Parcourir la côte ouest des États-Unis en train, une expérience inoubliable
Choisissez le slow travel en montant à bord du Coast Starlight, un train de voyageurs qui longe certaines des plus belles destinations des États-Unis, de Los Angeles à Seattle.
Le train Coast Starlight de la société Amtrak suit un parcours de plus de 2 200 km et est en service depuis cinquante ans.
Les anciennes voies ferrées nous éloignent à toute vitesse de la Cité des Anges. Les gratte-ciel s’effacent et laissent la place à la dense végétation des canyons et ruisseaux. Un soleil de plomb frappe Burbank et la vallée de San Fernando. Installés dans la voiture d’observation du train, un véritable salon sur rails, nous avançons discrètement, dans un quasi-silence. Je m’apprête toutefois à découvrir une tout autre facette des États-Unis, plus vertigineuse encore, et je comprends ce qu’a probablement ressenti le poète Walt Whitman alors qu’il écrivait son éloge à ce mode de transport. « Type du monde moderne, emblème de mouvement et de puissance, pouls du continent », exprimait-il dans To a Locomotive in Winter, son ode aux voyages en train aux États-Unis. Ce passage a probablement fait l’objet de plusieurs interprétations, mais pour moi, il rappelle que, si la liberté américaine est le fruit de la révolution, ce sont les chemins de fer qui ont permis au rêve américain de voir le jour.
Exploité par Amtrak, le Coast Starlight est un train de voyageurs qui relie, depuis cinquante ans, les villes de Los Angeles et de Seattle. Les plus motivés peuvent parcourir la totalité des 2 216 km de ce périple de 35 heures, mais de mon côté, je m’arrêterai dans le nord de la Californie, à Sacramento, l’un des plus importants centres ferroviaires du pays.
Le tout premier train longue distance de la côte ouest des États-Unis, le Coast Daylight, est entré en service en 1937, mais n’allait pas plus au nord que San Francisco. Avec ses couleurs emblématiques, celui-ci était décrit par la presse locale comme le « plus beau train de voyageurs du monde ». Il ne fait pour moi aucun doute qu’il n’y a pas de meilleure façon de découvrir toute la beauté de la Californie, pour ne pas dire de l’ensemble des États-Unis, que depuis la fenêtre d’une voiture de train qui avance à toute allure sous un ciel bleu et ensoleillé.
Lorsque nous atteignons Santa Barbara, quelques aperçus de l’emblématique splendeur californienne s’offrent déjà à nous. Un héron s’envole au-dessus des vagues ondulantes du Pacifique. Sur la plage d’Arroyo Quemada, un surfeur solitaire nous rappelle les groupes de surf rock des années 1960. Des algues ondulent près de la surface. Des centaines de pélicans se posent. Quand on a de la chance, il est même possible de voir une baleine à bosse s’élancer hors de l’eau.
Au large trônent les îles de San Miguel, Santa Rosa et Santa Cruz, baptisées ainsi par l’explorateur britannique George Vancouver, qui avait une carte espagnole dans sa poche lorsqu’il visitait la côte à la fin du 18e siècle. Habitées à l’origine par le peuple natif des Chumash, ces îles arborent des paysages qui sont tout aussi sauvages aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a des milliers d’années. Les visiteurs peuvent se rendre sur ces îles en bateau et les explorer à pied ou en kayak, et se laisser ainsi apprécier la nature intacte laissée par les peuples amérindiens.
Le train poursuit sa route. Nous nous dirigeons vers le nord, en direction de la ville de San Luis Obispo, également appelée SLO, parfait symbole de la mentalité décontractée de la région. Nous arrivons alors sur une partie de la côte que les routes ne peuvent plus atteindre. Le train longe la plage, tout près du rivage, et serpente entre des dunes. Nous atteignons un pont grâce auquel nous pouvons passer au-dessus d’un estuaire qui me donne l’envie soudaine de faire arrêter le train pour pouvoir sauter dans les eaux étincelantes du Pacifique.
« Regardez-moi ces couleurs », s’exclame une autre passagère. « J’aurais dû apporter du pop-corn », commente son compagnon de voyage. Cette étendue déserte est magnifique et constitue une facette des États-Unis que peu de personnes ont l’occasion de voir.
Nous admirons le California Coastal National Monument et les îlots, récifs, rochers et falaises qui décorent le long de la côte. Le train traverse ensuite des villages côtiers, passant devant des habitants ébahis, telle une célébrité dans un pays encore dominé par les camions et les autoroutes. Je me sens comme transporté dans une autre époque.
