Barcelone, Amsterdam, Venise... Les taxes de séjour sont-elles efficaces pour lutter contre le surtourisme ?
Nous avons évalué les taxes de séjour imposées dans ces villes européennes pour savoir si elles étaient efficace et ce que devient l’argent récolté.
Afin de réduire le trafic piétonnier et l'engorgement des canaux, Venise a interdit les groupes de touristes de plus de vingt-cinq personnes ainsi que l'utilisation des haut-parleurs pour les guides. Cette nouvelle mesure intervient alors que la ville avait déjà imposé une taxe journalière de 5,40 $ (4,93 €) pour les séjours entre la fin avril et la mi-juillet.
Si vous avez passé des vacances en Europe au cours de l'année dernière, vous êtes probablement conscient de l'afflux massif de touristes. L'augmentation de ce tourisme de masse a incité Venise à interdire les groupes de plus de vingt-cinq personnes ainsi que l'utilisation des hauts-parleurs pour les guides. Au Portugal, Lisbonne doublera sa taxe de séjour, qui passera de 2.15 $ (1.96 €) à 4.30 $ (3.93 €) le 1ᵉʳ septembre.
La surfréquentation de sites emblématiques tels que Las Ramblas à Barcelone, la place du Dam à Amsterdam et la place Saint-Marc à Venise, ont poussé ces trois villes à imposer ou à augmenter les taxes de séjour existantes afin d'endiguer les flux et d'apaiser les habitants frustrés.
Cela n'a pas calmé la colère à Barcelone, où des manifestants ont récemment scandé « tourists go away » (« touristes, allez-vous-en ») et aspergé les visiteurs avec des pistolets à eau. Nous avons voulu comprendre comment les taxes de séjour sont collectées et si elles permettent réellement de lutter contre le surtourisme et d'aider les communautés locales.
Les autorités municipales affirment que les recettes provenant des taxes imposées sont effectivement utilisées pour améliorer la qualité de vie des habitants, alors que certains experts du tourisme prétendent qu'il n'y a pas de résultats quantitatifs. Découvrez un bref aperçu de ce qui se passe lorsque vous payez une taxe de séjour à Barcelone, Amsterdam et Venise.
BARCELONE
Ville la plus fréquentée d'Espagne, avec 15.6 millions de touristes l'année dernière, Barcelone est au cœur des débats sur le surtourisme et sur la manière dont les visiteurs peuvent contribuer à financer son entretien. Cette ville a deux formes de taxe de séjour, explique Núria Guitart-Casalderrey, professeure de tourisme à l'université de Barcelone.
La première, mise en place en 2012, s'applique aux séjours dans les hôtels et aux visiteurs des bateaux de croisière en Catalogne, la région dans laquelle se trouve Barcelone. Cette taxe est appliquée de manière dégressive. Les clients des hôtels cinq étoiles de Barcelone, par exemple, bénéficient du tarif le plus élevé, à savoir 3.79 $ (3.46 €) par personne et par nuit.
La moitié des recettes de cette taxe est gérée par la ville de Barcelone, précise Guitart-Casalderrey. En revanche, la ville conserve toutes les recettes de la deuxième taxe de séjour, qui est entrée en vigueur en 2021.
Avec les deux taxes de séjour, le conseil municipal de Barcelone s'attend à collecter 103 millions de dollars (environ 94 millions d'euros) cette année, poursuit la spécialiste. Ces charges n'ont pas dissuadé les touristes de visiter Barcelone. Mais elles ont amélioré la ville et la qualité de vie de ses habitants, selon Guitart-Casalderrey.
Elle affirme que le conseil municipal de Barcelone fait preuve de transparence en publiant la liste des activités et des projets financés par les recettes de la taxe de séjour. Les fonds ont été utilisés pour organiser des événements culturels, développer les services de transport public et financer la recherche sur le tourisme.
Selon Mateu Hernàndez, directeur général de Barcelona Turisme, la taxe de séjour permet à la ville de financer « de meilleures expositions, de meilleurs festivals et de meilleurs événements sportifs, au bénéfice des résidents et des touristes ». Elle a contribué à financer les installations de Barcelone en tant qu'hôte de la Coupe de l'America 2024, qui comprendra cinq épreuves de voile entre le 22 août et le 20 octobre.
Ce prestigieux festival sportif s'inscrit dans la stratégie de la taxe de séjour visant à « attirer davantage de visiteurs de qualité », selon Hernàndez. Les recettes des taxes de séjour améliorent également la « vie quotidienne » des habitants de Barcelone. « Par exemple, en investissant dans la climatisation d'écoles primaires, ce qui démontre les avantages directs du tourisme pour la communauté », explique-t-il.
AMSTERDAM
Amsterdam possède la taxe de séjour la plus élevée de toutes les villes européennes, avec 12.5 % du prix de la nuitée pour les hôtels, les campings et les appartements avec services. Les hôtels quatre étoiles de la capitale néerlandaise ont un prix de base allant jusqu'à 216 $ (196.35 €) par nuit, par exemple, ce qui signifie 27 $ (24.67 €) de taxe de séjour supplémentaire.
