La Nouvelle-Zélande souhaite être labellisée "Réserve de ciel étoilé"

Avec l’aide de spécialistes maoris, le pays prévoit une réduction de la pollution lumineuse d’une ampleur inédite.

De Rina Diane Caballar
Publication 16 nov. 2022, 14:13 CET
Kaikoura beach, New Zealand

La Voie lactée est bien visible au-dessus de la plage de Kaikoura, sur l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande. L’État insulaire compte bien devenir une nation Réserve de ciel étoilé, un objectif révolutionnaire pour un pays de cette taille.

PHOTOGRAPHIE DE Andrew Coleman, Alamy Stock Photo

Par nuit claire, le ciel au-dessus du canton de Lake Tekapo, situé au cœur de l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande, est parsemé d’innombrables étoiles scintillantes. Un spectacle nocturne rare lorsque l’on sait que la pollution lumineuse touche 80 % de la planète. Et pourtant, il est assez fréquent dans l’état insulaire aux 5 millions d’habitants.

En fait, la Nouvelle-Zélande compte devenir une nation Réserve de ciel étoilé, une distinction décernée par l’International Dark-Sky Association (IDSA). Ce serait une grande première pour un pays de cette taille.

Chefs de file de cette initiative, les peuples autochtones maoris sensibilisent le grand public à l’importance écologique et culturelle des réserves de ciel étoilé.

« Notre langue [te reo Māori] et nos différentes pratiques et croyances culturelles trouvent leurs origines dans nos observations du ciel étoilé », confie Rangi Mātāmua, astronome et professeur en Mātauranga Māori (connaissances maories) à l’université de Massey, qui descend de la tribu Ngāi Tūhoe. Les Maoris utilisent par exemple un maramataka (calendrier lunaire) pour identifier les périodes et les saisons les plus propices à la culture, aux récoltes, à la pêche et à la chasse.

Le ciel exceptionnellement pur de la Nouvelle-Zélande ne plaît pas uniquement aux astronomes amateurs ; vous pouvez vous aussi l’admirer et en apprendre davantage sur sa valeur culturelle immuable.

 

MER ET CIEL

Plusieurs centaines d’années avant la fondation de Rome, les ancêtres polynésiens des Maoris ont traversé l’océan Pacifique à bord de canoës à double coque, appelés waka hourua. Ils connaissaient le ciel étoilé du bout des doigts, ce qui leur a permis de réaliser de longs voyages en mer sans aucun repère, compas ou sextant.

« Nos traditions indiquent que nos ancêtres voyageaient pour diverses raisons », explique Te Taka Keegan, doyen associé maori à l’université de Waikato. « Nous voguions sur les océans pour pêcher, pour rendre visite à nos voisins et pour partir vers de nouvelles contrées ».

Lui qui a réalisé son mémoire sur la navigation traditionnelle a rallié Hawaï à Rarotongo, dans les îles Cook, à bord d’un waka hourua en utilisant les premières techniques de navigation polynésiennes. Un périple long de 2 700 milles marins. 

Le plus important d’après lui est de noter la position des étoiles dans le ciel lorsqu’elles se lèvent et se couchent. Les voyageurs alignent ainsi leur canoë avec les étoiles sur l’horizon et savent ainsi comment se placer lorsque celles-ci montent et prennent leur place dans le ciel. Les planètes lumineuses telles que Jupiter et Vénus aidaient aussi les navigateurs à s’orienter. Quant à la Lune, elle illumine la configuration des vagues, ce qui constitue une autre indication de la direction.

Ces observations n’étaient pas de simples aides à la navigation, estime Te Taka Keegan. « Vous créez un sentiment de familiarité, une affinité avec les étoiles. Vous n’êtes plus seul sur l’océan ; vous avez tous ces amis dans le ciel qui veillent sur vous ».

 

LA MYTHOLOGIE DES ÉTOILES

Limiter la pollution lumineuse est primordial en Nouvelle-Zélande pour la conservation et la biodiversité. Le ciel étoilé est crucial pour les oiseaux nocturnes tels que le kororā, dont la population décline. Surnommé le petit manchot bleu en français, il débarque sur les plages la nuit pour y préparer son nid. Les oiseaux migrateurs dépendent aussi du ciel étoilé, à l’instar de la barge rousse qui utilise la position des étoiles pour s’orienter la nuit. La pénombre est également essentielle pour les insectes ; le déclin de leurs effectifs a d’ailleurs été associé à la pollution lumineuse. Ainsi, la lumière artificielle réduirait l’activité des wētā, des insectes nocturnes menacés.