Le premier train longue distance de la côte pacifique américaine s'appelait le Coast Daylight, mais il n'allait pas plus au nord que San Francisco.
Loin des paysages, le Coast Starlight est également une communauté composée de rituels et d’histoires partagés aussi bien par le personnel que par les passagers. L’un d’entre eux, Patrick, annonce par haut-parleur que la voiture-restaurant est ouverte pour le déjeuner. Patrick, qui fait le chemin jusqu’à Seattle une fois par semaine, admet que le voyage n’est pas sans défis. Il craint notamment que les passagers ne s’endorment au son régulier des wagons sur les rails et manquent les moments les plus mémorables du trajet.
« Ne manquez pas mes magnifiques Cascades », me dit-il, en me tendant un menu tout en s’extasiant sur la chaîne de montagnes qui s’étend au sud de la Colombie-Britannique. « Les plages californiennes sont superbes, bien sûr, mais ces forêts, ces volcans et ces montagnes ? Ouah ! »
Je décide de ne pas mentionner la sieste que j’ai prise avant le déjeuner et de me concentrer sur mon bol de chili au bacon. Dans mon sommeil, j’avais raté les oliveraies et les vignobles de Paso Robles, et notre entrée en Californie centrale, du nord de San Diego au sud de Frisco, n’était pour moi qu’un rêve flou et lointain.
FERMES SOLAIRES, ACIER ET SAN FRANCISCO
Les couleurs commencent à changer alors que nous nous rapprochons de la baie de San Francisco. Nous laissons les vignobles derrière nous pour serpenter dans les collines brunes et poussiéreuses et longer les exploitations fruitières du comté de Monterey, avant de nous faufiler le long de la vallée de la Salinas. Cette région est principalement connue grâce à un célèbre habitant, John Steinbeck, qui, dans son roman Des souris et des hommes, racontait l’histoire de saisonniers immigrés travaillant dans les ranchs de la vallée. La vision des États-Unis que je vois défiler devant mes yeux est bien différente. Les fermes solaires me rappellent les déserts du récent film de science-fiction Dune. Les champs sont remplis de puits de pétrole dont les pompes basculent d’avant en arrière, comme des oiseaux en train de s’abreuver. Autour de moi, je sens désormais une odeur de pizza fraîche s’immiscer dans ma voiture : nous nous sommes arrêtés à Salinas, et un livreur remet sa commande à un autre passager du train.
Un peu plus tard, nous traversons San Jose, qui s’illumine sous la douce lumière du coucher de soleil. Les villes américaines, qui démontrent l’obsession du pays pour l’acier et la construction, nous en mettent plein la vue alors que nous continuons lentement notre chemin vers le nord et longeons la baie de San Francisco. Rapidement, San Jose disparaît dans le crépuscule pour laisser la place à Oakland. De l’autre côté de la baie, nous voyons San Francisco briller tel un phare dans l’obscurité croissante. Je me surprends à prendre des photos pour immortaliser les reflets lumineux dans l’eau.
Juste avant minuit, le train marque le dernier arrêt de mon voyage à la gare de la vallée de Sacramento, le terminus du premier chemin de fer transcontinental américain, dont la construction a commencé en 1863. Une fois sur le quai, je contemple le ciel étoilé et attends que le train redémarre pour poursuivre sa route, loin de la vieille ville de Sacramento, avec ses saloons et son musée des chemins de fer, jusqu’à la fin de la ligne. Les passagers ne peuvent plus contempler les paysages californiens, désormais plongés dans l’obscurité nocturne, mais d’ici quelques heures, le soleil se lèvera sur le mont Shasta et le train rejoindra l’Oregon, Washington et la chaîne des Cascades.
Lorsque nous sortons de la gare, Sacramento est endormie. Je me demande si les magnats des chemins de fer, qui ont développé cette ville au moment de la ruée vers l’or au milieu du 19e siècle, auraient pensé la même chose que moi de ce périple, à savoir que les voyages en train doivent être chéris, et non oubliés, comme ils l’ont malheureusement été par tant de millions d’Américains. J’ai aimé découvrir l’histoire, le décor et les couleurs de cette part préservée des États-Unis. Demain, peut-être que d’autres seront à leur tour inspirés, comme je l’ai été, à monter à bord de ce train pour vivre cette expérience unique. En tout cas, je l’espère.
COMMENT MONTER À BORD ?
Les billets pour emprunter le Coast Starlight depuis Los Angeles (Los Angeles Union Station) jusqu’à Seattle (Seattle King Street Station) démarrent à environ 425 € pour avoir une chambre privée, avec toilettes et douche privées dans votre voiture ou votre cabine.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.