Le tour du monde en neuf merveilles : le Pérou
Nos reporters ont embarqué pour une circumnavigation jalonnée de neuf prouesses architecturales ou naturelles. Deuxième étape : la citadelle perdue du Machu Picchu.
Après Rio, la prochaine étape de ce tour du monde a une saveur particulière. En 1977, mes parents ont sillonné le Pérou à bord d’une Coccinelle. Ils ont visité Lima, la Vallée sacrée, ont vu les lignes de Nazca, le lac Titicaca et, évidemment, la cité inca du Machu Picchu. Le récit de leur périple, leurs diapositives et leurs films muets en Super 8, diffusés sur l’écran blanc qu’on installait au milieu du salon, ont bercé mon enfance. Et le Machu Picchu est devenu un rêve.
Je n’avais pas anticipé le mal d’altitude qui m’assaille dès mon arrivée à Cuzco, 3 400 mètres, après 1 h 15 de vol depuis Lima. La courte visite de sa Plaza de Armas, bordée de plusieurs églises baroques et de maisons coloniales aux balcons de bois ouvragés, n’y fait rien, ni les deux heures de trajet en bus jusqu’à Urubamba où nous logeons. Je me couche avec une sensation d’oppression. Un coup de fil à la réception et me voilà affublée d’un masque relié à une bouteille d’oxygène pour un shoot salvateur. « Il faut environ deux jours pour s’habituer », m’expliquent le lendemain Hervé et Brigitte, le couple de médecins du voyage, en me tendant un cachet. Anges protecteurs chargés chacun d’un sac à dos rempli à ras bord de médicaments, bandages, crème solaire et même d’un défibrillateur, ils seront sollicités jour et nuit pendant tout le séjour.
Le Machu Picchu se fait désirer. Deux heures de bus jusqu’à la gare d’Ollantaytambo, puis autant en train pour atteindre Aguas Calientes, point de départ d’un dernier bus pour l’ascension finale. L’occasion d’entrapercevoir, sur ce long chemin, des scènes dignes des tableaux de Louis Toffoli : femmes quechuas à chapeau haut-de-forme et longue jupe plissée, transportant leurs bébés dans leur dos ; récolte à la main des roses et des glaïeuls ; préparatifs d’une fête de village traditionnelle où les enfants se parent de toges blanches et de masques dorés à la mode inca .
Le périple se termine par la montée d’une courte côte qui débouche sur une vue plongeante sur les vestiges tant attendus. Je dois partager mon rêve avec une multitude de perches à selfie, mais, peu importe, je l’ai réalisé. Je pense à la première personne qui s’est immortalisée sur le site. C’était en 1911 et à l’argentique. Alors qu’il sillonnait l’Amérique latine, sur les traces du libérateur Simon Bolivar, le professeur de Yale, Hiram Bingham, entend parler par des notables locaux d’une cité perdue dans les montagnes. En réalité, le découvreur n’en est pas un, la localisation du Machu Picchu est connue et, lorsque l’Américain arrive sur place, deux familles de paysans habitent le lieu, en grande partie recouvert de végétation. Aujourd’hui encore, des graffitis témoignent de cette présence antérieure.
Reste que c’est bien Bingham qui, en publiant deux ans plus tard un article dans « National Geographic », a fait passer le site à la postérité. « Sur le coup, le professeur pense qu’il s’agit de la résidence du neuvième empereur inca, Pachacutec, nous explique Walter, notre guide péruvien. La construction date d’environ 1430 et l’endroit a été abandonné 110 ans plus tard, lors de la conquête espagnole. » Depuis, les hypothèses se sont multipliées quant au rôle de cette cité qui accueille deux cents édifices. « On pense que c’était un lieu où l’élite, des gens triés sur le volet, venaient apprendre différentes disciplines telles que l’astronomie, l’agriculture, la médecine… Environ 750 personnes vivaient ici.»
Nous passons l’après-midi à arpenter le site en pente raide, divisé d’un côté en quartiers résidentiels, de l’autre en larges terrasses destinées à l’agriculture. Je suis frappée par cette architecture organique : pour construire cet ensemble urbain, les Incas n’ont pas cherché à contraindre la nature, ils ont au contraire respecté son relief accidenté, se servant des parois montagneuses comme de remparts, s’appuyant sur les rochers pour y creuser des escaliers, créer des murs, y adosser des bâtiments… de sorte que la cité apparaît comme le prolongement de la montagne, qu’ils considéraient comme une divinité.
