Environnement : qui sont les smokejumpers ?
Chaque été, des pompiers d’élite sont parachutés dans les étendues sauvages de l’Alaska pour combattre les incendies en zones reculées.
Les pompiers font face à des défis particuliers en Alaska. En grande partie inhabité, ce territoire représente un sixième de la superficie totale des États-Unis. Jusqu’à 40 % de l’État est constitué d’une forêt boréale surtout composée d’épinette noire (ou épicéa noir), hautement inflammable. En cas d’incendie, ces zones isolées ne peuvent être protégées que par des smokejumpers, une unité d’élite d’une soixantaine de pompiers, capables de sauter en parachute pour éviter l’embrasement et venir à la rescousse des rares habitants.
Ces pompiers parachutistes d’Alaska suivent l’une des formations les plus exigeantes du monde. Jusqu’à 200 candidats se présentent chaque année. Seule une dizaine sont sélectionnés pour le stage d’entraînement. Conditions préalables : les postulants doivent posséder cinq à dix ans d’expérience dans la lutte contre les feux de forêt et pouvoir effectuer 60 redressements assis, 35 pompes, 10 tractions, courir environ 2,5 km en 9 min 30 s, ou environ 5 km en moins de 22 min 30 s, et porter une charge de 50 kg sur 5 km en moins de 55 min. Ils doivent ensuite acquérir des compétences pointues en parachutisme et réaliser au moins vingt sauts filmés et commentés.
Résultat : 40 % des stagiaires sont recalés. Mais ceux qui réussissent intègrent une confrérie d’élite incluant Willi Unsoeld, l’un des premiers Américains à avoir atteint le sommet de l’Everest, Stuart Roosa, le pilote du module de commande d’Apollo 14, ou encore Deanne Shulman, la première femme smokejumper, qui a rejoint le groupe en 1981. Chaque smokejumper sélectionné doit repasser tous les ans un test similaire pour garder son emploi. Les 64 pompiers parachutistes actuels de l’Alaska sont tous des hommes, mais il y a eu aussi 7 femmes au fil des ans.
Ces brigades spéciales de pompiers parachutistes ont été créées, en 1937, après un coup de foudre sur un arbre à l’est du parc national de Yellowstone. Le petit incendie généré par l’éclair devint le célèbre Blackwater Fire, qui tua 15 pompiers et dévora près de 7 km2. L’enquête du Service des forêts des États-Unis (USFS) conclut que le seul moyen d’éviter de tels drames était d’envoyer les pompiers combattre les incendies dans l’arrière-pays avant que le feu ne prenne de l’ampleur.
Dans les années 1930, l’USFS testa le largage de petits groupes dans des zones reculées. Le 12 juillet 1940, les premiers smokejumpers furent envoyés sur l’incendie de Marten Creek, dans la forêt nationale de Nezperce, dans l’Idaho. Au cours des décennies suivantes, l’USFS créa sept bases de pompiers parachutistes pour les quarante-huit États contigus. Le Bureau de gestion des terres (BLM) en instaura deux autres, dont celle de l’Alaska.
Environ 450 smokejumpers sont aujourd’hui déployés depuis ces bases pour combattre les feux de forêt. « Ces premières années ont prouvé que dépêcher des hommes sur un incendie quand il fait la taille de votre salon, plutôt que des centaines d’hectares, économise de l’argent et préserve des forêts, des vies et des propriétés privées, rappelle Chuck Sheley, pompier parachutiste en retraite et vice-président de la National Smokejumper Association. Ce principe reste valable. »
Au fil du temps, la présence de ces pompiers dans les 48 États contigus a été remise en cause, des zones naguère isolées s’étant urbanisées. Aujourd’hui, 90 % des incendies y démarrent à moins de 1 km d’une route. En Alaska, à l’inverse, l’essentiel du territoire n’est accessible que par avion. On y laisse donc brûler de nombreux incendies, mais si un feu menace des vies ou des biens, ce sont les smokejumpers qui sont envoyés en première ligne.
Dans le numéro de mai 2019 du magazine National Geographic, reportage avec les smokejumpers d’Alaska.