Le maire adjoint de la ville d'Amsterdam, Herster van Buren, déclare qu'Amsterdam s'attend à percevoir 262 millions de dollars (environ 239 millions d'euros) de taxe de séjour en 2024. Ces fonds serviront à la fois à atténuer l'impact du tourisme et à rénover la ville.
« Nous demandons aux visiteurs de contribuer au maintien de la propreté, de la sécurité et de l'attrait d'Amsterdam, tout comme nous le demandons à nos propres habitants par le biais des impôts locaux », explique van Buren. « D'une part, la taxe est utilisée pour lutter contre les aspects négatifs du tourisme excessif, tels que les déchets, le nettoyage et l'application de la loi. D'autre part, nous l'utilisons pour les infrastructures, l'éducation, la vie culturelle et les installations sportives. »
Les visiteurs n'ont pas été découragés par la taxe de séjour très élevée de la ville, qui a commencé à s'élever à 5 % en 2018. « Amsterdam a accueilli un nombre croissant de touristes, à l'exception d'une baisse pendant la COVID-19 », note-t-il. En 2023, environ 9 millions de personnes se sont rendues à Amsterdam pour y passer la nuit.
« Pourtant, cette taxe a été introduite à l'origine pour réduire les arrivées de touristes », explique Greg Richards, professeur d'urbanisme et d'événementiel à l'université de Tilburg, aux Pays-Bas. « Depuis, la ville d'Amsterdam a modifié la raison d'être de la taxe, passant de la lutte contre le surtourisme à la collecte de fonds. »
Richards estime que ce changement est dû à un rapport commandé par la ville, selon lequel la taxe ne réduirait probablement pas le tourisme, à moins que son taux ne soit triplé. Il affirme que ce rapport reflète des recherches universitaires plus larges qui n'ont pas démontré que les taxes de séjour permettent de lutter contre le surtourisme.
À l'heure actuelle, on ne sait pas exactement comment Amsterdam dépense ces revenus. « La taxe de séjour est versée au budget général des impôts, il est donc difficile de dire si elle aura un effet significatif ou si elle comblera simplement un trou dans le budget municipal », explique Richard.
Il ajoute qu'il « existe de fortes chances qu'à mesure que les taxes de séjour augmentent, les touristes restent dans les villes environnantes et se rendent dans le centre d'Amsterdam en tant que visiteurs pour une journée. Cela entraînera une perte potentielle de revenus pour Amsterdam, mais pas de diminution globale de la pression touristique sur la ville. Cet effet a déjà été vu à Venise, c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons introduit une taxe sur les excursions à la journée. »
VENISE
Peu de destinations sont aussi fréquentées que Venise, une merveilleuse ville antique traversée par des dizaines de canaux dans le nord-est de l'Italie. Elle accueille environ 30 millions de touristes par an, dont 24 millions s'y rendent pour une excursion à la journée, explique le professeur agréé Jan van der Borg, économiste et expert en tourisme à l'université Ca' Foscari de Venise.
Le surtourisme à Venise est si important que, l'an dernier, l'UNESCO a averti qu'ils pourraient ajouter la ville à sa liste de sites du patrimoine mondial en péril. Van der Borg estime que cette menace a incité la ville de Venise à mettre à l'essai un nouveau droit d'entrée pour les excursions d'une journée. De la fin avril à la mi-juillet, les touristes qui n'avaient pas réservé leur hébergement à Venise devaient payer 5.40 $ (4.93 €) par personnes et par jour pour entrer dans la ville lors de vingt-neuf dates précises.
La ville de Venise n'a pas répondu aux questions de National Geographic, bien qu'elle ait déclaré publiquement que la taxe d'excursion faisait partie des efforts déployés pour lutter contre le surtourisme. Toutefois, le nombre de touristes n'a pas diminué pendant le processus, précise van der Borg. Non seulement les frais d'excursion n'ont pas réussi à empêcher le surtourisme, mais il affirme que la communauté locale n'en bénéficie pas.
Au contraire, cela aurait même fait perdre de l'argent à la ville de Venise. « La mise en place du système a coûté un total de 3 millions d'euros, alors que la taxe perçue est légèrement supérieure à 2 millions d'euros », déclare van der Borg. « Les contribuables locaux paieront cette différence. »
La ville de Venise pourrait réintroduire les frais d'excursion, et possiblement les doubler, d'après les médias. Van der Borg prévient que, bien que cela augmentera les recettes fiscales de la ville, il est peu probable que cela ramène le tourisme à un niveau gérable. Le dilemme à Venise reflète ce qui se produit déjà à Amsterdam et à Barcelone, qui disposent désormais de recettes fiscales de séjour, mais sont encore loin d'avoir résolu le problème croissant du surtourisme.
Ronan O’Connell est un journaliste et photographe australien qui fait la navette entre l'Irlande, la Thaïlande et l'Australie occidentale.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.