Égypte : voyage à Assouan, porte d’entrée historique vers l’Afrique
Avec ses souks qui bordent le Nil, Assouan est la porte d'entrée historique de l'Égypte vers le sud. L'héritage nubien de la ville se perpétue avec les dialectes locaux et le charmant temple de Philae.
Assouan, la ville la plus au sud de l’Égypte a longtemps servi de « porte d’entrée vers l’Afrique ».
Des racines sortent des berges herbeuses, perçant la surface de l'eau, tandis que des libellules géantes frôlent la tête des buffles domestiques qui se rafraîchissent alors que la température atteint 46°C. Non loin de là, des ibis sacrés africains se tiennent royalement dans les haut-fonds et des leiothrichidae se nichent entre les roseaux de deux mètres de haut. Mes yeux sont rivés sur les scènes aquatiques et j'espère apercevoir au moins une narine de crocodile ou une écaille qui se faufile.
Je suis à bord du Sanctuary Sun Boat IV, un navire luxueux, style années 1920, qui navigue au cœur de ce qui constitue les veines de l’Égypte : le Nil. Loin du chaos du Caire et de ses 22 millions d’habitants, le fleuve constitue un endroit de répit, une oasis de tranquillité au milieu du désert. Après quelques jours à voguer paisiblement le long de l’eau, à regarder les villageois se baigner près des ânes, qui braient, et à visiter les nombreux temples qui longent la rive, on me fait finalement descendre du bateau à Assouan, une ville industrielle dont le port est rempli de bateaux de pêche. Assouan abrite 500 000 habitants, parmi lesquels nombreux sont Égyptiens-Nubiens, originaires des tribus de Kenzi et Faadicha, et on y parle un dialecte propre à la ville.
Alors qu’un groupe passe en trombe dans des minivans et des charrettes tirées par des chevaux, j’essaie d’entendre cette langue locale, un mélange d'égyptien ancien et de swahili. Le port d'Assouan est une véritable ruche. Hommes, femmes et enfants s'interpellent depuis leurs bateaux, tandis que d'autres chantent de charmantes chansonnettes.
À certaines périodes de l'année, le Nil peut atteindre une profondeur de 10 mètres et, comme il abrite de nombreuses espèces endémiques de poissons, dont le tilapia du Nil, la perche du Nil et plusieurs types de poissons-chats, il n'est pas surprenant que la pêche soit l'une des industries les plus lucratives pour les habitants. Après nous être imprégnés de la scène qui s'offre à nous, nous laissons la cacophonie et nous nous dirigeons vers le temple de Philae, la prochaine étape de notre itinéraire.
À bord du Sanctuary Sun Boat IV, on sert le thé dans le lounge.
À l'approche de l’ancien barrage d'Assouan, sur le bassin de retenue duquel se trouve l’île où repose le temple, nous sommes assaillis par des visages enthousiastes qui tentent de nous vendre des souvenirs.
« Suivez-moi », dit notre guide et égyptologue Mohamed Rehim, alors que nous nous faufilons entre les vendeurs de rue. « Par ici », crie-t-il à nouveau quand nous passons devant des étals chargés de trésors et de bibelots. Des ornements d’albâtre bleu et blanc scintillent sous le soleil de midi. Des hommes se tiennent debout, le coton local drapé sur leurs bras tendus, tandis que des adolescents s'appuient nonchalamment contre des arbres tordus, des colliers de perles pendant à leurs poignets. La main d'un petit enfant se lève pour m'aider à monter à bord d'un bateau à moteur en bois usé par les intempéries, sur lequel nous ferons le trajet jusqu'au temple. Le bateau est décoré de guirlandes blanchies par le soleil qui flottent au gré de la brise. Je me perche près de la barre et nous nous mettons en route, accompagnés du doux ronronnement du moteur rouillé.
Nous passons devant des centaines de bateaux ancrés sur l'eau lorsque soudain, le temple de Philae apparaît sur une île minuscule. Éclairé par le reflet du soleil sur l'eau, il est semblable à une star de cinéma rayonnante, une puissante boîte à lumière à ses pieds.
