Pérou : les premières tentes de luxe viennent d'ouvrir leurs portes dans le canyon de Colca

Le camp de Puqio propose des chambres de style safari, une cuisine familiale et des randonnées dans les montagnes péruviennes.

De Damien Gabet
Publication 23 juil. 2024, 13:06 CEST
Eyewitness Peru Cruz del Condor viewpoint

Il est possible d’avoir une vue spectaculaire du Canyon de Colca depuis le belvédère de la Cruz del Condor.

PHOTOGRAPHIE DE Getty

« Le messager des dieux ! » Il n’est pas compliqué de deviner quel est l’oiseau préféré du guide touristique Freddy Huaracha. Lorsqu’il parle des condors des Andes (vultur gryphus), sa voix fléchit, son ton monte et descend comme s’il suivait le vol des oiseaux. Ses bras se balancent, épousant la vue de la vallée autour du sentier, tendus comme les ailes de ces vautours noirs. « Les Incas les considéraient comme l’incarnation du monde supérieur, du ciel et du futur », déclare-t-il, les yeux écarquillés. « De nos jours, ils sont signes de bonne fortune : chaque année, de plus en plus de personne viennent leur rendre visite. »

Peuplé de descendants du peuple Collaguas, la vallée de Colca abrite une communauté de tisserands prospère.

PHOTOGRAPHIE DE Ivan Salinero

Freddy me guide dans une ascension de trois kilomètres depuis le village de Madrigal jusqu’aux ruines de la forteresse pré-inca de Chimpa, un haut lieu fortifié à 4 411 mètres, qui, selon lui, est le meilleur endroit de toute la vallée de Colca pour apercevoir ces oiseaux géants. Cette vaste prairie située dans les Andes du sud du Pérou, qui abrite une végétation basse, des volcans crépitants et des vigognes en liberté, semblables à des alpagas, est connue depuis longtemps pour le canyon de Colca, qui porte son nom. 

Creusée par le fleuve Colca, étroit et lent, c’est l’une des gorges les plus profondes au monde et elle traverse les montagnes sur près de quatre-vingts kilomètres. Plus récemment, elle a attiré les voyageurs en accueillant Puqio, « source » en Quechua, le premier camp en safari du pays. Il a ouvert ses portes à la fin de l’année dernière dans une clairière surplombant le fleuve, et je vais passer quelques nuits dans l’une de ses huit tentes en toile pour explorer les gorges et au-delà.

La Forteresse de Chimpa est accessible en autocar, mais l’expérience récompense les randonneurs : jusqu’à présent, je n’ai vu personne. Ce qui n’était au départ qu’un chemin de terre assez large pour un 4x4 se réduit rapidement à une piste unique et abrupte qui serpente étroitement le long de la montagne où s’élevait autrefois la forteresse. Au-dessous de nous se trouve le plus joli édredon de parcelles agricoles de quinoa, d’orge, de maïs, chacune avec sa propre teinte de lin. Ils sont flanqués d’eucalyptus et d’herbes de la pampa, dont les enfants locaux assemblent les tiges pour fabriquer des cerfs-volants.

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    La camp Puqio est constitué de huit tentes en toile, chacune pouvant abriter deux personnes.

    PHOTOGRAPHIE DE Ivan Salinero

    À cette altitude, chaque pas est une petite victoire contre les poumons qui hurlent et les jambes qui souffrent. Je m’arrête pour reprendre mon souffle et Freddy saute par-dessus la barrière en bois du sentier pour débarrasser un figuier de Barbarie de ses pointes, puis en détache le fruit. « Tenez », m’interpelle-t-il, en passant de nouveau au-dessus de la barrière. « Cela devrait vous aider ».  Mélange entre grenade et pastèque, c’est l'apport en sucres dont j’ai besoin pour atteindre le sommet.

    Lorsque je l’atteins, chaque effort semble en avoir valu la peine. La forteresse, restée étonnamment intacte, raconte l’histoire des locaux de Collaguas, qui l’utilisaient pour surveiller les sources d’eau et les sols fertiles de la vallée, et dont les descendants habitent toujours la vallée. De ce point de vue, la vue s’ouvre sur le drame colossal du canyon de Colca qui s’enfonce d’environ 21 114 kilomètres dans la terre, soit le double de la profondeur du Grand Canyon des États-Unis. Il présente des crêtes de grès vert, d'énormes filons de schiste cannelés et, en contrebas, le tracé émeraude du fleuve Colca. « Bienvenue dans le royaume des condors », me dit Freddy. « La vue est spectaculaire, non ? »

    Comme si on l'avait appelé, un oiseau apparait. Un condor des Andes mâle à col blanc, le plus grand oiseau du monde avec une envergure de trois mètres, passe en planant, à la recherche de nourriture, à la manière d'un charognard : élégant, imposant et intimidant. Nous attendons d'autres apparitions, mais le ciel devient silencieux après ce premier vol. Nous descendons donc la montagne à une vitesse satisfaisante avant de rentrer au camp.

    Il y a une touche de nostalgie au Safari à Puqio. Cette nuit, sous la lumière de la pleine lune, je remplis ma baignoire en étain pour faire trempette sous les constellations incas, en lisant des poèmes de Wordsworth qui ont été déposés sur mon bureau en bois. Les pantoufles en laine d'alpaga et le restaurant sans menu sont imprégnés d'une atmosphère familiale.

    La technique culinaire du pachamanca est utilisée depuis la période des Incas.

    PHOTOGRAPHIE DE Ivan Salinero

    Le lendemain midi, je goûte les pommes de terre péruviennes, cuites sur des pierres chaudes avec du maïs bio, des fèves, du poulet et de la viande d'alpaga, le tout enveloppé de la flore aromatique des montagnes, dans un « four de terre » pachamanca. Tout ce qui se trouve sur la table provient soit du jardin de Puqio ou de champs à proximité. Freddy m'explique plus tard que les traditions culinaires s'éteignent dans la communauté. « Avant, on servait du maïs et un morceau de fromage à l'école ; aujourd'hui, ce sont des sandwichs et des aliments frits », explique-t-il. Pour sauvegarder les recettes de sa famille et de ses voisins âgés, il organise des cours de cuisine. « Il faut que vous goûtiez mon pesque de quinoa [quinoa et porridge au fromage] », dit-il. « Il est incroyablement savoureux. »

    Je l'aperçois cet après-midi-là, lors d'une promenade à cheval, une autre excursion de Puqio, sur les collines qui surplombent le village voisin de Yanque. Au trot, j'observe les détails : l'irrigation inca toujours en cours, les terrasses des pépinières aménagées comme de grands amphithéâtres romains. L'air sec crée une clarté de lumière qui me fait cligner des yeux devant la vue, en particulier celle du volcan Sabancaya qui entre en éruption dans un nuage de cendres au loin. À la tombée de la nuit, une lumière crépusculaire teinte tout de violet. Il s'agit bien d'un royaume, et la nature y est souveraine.

    Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic Traveller (UK) en langue anglaise.

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