Découverte : les phoques savent combien de temps ils peuvent retenir leur respiration

Ces mammifères marins seraient capables de détecter la quantité d’oxygène présent dans leur sang. Un don que nous ne possédons pas.

De Tim Vernimmen
Publication 26 mars 2025, 10:36 CET
Une nouvelle étude suggère que les phoques gris (Halichoerus grypus) seraient capables de détecter la quantité ...

Une nouvelle étude suggère que les phoques gris (Halichoerus grypus) seraient capables de détecter la quantité d’oxygène présent dans leur sang. Cela exercerait une influence sur leur manière de plonger.

PHOTOGRAPHIE DE GREG LECOEUR, Nat Geo Image Collection

Les phoques sont capables de nombreuses prouesses que nous autres humains ne pouvons réaliser. Mais une expérience astucieuse menée en Écosse a révélé une nouvelle aptitude qu’ont ces mammifères. Une étude publiée dans la revue scientifique Science suggère que les phoques seraient capables de détecter la quantité d’oxygène dans leur sang et de changer leurs habitudes de plongée en conséquence.

Tous les animaux absorbent de l’oxygène par l’air qu’ils inspirent et libèrent, de leur sang, du dioxyde de carbone (CO2) en expirant. La plupart des mammifères ne peuvent pas directement détecter leur taux d’oxygène dans le sang, qui alimente leurs tissus. À la place, ils se basent sur le niveau de CO2 contenu dans leur sang pour leur signaler quand respirer. La plupart des chercheurs seraient partis du principe que les bons plongeurs, comme les phoques, se reposaient également sur ces signaux.

Cependant, les nouvelles expériences menées sur les phoques gris montrent que les animaux « répondent de manière flexible au changement de leur taux d’oxygène sanguin, ce qui leur éviterait la noyade », explique l’auteur principal de l'étude, Chris McKnight, physiologiste à l’université de Saint Andrews, en Écosse. Si le scientifique et ses collègues ont raison, cela pourrait expliquer pourquoi les plongeurs en apnée s’évanouissent avant de parvenir à la surface quand d’autres animaux marins sont capables de détecter leur taux d’oxygène sanguin

 

FRUITS DE MER À VOLONTÉ

Afin de découvrir si les niveaux d’oxygène affectaient le comportement des phoques, Chris McKnight et ses collègues ont aménagé une partie spécifique du bassin dans lequel de jeunes phoques gris étaient temporairement retenus avant d’être relâchés dans la nature. Dans un coin, se trouvait une chambre de respiration, abritée du vent et de la pluie.

« Très vite, les phoques ont changé leurs habitudes, préférant respirer à l’intérieur de la chambre plutôt que de remonter à la surface du bassin », se rappelle-t-il. La chambre respiratoire était entourée de panneaux qui empêchaient d’y accéder par la surface. Cependant, une nage de 60 mètres sous l’eau permettait aux phoques d’avoir accès à une mangeoire où ils pouvaient faire un festin de poissons. 

Les chercheurs ont étudié des phoques gris afin d’étudier les changements dans leurs plongées en réponse ...

Les chercheurs ont étudié des phoques gris afin d’étudier les changements dans leurs plongées en réponse à différents changements dans leur environnement, comme le taux d’oxygène, le dioxyde de carbone et le pH.

PHOTOGRAPHIE DE GREG LECOEUR, Nat Geo Image Collection

Une fois que les phoques se sont habitués aux lieux, les chercheurs ont petit à petit commencé à changer la composition de l’air à l’intérieur de la pièce, augmentant ou diminuant les niveaux d’oxygène ou de CO2. « Nous l’avons fait très prudemment, et juste assez pour voir un changement dans leur comportement », ajoute le physiologiste. Et les résultats sont probants : plus le taux d’oxygène dans la chambre était élevé, plus les phoques y restaient longtemps.

« Cela suggère que les phoques ne répondent pas simplement physiquement aux taux d’oxygène, en changeant leur rythme cardiaque ou leur fréquence respiratoire ; ils en ont suffisamment conscience pour adapter leur comportement », explique Chris McKnight. D’autres expériences, plus anciennes, ont parfois montré que les animaux essayent de rester éloignés des environnements pauvres en oxygène ou montrent de signes de stress quand ils s’y trouvent. « Les phoques ne réagissent pas ainsi », souligne McKnight. Cependant, cela entraîne des changements dans leur manière de plonger. D’une certaine manière, ils semblent conscients du taux d’oxygène dans leur sang.