Kororā penguines

Des manchots pygmées se saluent dans la baie de Hawkes, en Nouvelle-Zélande. Ces oiseaux, dont la population décline en raison de l’aménagement du littoral, ont besoin d’une pénombre totale pour trouver la côte et nicher.

PHOTOGRAPHIE DE Steve Clancy, Getty Images

« Le ciel étoilé est essentiel à l’équilibre des écosystèmes [néo-zélandais] », explique Olive Karena-Lockyer, membre des tribus Te Aupōuri et Ngāti Raukawa, et animatrice en astronomie à l’Observatoire Stardome d’Auckland. « Il est lié à chaque aspect de l’environnement. Les changements qu’il subit au cours de l’année sont des indicateurs des différents processus naturels » comme la floraison.

L’apparition de l’amas stellaire Matariki, également connu sous le nom des Pléiades, en juin ou en juillet annonce la nouvelle année maorie. « Nous la célébrons généralement en récoltant de la nourriture des différents éléments qui composent l’environnement (l’eau douce, l’eau de mer, les jardins, la forêt) et en la cuisinant dans le sol », décrit Rangi Mātāmua. « Nous offrons cette nourriture à l’amas stellaire lorsqu’il s’élève dans le ciel le matin pour le remercier de tout ce que nous avons reçu au cours de l’année et dans l’espoir de connaître une nouvelle saison prospère ».

La Lune, les étoiles et les constellations ont également influencé la mythologie maorie. « Les étoiles étaient perçues comme des êtres liés les uns aux autres telle une famille », ont ainsi écrit les auteurs d’une étude analysant l’astronomie maorie.

 

UNE NATION « RÉSERVE DE CIEL ÉTOILÉ »

Le ciel étoilé pur qui s’élève au-dessus de Lake Tekapo (Takapō en te reo Māori) se trouve dans une zone s’étendant sur 4 400 km² située au sein du parc national Aoraki et du bassin de Mackenzie qui a été désignée « réserve de ciel étoilé » par l’IDSA. On dénombre seulement vingt réserves de ce type dans le monde.

Environ 74 % du ciel étoilé de l’île du Nord de la Nouvelle-Zélande et 93 % de celui de l’île du Sud sont considérés comme « purs ou uniquement dégradés près de l’horizon ». Le pays s’est fixé pour objectif de devenir la deuxième nation Réserve de ciel étoilé après Niué, qui a obtenu cette distinction en 2020.

Pour l’astronome néo-zélandaise et membre du conseil d’administration de l’IDSA Nalayini Davis, cela est à la portée du pays. Mais attention, avertit-elle : au moins trois années seront nécessaires à la sensibilisation des habitants sur le sujet, à la modification et à la mise en œuvre de décrets en matière d’éclairage au niveau local et à l’élargissement des sites protégés.

La prochaine étape consiste à sensibiliser le public à la pollution lumineuse par l’éducation. C’est là qu’entre en scène l’astrotourisme, avec notamment le Dark Sky Project (Projet ciel étoilé en français). Co-détenue par l’une des plus grandes iwi (tribus) de Nouvelle-Zélande, les Ngāi Tahu,  cette agence de voyages sensibilise le public à la protection du ciel étoilé tout en l’initiant à l’astronomie maorie.

« Observer le ciel et être en phase avec lui est au cœur de l’humanité. C’est l’une des plus anciennes activités de n’importe quelle civilisation sur la planète. Le ciel étoilé est étroitement lié à ce que nous sommes en tant qu’humains », déclare Rangi Mātāmua. « Dès que nous coupons ce lien, nous changeons ce que nous sommes. Nous changeons notre compréhension du monde et de ce qui nous importe. Nous devons nous efforcer de trouver de meilleures façons d’utiliser l’éclairage et de prendre soin de notre ciel étoilé ».

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    Basée à Wellington, en Nouvelle-Zélande, Rina Diane Caballar est journaliste indépendante. Vous pouvez la retrouver sur Twitter.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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