Comment ces animaux font-ils pour changer de couleur ?
Des seiches aux caméléons, ces animaux peuvent modifier leurs couleurs pour se mettre à l'abri des prédateurs, intimider leurs rivaux ou séduire des partenaires.
Dans la nature, la vie ne tient parfois qu'à un changement de couleur. La vision est un sens primordial pour une grande partie du royaume animal et de nombreuses espèces ont mis au point des techniques visant à utiliser ce sens pour accroître leurs chances de survie. Elles utilisent par exemple ce pouvoir pour se fondre dans leur environnement ou faire étalage de leur dominance.
LES CHANGEMENTS SAISONNIERS
Lorsqu'un animal évolue au beau milieu d'un paysage qui connaît d'importants changements au fil des saisons, il peut lui être utile de changer de couleur afin de ne pas faire tache dans un habitat luxuriant l'été et enneigé l'hiver.
Le lagopède alpin qui évolue dans l'extrême nord de l'Eurasie et en Amérique du Nord arbore une robe brune à l'été, mais à mesure que s'écoule l'automne, cet oiseau également appelé ptarmigan commence à muer. De nouvelles plumes d'un blanc immaculé remplacent peu à peu son plumage aux tons plus terrestres. À l'hiver, l'oiseau est blanc comme neige, ce qui lui permet de passer sous le radar des prédateurs dans son habitat arctique. Les hermines connaissent une transformation similaire, elles troquent leur pelage marron pour une fourrure d'un blanc éclatant. En revanche, alors que ce camouflage permet au lagopède de se cacher, l'hermine, elle, est un prédateur. Son camouflage lui permet donc de se fondre dans la neige, ce qui facilite la chasse de petits mammifères et oiseaux.
Plus de 20 espèces d'oiseaux et de mammifères de l'hémisphère nord connaissent une transformation totale de leurs couleurs du marron au blanc entre l'été et l'hiver. À mesure que les journées raccourcissent à l'automne puis s'allongent à nouveau au printemps, les hormones de ces animaux envoient des signaux qui déclenchent le renouvellement du pelage ou du plumage.
Les changements saisonniers de coloration se produisent également dans des habitats qui pourraient vous surprendre, notamment dans l'eau. Par exemple, la crevette caméléon peut être verte ou rouge. D'après une étude parue en 2019, alors que ces crustacés ont pour habitude de déambuler aux alentours des algues qui correspondent à leur propre couleur, ils peuvent également changer de couleur pour s'accorder avec l'algue dominante de leur habitat rocheux en fonction des saisons.
De leur côté, les araignées-crabes sont capables de modifier leur apparence en fonction du lieu où elles se trouvent. Elles attendent leur proie tapies sur des fleurs blanches ou jaunes et changent de couleur pour suivre celle des fleurs sur lesquelles elles évoluent. Si une araignée jaune migre vers une fleur blanche, elle peut faire passer ses pigments jaunes sous des cellules contenant des pigments blancs ; un processus qui nécessite tout de même plusieurs jours.
LES RAPIDES
Pour certains animaux, le changement de couleur ne demande que quelques secondes.
Ainsi, les caméléons peuvent changer de couleur en moins de 30 secondes grâce à la présence de cellules spéciales dans leur peau. Certaines de ces cellules sont des chromatophores, elles contiennent des pigments et ont une forme d'astérisque avec de longues branches.
« On peut les voir comme des autoroutes sur lesquelles se déplacent les pigments, » illustre Russel Ligon, biologiste de l'université Cornell.
Ces pigments interagissent ensuite avec un autre type de cellule, les iridophores, qui contiennent des cristaux réfléchissants. Les caméléons peuvent étirer leurs iridophores pour modifier la longueur d'onde (et donc la couleur) de la lumière qu'elles réfléchissent. La lumière réfléchie par les iridophores travaille ensuite de concert avec les pigments des chromatophores pour produire une gamme de couleurs vibrantes allant du bleu au rouge ou à l'orange que l'on observe chez de nombreux caméléons.
Ce talent de transformiste peut être utile pour se camoufler, mais les caméléons l'utilisent principalement à d'autres fins. Paisiblement installé sur une branche, un caméléon arbore des couleurs pâles tirant sur le vert. En revanche, lors d'une situation plus conflictuelle, la peau du caméléon se resserre et tire sur les iridophores, ce qui modifie leur couleur. Ce changement rapide de couleur est particulièrement utile pour les mâles qui se disputent un territoire. Les caméléons casqués mâles communiquent leur tempérament à leurs potentiels rivaux en changeant de teinte : nuances vives pour témoigner leur agressivité ou sombres pour la soumission. Une brève bataille de couleur peut mettre fin à une dangereuse altercation physique avant même qu'elle n'ait commencé.
Certains crustacés et poissons peuvent aussi modifier rapidement leur couleur. Les crabes violonistes d'Australie peuvent assombrir leurs nuances bleutées en une vingtaine de minutes lors d'une parade nuptiale ou lorsqu'ils sont stressés. De son côté, un petit poisson appelé gobie paganel est capable d'assombrir ou d'éclaircir ses couleurs en moins d'une minute pour mieux se fondre dans les mares résiduelles qu'il occupe, évitant ainsi d'être repéré par les oiseaux de rivage affamés.
LES SUPER RAPIDES
D'autres animaux sont passés maîtres dans l'art de changer de couleur : en un clin d'œil, le tour est joué.
La famille de poissons perciformes des Malacanthidae est capable de passer du bleu vert au rouge en une demi-seconde grâce à un type spécifique d'iridophore contenu dans leurs écailles et activé par une poussée d'adrénaline.
Mais les champions toutes catégories du changement de couleur sont incontestablement les céphalopodes tels que les pieuvres, les calamars ou les seiches. Leurs chromatophores et les pigments qu'ils contiennent sont directement contrôlés par leur système nerveux central, explique William Gilly, biologiste au sein de la Hopkins Marine Station de l'université de Stanford. Chez les caméléons, les cellules changent de couleur à mesure que les pigments se déplacent autour d'elles mais les céphalopodes sont, eux, capables de modifier la forme même des cellules, donnant lieu à des changements de couleur éclairs.
Les calamars et les seiches sont capables de faire scintiller des bandes de pigments pour faire savoir qu'ils sont prêts à s'accoupler, ajoute Gilly. Ce phénomène est particulièrement spectaculaire chez le calmar de Humboldt qui peut faire scintiller les chromatophores de son corps tout entier d'un seul coup, passant du rouge pâle au rouge sombre parfois jusqu'à quatre fois par seconde.
Enfin, la palme du système de changement de couleur le plus saisissant revient à la casside dorée. Cette coccinelle d'Amérique Centrale est dotée d'une coquille transparente contenant une superposition de plaques très fines présentant de minuscules rainures. La coccinelle peut remplir ces rainures d'un fluide rouge qui donne aux plaques une apparence parfaitement lisse et leur confère un effet miroir à l'origine leur teinte métallique dorée. Cependant, si la coccinelle est perturbée ou s'accouple, le fluide s'échappe rapidement des rainures et brise l'illusion en faisant réapparaître la pigmentation rouge vif sous-jacente.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.