Le tour du monde en neuf merveilles : le Viêt Nam
Nos reporters ont embarqué pour une circumnavigation jalonnée de neuf prouesses architecturales ou naturelles. Cinquième étape : lever de soleil sur la baie d'Hạ Long.
Seulement 7 h 40 de vol et le changement d’ambiance est complet. Bienvenue à Hanoï, cinquième escale de notre tour du monde. Grâce à Edouard George, responsable des opérations terrestres, qui dirige une agence basée au Viêt Nam, nous traversons les contrôles en un clin d’œil, renforçant un peu plus encore chez nous l’impression de prendre l’avion comme on prend le bus. Cette fois, nous sommes accueillis avec une branche d’orchidée et je ne saisis plus du tout la langue. Même les enseignes arborent une écriture impossible à déchiffrer.
Le temps d’une nuit et nous quittons déjà la frénésie de la capitale, son quartier colonial, son mausolée dédié à Hô Chi Minh, ses cyclopousses trompe-la-mort et ses mobylettes chargées de quatre passagers ou de marchandises insolites, comme ces deux commodes tenant dans un équilibre précaire grâce à des tendeurs, pour gagner la mythique baie d'Hạ Long en 2 h 30, avec la toute nouvelle autoroute. L’occasion pour notre guide local de nous dresser un tableau impressionniste de son pays, par touches d’informations variées et éclectiques sur la guerre d’indépendance, l’embargo américain, l’économie, la riziculture ou, alors que nous apercevons de nombreux stupas au milieu des champs, les rituels funéraires. « Au Viêt Nam, la religion dominante est le bouddhisme. On enterre deux fois nos morts. Au départ dans un cercueil en bois, puis, quatre ans plus tard, on sort les os, on les racle, on les nettoie, et on les place dans une urne que l’on enterre à nouveau. Ça s’appelle le lavage des os. » Tout le bus reste coi. Et de poursuivre sur un autre registre : « La première fois que j’ai vu l’électricité, c’était en 1995. Dans mon petit village à 100 kilomètres d’Hanoï, tout le monde a assisté à la pose du poteau électrique. » Dépaysement total.
L’embarcadère n’a rien de romantique, avec ses barges remplies de conteneurs. Mais nous embarquons à bord de l’« Azalea », jonque traditionnelle au pont parqueté, et quittons rapidement cette ambiance industrielle pour les premières excroissances karstiques. La baie d'Hạ Long, c’est 1 553 kilomètres carrés, 40 kilomètres de long, 1,5 kilomètre de large, et plus de 1 960 îles dont 40 habitées. Des files de bateaux de touristes s’engagent au ralenti, glissant sur l’eau marron, dans ce dédale de montagnes sous-marines. Comme dans un film post-apocalyptique où la mer aurait recouvert la terre, laissant seulement affleurer la cime des montagnes. En réalité c’est le phénomène inverse qui s’est passé. « Il y a 250 à 280 millions d’années, l’endroit était recouvert par la mer, précise notre guide. Puis la tectonique des plaques a créé des montagnes calcaires sous-marines. Quand celle-ci s’est retirée, l’érosion a façonné ces îles et îlots aux formes arrondies, mais aussi un dédale de grottes à l’intérieur. » Au fil de notre progression, le paysage ne cesse de changer comme sous un effet de morphing, de nouveaux bras de labyrinthes apparaissant, créant des perspectives inédites et des recoins inattendus, paysage stratégique qui fut longtemps un repaire de pirates.
Après une escale pour visiter la grotte de Trung Trang, rendez-vous sur le pont pour un atelier culinaire. Au menu : fabrication de nems. Catherine, Marie-Pierre et Françoise mettent la main à la pâte, sous le regard amusé de leurs maris. Oignons, viande de porc haché, pousses de soja, sauce… J’ai déjà perdu le fil. Mais je retiendrai l’essentiel : « Pour bien humidifier la feuille de riz, servez-vous d’une serviette mouillée. »
Nous jetons l’ancre au milieu de la baie, comme une vingtaine d’autres jonques, formant une flotte fantomatique et silencieuse, et terminons la soirée dans un fou rire collectif à tenter désespérément d’attraper des calamars à la lampe de poche, à la poupe du navire
À 5 h du matin, je ne suis pas la seule sur le pont à attendre le lever de soleil, alors que deux employés du bateau font de la gym douce face à ce décor géologique ancestral. Et le spectacle commence : d’abord le ciel se pare de rose irisé, puis l’astre apparaît rouge vif, flamboyant, entre deux collines, créant, à la faveur du contre-jour, comme une juxtaposition d’ombres chinoises de reliefs escarpés. Les premiers bateaux commencent à lever l’ancre dans un ballet lent et harmonieux, comme si le soleil avait sonné la dispersion de la flotte.
Pour nous, c’est cours de tai-chi. Ça rigole sur le pont dans la position du coq d’or sur une patte. Un peu moins quand il s’agit de faire le tour du bateau en courant. Moi, j’ai choisi mon camp : la chaise longue. Notre guide nous l’a dit : « Il n’y a du soleil que cinq jours par an sur la baie. » Et c’est justement l’un d’entre eux !
En rentrant, nous apercevons quelques habitations posées sur l’eau, derniers vestiges des grands villages flottants qui peuplaient jadis la baie d'Hạ Long. « Il y a quelques années, le gouvernement a offert des indemnités aux habitants pour qu’ils quittent les lieux afin de préserver le site, classé au patrimoine de l’Unesco, explique notre guide. Seuls ceux qui ont un projet professionnel, comme la pêche ou la culture des huîtres, peuvent rester. »
Un bain de foule dans le vieux quartier de Hanoï, rendu piétonnier le samedi soir, en prenant soin d’éviter le carambolage avec des voitures et chars d’assaut miniatures en plastique conduits par des enfants surexcités, puis un dîner-spectacle au musée d’Histoire, à l’architecture néo-indochinoise raffinée, et la spirale du tour du monde nous happe à nouveau. Direction la Birmanie.
Y ALLER
La prochaine croisière aérienne Tour du Monde de Safrans du Monde comptera neuf escales : la baie de Rio, le Machu Picchu, l’île de Pâques, la Polynésie française, la vibrante Sydney, la baie d’Along au Viêt Nam, les temples cambodgiens d’Angkor, le Taj Mahal en Inde et Pétra en Jordanie.
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