À la découverte du parc national le moins fréquenté du Colorado
Aventure, trésors de géologie et rencontres inaltérées avec la nature, le parc national de Black Canyon of the Gunnison n'a rien à envier à ses homologues envahis par les touristes.
Les roches métamorphiques sombres du Black Canyon et leur alternance de granit rose ont plus de deux milliards d'années. Habituellement, les roches précambriennes de ce type sont profondément enfouies, mais il y a deux millions d'années la rivière Gunnison a commencé à creuser le socle rocheux au rythme de 2,5 cm par siècle.
Le Black Canyon of the Gunnison a de quoi séduire, mais ne vous attendez pas à y trouver des mules, des Jeeps ou même des sentiers pour vous aider à atteindre les profondeurs du parc national le moins fréquenté du Colorado.
Cette absence d'infrastructures, le parc la compense par la beauté de son paysage. « Vous n'imaginez pas le nombre de personnes que j'ai rencontrées ici en 17 ans qui me disent : "Vous savez, je préfère celui-ci au Grand Canyon", » témoigne le ranger de district du parc national de Black Canyon of the Gunnison, Ryan Thrush. « Il est tout simplement plus intime. »
S'il s'en dégage une telle impression d'intimité, c'est parce que le canyon est étroit, escarpé et profond comme aucun autre. Certaines zones ne reçoivent que 30 minutes de soleil par jour, d'où le nom de ce gouffre ténébreux, Black Canyon, canyon noir en français. La géologie sans pareille du parc lui a permis d'être classé monument national en 1933, puis parc national en 1999.
Les rives nord et sud du parc étaient occupées de façon saisonnière par les plus anciens résidents du Colorado, le peuple Ute. L'archéologie et l'histoire orale de ce peuple suggèrent qu'ils n'ont jamais habité ni visité régulièrement les profondeurs du Canyon. Les actuels conseils tribaux du peuple Ute se situent en Utah et dans le Colorado. De nos jours, les touristes suivent le modèle des Utes en restant principalement au sommet du canyon pour visiter les 122 km² du parc.
À travers le parc, randonneurs et naturalistes de tous niveaux croiseront le chemin de l'armoise tridentée, du chêne de Gambel, des trembles et du genévrier. Le sentier Chasm View Nature Trail offre une vue incroyable sur l'une des pièces maîtresses du parc : les 690 m du Painted Wall, la falaise la plus haute du Colorado, un enchevêtrement colossal de granit rose et de roche métamorphique sombre.
Si l'exploration de la gorge vous tente, planifiez attentivement votre voyage et n'oubliez pas de vous rapprocher du South Rim Visitor Center ou de la North Rim Ranger Station pour demander un « wilderness permit », une façon pour le parc de surveiller les va-et-vient des visiteurs. « C'est un peu comme de l'alpinisme, mais à l'envers, » illustre Thrush. Les voies sont abruptes et dépourvues de marquages, recouvertes de poussière, de pierres et de rochers instables. Une fois en bas, il est possible de camper, attention toutefois au sumac vénéneux aux abords de la rivière.
Même les aventuriers les plus chevronnés devront faire preuve d'humilité face au Black Canyon. « C'est un lieu très, très intense, intimidant et presque menaçant, » déclare Thrush, qui adore l'atmosphère digne du Seigneur des Anneaux de son lieu de travail. « Ils sont peu nombreux à avoir exploré l'ensemble du canyon. »
Il n'est pas possible de longer à pied les 22 km de la rivière car elle est essentiellement entourée de falaises. Seules quelques dizaines de kayakistes professionnels se lancent dans l'aventure chaque année, généralement après avoir recueilli les conseils des locaux. L'intérieur du canyon est également le terrain de jeux des grimpeurs, mais contrairement au parc national du Yosemite, rien n'est prévu pour leur faciliter la tâche, ils se retrouvent donc seuls face à 600 m de schiste et de gneiss bruts.
Aussi méconnu soit-il, le parc national de Black Canyon of the Gunnison est une destination fascinante pour ceux qui ont les compétences et l'énergie nécessaires à l'exploration de ses entrailles, ou plus simplement un penchant pour les parcs nationaux et les espaces sauvages qui sortent des sentiers battus.
Sarah Keller écrit au sujet des sciences, de la conservation et des grands espaces depuis Bozeman, dans le Montana. Retrouvez-la sur Instagram et Twitter.
Keith Ladzinski a photographié les Grands Lacs pour l'édition de décembre 2020 du magazine National Geographic. Explorez son travail sur Instagram.