Notre bateau se rapproche de l'embarcadère près du Kiosque de Nectanebo et de la partie la plus ancienne des ruines du temple. Ici, des hommes nous jouent de la musique avec enthousiasme sur des instruments à cordes fabriqués à partir de vieilles boîtes de conserve. L'atmosphère vibrante de l'île semble palpiter.
« Le temple de Philae, dédié à la déesse Isis, épouse d'Osiris et mère d'Horus, a été construit vers 690 avant notre ère », explique Mohamed alors que nous marchons jusqu'à la porte de Ptolémée II, l'entrée aux nombreux détails construite par le roi Ptolémée II, qui a régné entre 284 et 246 avant notre ère.
« À l’origine, ce n’est pas là que le temple a été construit », poursuit-il, « mais sur l'île de Philae. Lorsque celle-ci a commencé à être submergée, dans les années 1970, les bâtiments du temple ont été déplacés ici, brique par brique. Cet endroit s’appelle l'île d'Agilkia, qui, en dialecte nubien, signifie l'île des loups ».
Il s’interrompt et me regarde. « Tout a changé après l’arrivée des Anglais en Égypte », poursuit-il.
En 1898, les Anglais ont entamé la construction de l’ancien barrage d’Assouan, l’un des projets les plus importants de ce type à l’époque. Il a été créé dans l’objectif de fournir un nouveau système d’irrigation dans la zone, en partie motivé par le désir d'augmenter la production de coton.
« Ce barrage a causé l’inondation de l’île de Philae et, par conséquent, le temple a eu besoin d’un nouvel emplacement », explique Mohamed. Pour ce faire, en 1970, l’Égypte a lancé un appel à l’UNESCO afin de commencer le déménagement incroyablement compliqué du temple. Celui-ci a été démantelé en 150 000 pièces et transporté sur l'île d'Agilkia. Sa reconstruction a duré dix ans.
À Assouan, de nombreuses échoppes vendent des épices, une idée parfaite de souvenir.
Après avoir raconté l’histoire du temple, Mohamed nous invite à nous approcher de son entrée principale, où un pylône de 20 mètres s’élève sur l’avant-cour baignée de soleil. Dessus est sculpté un relief plus grand que nature représentant le roi Ptolémée II en compagnie du dieu Horus et des déesses Isis, Nephtys et Hathor. Deux lions de granit en ruine, à leur emplacement depuis l'époque romaine, gardent la porte en contrebas.
Une famille de chats, qui ne semble pas impressionnée par notre présence, nous accueille dès l’entrée du temple. Les deux plus grands félins sont étendus sur le sol en pierre ombragé et prennent la pose du Grand Sphinx de Gizeh, veillant sur les chatons, juste à côté. Je passe devant un homme en tenue traditionnelle, qui semble lui aussi fuir le soleil impitoyable de midi dans la fraicheur du temple.
Alors que nous poursuivons notre promenade, une délicieuse odeur se répand sur mon chemin. S'approchant d'un buisson qui pousse à côté du temple, Mohamed cueille une fleur jaune sur la plante verte et filandreuse et me l'offre.
« L'île regorge de jasmin de Nubie et de henné », explique-t-il. « Le parfum du henné est incroyable et on le sent partout ici. Les habitants l'utilisent dans leurs maisons et se servent du jasmin comme parfum. »
L’île est semblable à la déesse Isis, connue pour émettre elle-même du parfum.
« On peut même acheter des flacons de parfum inspirés des fleurs que l'on trouve autour du temple. Le parfum Secret of the Desert en est un exemple très populaire, dont on dit qu’il attire les admirateurs », sourit Mohamed.
Plus tard, en passant devant les étals animés du marché de retour sur le continent, je décide d'acheter un flacon du parfum mentionné par Mohamed. Lorsque j'ouvre le flacon, une forte odeur florale avec des notes d'agrumes se répand dans l'air, et me rappelle immédiatement l'île et ses eaux scintillantes. En tout cas, le temple de Philae peut être certain d’avoir attiré une nouvelle admiratrice.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise. Il a été réalisé avec le soutien d'Abercrombie & Kent.