 

PLONGÉE EN APNÉE

Cette aptitude distingue les phoques des autres mammifères terrestres qui ont été testés. Les taux d’oxygène étant relativement constants à terre, les êtres humains et les autres animaux terrestres ne semblent pas avoir évolué de sorte à remarquer une baisse de leur taux d’oxygène sanguin... parfois même alors qu’ils sont au bord du malaise.

Lors de plongées en apnée réalisées par des humains, les accidents sont fréquents. Nous nous reposons sur notre taux de CO2 plutôt que sur notre taux d’oxygène et cela pourrait en être la raison, pense Chris McKnight. « Sur terre, c’est une stratégie des plus logiques, des taux anormaux de CO2 pouvant signaler des problèmes respiratoires ».

Cependant, cette dépendance des niveaux de dioxyde de carbone lorsque nous retenons notre respiration peut s’avérer dangereuse, surtout lors de plongées répétitives.

« Chaque fois que nous revenons à la surface, nous remettons notre sensibilité au CO2 à zéro, même si les niveaux sont déjà élevés », indique McKnight. Cela augmente le risque d’évanouissement avant d’arriver à la surface, même chez les apnéistes professionnels.

Peter Lindhom, physiologiste spécialisé en plongée de l’université de Californie à San Diego, se demande ce que révélerait une étude similaire sur les êtres humains. « En lisant cette étude, je me suis dit qu'il faudrait la reproduire sur des apnéistes afin de voir si nous pouvons trouver des individus à même de détecter leurs niveaux d’oxygène ou qui peuvent résister à des taux importants de CO2. »

« Il serait désagréable pour un humain de respirer dans un environnement contenant le taux le plus élevé de dioxyde de carbone utilisé dans cette étude », relève le physiologiste animal Andres Fahlman, de l’Oceanogràfic Foundation en Espagne. En plus de leur évaluation étonnante des taux d’oxygène, il explique qu'il a été suggéré « que les mammifères marins ont peut-être une réaction diminuée au CO2, comme si leur sensibilité n’était pas réglée au même degré que la nôtre ». Cela pourrait être une autre raison qui expliquerait la sensibilité accrue des phoques à l’oxygène.

 

DES EXPÉRIENCES AMUSANTES

Pour certains chercheurs, cette étude soulève de nouvelles questions qui n’ont, pour l’instant, pas de réponses.

« Les données expérimentales soutiennent les conclusions de l’étude, mais elles ne sont pas sans équivoque », déclarer le zoologue William Milsom, de l’université de Colombie-Britannique, qui étudie la façon qu’ont les animaux habitant des environnements extrêmes de contrôler leur respiration et leur circulation sanguine. « Il n’y a aucun doute que les phoques ont changé leur comportement de plongée en réaction aux changements du taux d'oxygène. Mais en l’absence de données physiologiques détaillées, il est difficile de déterminer avec certitude pourquoi les plongées étaient plus courtes lorsque les taux d’oxygène étaient bas. »

Matthew Pamenter, physiologiste de l’université d’Ottawa, qui a étudié la réponse de rats-taupes nus exposés à de faibles taux d’oxygène et de hauts taux de CO2, pense que de futures expériences pourraient révéler que tous deux entraînent des conséquences sur la durée des plongées. Il n’est également pas convaincu que les réponses observées chez les phoques, dans un environnement pauvre en oxygène, diffèrent de celles des autres mammifères. « L’aptitude qu’expose cette étude ressemble à une version amplifiée de la même sensibilité », pense-t-il.

Chris McKnight ne pense pas que les phoques ne fassent que réagir à de très faibles taux d’oxygène, mais plutôt qu’ils s’adaptent à un large spectre. « L’un des phoques que nous avons suivis dans la nature, il y a quelques années, est descendu à presque 600 mètres de profondeur », explique-t-il. « Les phoques remontent à la surface à une vitesse d’à peu près un mètre par seconde. S’ils ne réagissaient qu’à de faibles taux d’oxygène, ils ne remonteraient jamais à temps. »

Cela dit, il pense effectivement qu’un sens similaire existe chez d’autres animaux plongeurs. « Des expériences plus anciennes ont été menées sur des canards, des tortues et des crocodiles, et attestent d’un comportement similaire à celui des phoques », continue-t-il, mais elles n’étaient pas menées dans des conditions qui aboutiraient à des conclusions similaires. Elles pourraient à présent être reproduites, de manière respectueuse des animaux. Les phoques ont adoré prendre part aux expériences, même s’ils étaient déjà bien nourris. « Nous ne pourrions pas les forcer à participer s’ils ne le voulaient pas. Mais, dès que nous ouvrons la chambre de respiration du bassin, ils s’y précipitent. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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