Randonnée sur l'un des volcans les plus dangereux du monde
Une grande aventure attend ceux qui désirent parcourir le mont Nyiragongo, en République démocratique du Congo.
Rares sont les choses qui secouent les habitants de l'est de la République démocratique du Congo. Durant des décennies, ils ont subi les guerres et rébellions qui se sont répandues comme une traînée de poudre dans les jungles du pays, tout en gardant un œil attentif sur la montagne auréolée d'une fumée planant sur la région.
« Nous l'appelons général Nyiragongo », explique un guide local au cours d'une nuit récente passée à Goma, le chef-lieu de la région. « Car lorsqu'elle débarque, tout le monde s'enfuit ». Ce volcan, parmi les plus explosifs au monde, fait planer une réelle menace. Chaque décennie, le Nyiragongo recouvre la ville de lave.
Ces dernières années, Virunga, le parc national le plus ancien d'Afrique, s'est mis à proposer des randonnées en direction du lac de lave du Nyiragongo, le plus grand au monde. Dans la fraîcheur d'un matin de mai, j'ai pris la route avec neuf autres visiteurs, deux gardes-forestiers et une équipe de porteurs vers le sommet de cette montagne de 3 469 mètres afin de le voir de mes propres yeux.
Nous en sommes à plus de la moitié du chemin (à près de 2 195 mètres) lorsque le garde-forestier fait une halte près d'une crevasse profonde qui coupe la montagne en deux. En 2002, une coulée de lave s'est déversée par l'un des côtés du volcan, a balayé l'endroit où nous nous trouvons et a recouvert la ville de Goma d'une couche de roches volcaniques. Une grande partie de la ville est toujours ensevelie sous les décombres et la lave fait désormais partie du quotidien des habitants de Goma. Elle prend désormais la forme de murs et est vendue en guise de bijoux ; une base des Nations Unies porte même son nom.
Après cinq heures de marche, nous atteignons le dernier lieu de repos avant d'entamer la dernière ligne droite, une montée de 45 minutes sur une paroi rocheuse presque verticale. Nous surplombons les nuages et le brouillard se forme devant nous. Nos yeux fatigués se posent vers l'horizon.
J'atteins le sommet, épuisée. Une dizaine de cabines métalliques sont accrochées au flanc de la montagne ; après y avoir déposé mes sacs, je rejoins le groupe réuni sur la crête du volcan. La nappe de lave du volcan Nyiragongo bouillonne à moins d'une centaine de mètres sous mes pieds. Elle semble s'auto-cannibaliser à mesure que des poches de feu engloutissent de nouvelles zones. Un brouillard épais glisse sur le cratère, ne laissant la place qu'à un gargouillis semblable au bruit d'une cascade.
Dans l'une des huttes, le chef remue des marmites de riz et de ragoût de bœuf sur le feu et passe à tue-tête des clips de chansons américaines qui sortent de son téléphone. Après le dîner, nous nous asseyons sur l'unique banc situé au bord du volcan, où nous partageons d'immenses bouteilles de Simba, une bière locale. Dans l'obscurité, la nappe de lave se transforme en un puits de feu nervuré, tandis que le brouillard qui flotte autour de lui rougeoie.
Assis sur la crête du volcan Nyiragongo, un groupe d'agents de voyage kényans expliquent qu'ils envisagent d'ajouter ce parcours à leurs circuits touristiques. Ils sont convaincus que les aventures qu'offre Virunga attireront même les adeptes des voyages de luxe. Un des agents a d'ores et déjà prévu de proposer le survol du volcan en hélicoptère.
Mais la vie à l'est du Congo, à l'image du volcan bouillonnant, est imprévisible. Nous discutons de rumeurs selon lesquelles une nouvelle rébellion se préparerait au centre du pays, dans le cadre d'un complot du gouvernement afin de semer le chaos et de rester au pouvoir. L'année dernière, le président Joseph Kabila a reporté les élections et de nombreuses personnes craignent qu'il n'ait pas l'intention de renoncer au pouvoir. Même la plus importante et coûteuse des missions de maintien de la paix des Nations Unies ne pourrait empêcher une nouvelle guerre civile d'éclater.
Le lendemain matin, une brume épaisse donne une illusion de sérénité. Les quatre heures de descente sont ponctuées de cris stridents et du bruit des roches glissantes. Quitter le Nyiragongo n'est pas chose aisée.
Si le volcan peut représenter une menace, il est également l'une des rares sources de revenus pour les Congolais au cours de ce conflit longtemps oublié. « C'est un bon voisin », explique un journaliste local dans la ville de Goma. « Il permet à notre climat de rester frais, il nous fournit des pierres utiles à la construction, il nous apporte des voyageurs et est source de revenus pour notre pays. »