctions cognitives et diminue le risque de développer la maladie d’Alzheimer.
Et sinon ? Trinidad a longtemps fait « un métier d’homme », s’occupant des vaches avec son mari et jouant parfois de la machette. Désormais, elle nourrit ses poules, dort beaucoup, aime la viande de porc, le riz et les haricots, boit de l’alcool de canne à sucre de temps en temps et ne
dit pas non à un peu de poisson quand son fils, pêcheur, lui en rapporte. Pour l’heure, l’attention est rivée sur deux perruches vertes que les femmes se passent de main en main, à l’aide d’une baguette de bois. Trois adultes et une petite fille, mêmes visages aux joues rondes et teint halé, assises sur un banc, collées-serrées, comme une ligne de vie continue, qu’il semblerait incongru de séparer.
Je quitte cette image idyllique pour une autre. Jusqu’ici, nous avons arpenté la zone bleue, côté terre. Mais les cantons de Santa Cruz et Nicoya détiennent une ouverture sur l’océan Pacifique. C’est là, sur cette côte de carte postale, que je décide de terminer mon exploration. En quelques heures de route, nous gagnons Nosara. La zone touristique, avec sa succession d’instituts de massage et d’hôtels dispensant cours de surf et de yoga, joue à fond la carte du bien-être. Nous y abandonnons la voiture pour découvrir la plage de Guiones, empruntant un chemin de terre recouvert de crabes aux couleurs vives – rouge, orange et bleu –, abrité sous un entrelacs de palmiers et de bananiers. Les surfeurs ont pris d’assaut un tronçon de plage d’une centaine de mètres. Mais le reste est désert. Ici, pas d’eau turquoise, le sable et l’océan forment un camaïeu de gris, inattendu, mais encore plus beau. Je remonte la plage, seule, sous une pluie fine, pendant deux heures, bercée par la mélodie ininterrompue des vagues et, soudain, émerveillée par un parterre de petits coquillages multicolores : palourdes bleu turquoise, tellines violettes ou rose fuchsia, turitelles en spirales, blanches ou caramel... « Et pourtant, m’assure Emilio à mon retour, ce n’est pas la plus belle plage des environs ! »
Une courte escapade en voiture m’en convainc. Sur une trentaine de kilomètres se succèdent des rivages uniques. En haut de mon podium personnel : la plage de Barrigona, étendue de sable blanc, agrémentée de formations rocheuses, gris clair, en forme de vagues pétrifiées. Des troncs de bois flottés et une cascade en arrière-plan viennent parfaire le cliché. Il y a aussi Buena Vista, petite crique au sable gris foncé, entourée de falaises, se poursuivant sur une mangrove, censée abriter un énorme crocodile. Difficile de trancher... Mais la zone bleue cache un dernier trésor. À une douzaine de kilomètres au nord de Nosara, la plage d’Ostional est le théâtre d’un spectacle hors du commun. Chaque mois, quelques jours avant la pleine lune, des tortues marines y affluent pour pondre. Ces nuits magiques ont justement lieu en ce moment.
Lever 4 heures 30. Gilbert, membre de l’association de protection de ces stars locales, nous accueille avec le sourire : « Elles sont là. » Le site de ponte se trouve à un quart d’heure de marche. Nous sommes prévenues : nous ne devons pas déranger les tortues, jamais nous mettre devant elles ou barrer leur passage vers la mer. Dans la pénombre, nous foulons, pieds nus, la plage de sable noir, croisant des urubus, charognards à la mine patibulaire venus se repaître des œufs abandonnés. Tout à coup, nous les voyons apparaître. Elles sont 100, 150 peut-être, ce matin, à jouer des nageoires pour sortir de l’eau, remonter au plus haut de la plage pour y creuser un trou, pondre une centaine d’œufs, puis reboucher la cachette, avant de repartir pour la mer, laissant dans leur sillage des traces comparables à celles d’un tracteur. Rituel immuable... « En réalité, elles n’ont pas toujours été là, tempère Gilbert. La première fois qu’on les a vues, c’était en 1959. » Puis elles sont revenues sans cesse, comme si le lieu avait quelque chose de spécial, de bon pour leur progéniture. Quelle est leur espérance de vie déjà ? « 100 ans ou plus », me lance Gilbert.
Article publié dans le National Geographic Traveler n° 16 d'octobre-novembre-décembre 2019.