En fin de journée, dans le train du retour, habilement baptisé « Hiram Bingham », au look délicieusement vintage, un concert bat son plein dans le wagon-bar. Les passagers en profitent pour continuer à faire connaissance autour d’un verre de pisco et pour se lâcher sur la piste de danse, maracas à la main.
Retour à l’hôtel. « Déposez vos valises à 22 h, devant votre porte » : la consigne dispensée à notre arrivée par Géraldine et Brice, les « gardiens des bagages », est claire. Alors que je m’exécute, j’aperçois le duo au bout du couloir, aux prises avec une centaine de pièces. La mine concentrée, ils cochent consciencieusement les noms des propriétaires, triant les contenants par groupe, y apposant des rubans de couleurs différentes, selon des critères connus d’eux seuls. « L’année dernière, je n’en ai égaré aucune, il n’est pas question que ça arrive », avait asséné Géraldine au début du voyage. Pendant que tout le monde dort, nos deux compères veilleront encore tard.
4 h 30, la course commence. Deux heures de car, vol pour Lima, immigration, contrôle des bagages, salle d’embarquement… À nous l’île de Pâques ! Ce bout du monde auréolé de mystère n’est plus qu’à 5 heures de vol. Mais, alors que nous le touchons presque du doigt, le rêve s’évapore : un employé de l’aéroport a endommagé la porte de la soute. Pendant 24 heures, tout le staff est sur le pont pour trouver une solution. Las, la nouvelle tombe : nous ne passerons pas par l’île de Pâques et filerons directement en Polynésie.
En attendant, nous restons un peu plus longtemps à visiter Lima et ses alentours – le musée Larco et ses somptueuses céramiques précolombiennes, le quartier de Barranco dont les murs sont couverts de street art, l’hacienda La Caravedo qui abrite une distillerie de Pisco ou les dunes de sable du désert de Huacachina – gardant en tête l’adage distillé par notre guide québécoise Ana Maria, à la bonne humeur contagieuse : « Une expression péruvienne dit : “Quand il pleut des citrons, faisons de la limonade”. Alors profitons-en ! »
Enfin, nous nous envolons pour la Polynésie. À bord de l’avion, le voyage reprend son cours. Au milieu de la nuit, Yann, le chef de la croisière Safrans du Monde, lunettes et fines moustaches qui lui donnent un air de Monsieur Loyal contemporain, réunit tous les accompagnateurs pour le debrief habituel, à 10 000 mètres d’altitude. Autour de lui, un casting hétéroclite, chacun ayant en charge un groupe attitré de passagers. On retrouve Ana Maria donc, 50 ans, figure maternelle dont les « Bon matin ! » (prononcés avec l’accent) et les anecdotes truculentes sur ses voyages passés rythmeront joyeusement chaque jour de ce tour du monde. Il y a aussi Maxance, 31 ans, ancien para, tempes rasées et carrure trahissant les heures passées à la salle de sport. Son secret ? « Avec lui, tout est simple. Il règle chaque problème par une blague », me confiera l’une de ses groupies à la fin du séjour. Puis Bastien, 30 ans, toujours à l’écoute, Benoît, 38 ans, qui passera son dernier repas à rédiger sur le pouce un discours contenant un hommage personnalisé pour chaque passager de son groupe, et enfin Luty et Joëlle, duo inséparable, habituées des voyages de luxe, au service des premières.
En Polynésie, tout le monde sera dispersé : certains prendront un ferry pour Moorea, d’autres s’envoleront pour Bora Bora et d’autres encore auront la chance de visiter l’île très privée de Tetiaroa, havre de paix acheté par Marlon Brando en 1967 et abritant désormais une base scientifique dédiée à la préservation de l’environnement. L’équipe n’a pas le droit à l’erreur.
LE TOUR DU MONDE EN IMAGES
Y ALLER
La prochaine croisière aérienne Tour du Monde de Safrans du Monde comptera neuf escales : la baie de Rio, le Machu Picchu, l’île de Pâques, la Polynésie française, la vibrante Sydney, la baie d’Along au Viêt Nam, les temples cambodgiens d’Angkor, le Taj Mahal en Inde et Pétra en Jordanie.