Au Zimbabwe, ces femmes s'unissent contre le braconnage
Au Zimbabwe, une unité d’élite 100 % féminine incite les communautés locales à lutter contre le braconnage. Plongée dans le quotidien intense de ces femmes rangers.
Le soleil se lève sur une dizaine de tentes vertes dressées au sommet d’une colline offrant une vue panoramique sur la région de la Phundundu Wildlife Area (aire de vie sauvage), au Zimbabwe. Les femmes rangers d’Akashinga (« les braves » en langue shona) prennent leur petit déjeuner. Damien Mander, un ancien soldat australien qui a fondé en 2017 cette unité anti-braconnage exclusivement féminine, les informe des descentes prévues.
Le voisinage des humains et des animaux entraîne parfois des conflits, comme celui que doit gérer aujourd’hui Vimbai Kumire. La ranger se fraie un chemin à travers une foule en colère. Dix hommes blessés s’avancent lentement. L’un a un pansement sur la joue ; un autre, le bras entouré de coton taché de sang. Les huit autres présentent des égratignures et des perforations. Ils s’agglutinent autour d’elle : selon eux, un léopard les a attaqués. Mais des responsables de la protection de la nature ont récupéré le cadavre de l’animal et accusé les hommes d’avoir commis des actes répréhensibles, exacerbant l’énervement de la foule.
Compte tenu du caractère superficiel des plaies, la ranger doute de la version des blessés. Tuer des animaux sauvages sans autorisation est un délit. Mais la peau, les dents, les griffes et les os du léopard – d’une valeur de plusieurs centaines d’euros sur le marché noir – représentent un mois de salaire au Zimbabwe, où l’économie est exsangue. Le cadavre du léopard mis à l’abri et les événements entourant sa mort dûment consignés, le travail de l’unité consiste maintenant à rappeler son rôle : faciliter la cohabitation entre les habitants et la faune. Les femmes rangers embarquent ensuite les hommes blessés dans leur camion pour les conduire à la clinique locale.
Retour au camp pour le repas. Toute l’unité suit un régime végétalien, imposé par Damien Mander pour éviter la cruauté envers les animaux et favoriser une alimentation durable. Dès la création d’Akashinga, il a fait appel à Nicola Kagoro – connue sous le nom de « Cheffe Cola » – afin d’établir des plats nutritifs à base de plantes. « Mon travail consiste à m’assurer que les rangers ont assez d’énergie pour accomplir leur mission sur le terrain », explique-t-elle.
À minuit passé, l’unité doit encore se rendre chez un homme soupçonné de posséder un fusil non déclaré ayant servi à tuer des animaux sauvages ainsi qu’au domicile d’un braconnier présumé essayant de vendre une peau de léopard. Damien Mander s’engouffre en camion dans l’enclos du premier suspect et freine brusquement. Les rangers sautent à terre. L’homme les laisse entrer chez lui, où elles découvrent des peaux séchées de céphalophes, une espèce de petite antilope. Le suspect est menotté et chargé dans le camion. Les rangers sont debout depuis près de vingt-quatre heures, mais le vendeur de la peau de léopard est toujours en liberté. « Nous ne ressentons pas la fatigue tant que notre travail n’est pas achevé », assure Vimbai Kumire. Avant de regagner leur base, elles arrêteront l’homme.
La nuit suivante, elles intercepteront un tueur présumé d’éléphants. Entre-temps, elles auront retiré des pièges de braconniers. Ces résultats tendent à prouver à Damien Mander que son intuition était la bonne : « Des femmes comme ça peuvent tout changer. »
Dans le numéro de juin 2019 du magazine National Geographic, reportage avec les femmes rangers du Zimbabwe, par Lindsay Smith et Brent Stirton.