Pour la première fois, la naissance d’une baleine à bosse a été filmée en intégralité

Cette naissance, la première à laquelle assistaient des scientifiques du début à la fin, a été enregistrée en 2021 à Lahaina, à Hawaï.

De Jason Bittel
Publication 21 nov. 2023, 14:42 CET
La mère baleine à bosse et son nouveau-né mâle nagent dans les eaux au large de ...

La mère baleine à bosse et son nouveau-né mâle nagent dans les eaux au large de de Lahaina, Hawaï.

PHOTOGRAPHIE DE National Geographic

Le 5 mars 2021, alors que le soleil disparaissait derrière l’horizon à Lahaina, à Hawaï, des documentaristes National Geographic et des scientifiques ont assisté à une scène jamais vue auparavant : la naissance, du début à la fin, d’une baleine à bosse.

« Nous avons attendu ce moment pendant vingt-cinq ans », dit Rachel Cartwright, chercheuse spécialiste des baleines pour le Keiki Kohola Project, une association à but non lucratif basée à Maui qui protège les baleines à bosse femelles et leurs petits. « C’est du jamais vu. »

Tous les ans, de nombreuses femelles migrent vers les îles Hawaï pour mettre bas dans des eaux chaudes, loin des prédateurs. Les scientifiques comme Rachel Cartwight étudient ces animaux avec attention et les identifient grâce aux motifs situés sous leur queue et leurs nageoires caudales, qui sont propres à chacune d’elles. 

À ces éléments déjà documentés manquait la mise-bas. À Maui et partout dans le monde, des scientifiques avaient pu observer quelques femelles desquelles dépassaient des nageoires de baleineau, signe du début du travail, mais jamais leur mise-bas complète. 

Cette naissance, la première à laquelle assistaient des scientifiques du début à la fin, était donc un évènement important. La majeure partie a été filmée et figure dans la nouvelle série National Geographic Les grandes migrations, bientôt disponible en streaming sur Disney+.

Rare : la naissance d'une baleine à bosse observée pour la première fois

« J’ai reçu de nombreux coups de téléphones de personnes me disant qu’ils venaient d’assister à la naissance d’une baleine », raconte Stephanie Stack, chercheuse biologiste en chef de la Pacific Whale Foundation à Maui, absente lors de cette découverte. « Souvent, quand on creuse un peu, on se rend compte que ça n’en est pas une. C’est souvent une baleine qui se repose ou accompagnée de son baleineau. », dit-elle. 

« J’étais donc très surprise de voir la vidéo. C’est incroyable ! »

 

UNE NAISSANCE DE TAILLE

Tout a commencé aux alentours de quinze heures lorsqu’un des bateaux de recherche de Rachel Cartwright a identifié un banc de baleines mâles rassemblés à la surface de l’eau près d’une autre baleine, avec laquelle ils espéraient probablement s’accoupler. « On en voit souvent à Hawaï », explique la scientifique. 

Après un certain temps, un membre de l’équipe est entré dans l’eau pour filmer les animaux et a vu une petite nageoire dépasser de la femelle.

« On savait à ce moment-là qu’on allait potentiellement assister à un accouchement », raconte Rachel Cartwright, qui s’est rapidement jointe à l’équipe loin des côtes. Elle savait néanmoins qu’ils manquaient de temps, les jours étant très courts en fin d’hiver à Hawaï.  

« Certaines personnes sont restées dans l’eau jusqu’au coucher du soleil », dit-elle. « Mais il n’y avait plus beaucoup de lumière et on ne pensait pas voir quelque chose de nouveau. »

Heureusement, la scientifique a déployé un de ses drones de recherche sans se douter qu’elle allait pouvoir filmer, pour la première fois, la naissance complète d’un baleineau à bosse. « À ce moment-là, on voulait simplement obtenir des informations et faire atterrir le drone sans le laisser tomber à l’eau », se rappelle-t-elle en riant. Ce n’est que lorsqu’elle a branché la carte mémoire sur son ordinateur qu’elle s’est rendue compte de l’importance de ce moment. 

« On a d’abord vu un gros jet de sang sortir », raconte R. Cartwright. « Deux secondes plus tard, on voyait enfin le baleineau. » Les plongeurs sont alors redescendus dans l’eau afin d’obtenir plus d’images du nouveau-né, un mâle, avec des caméras à faible luminosité. 

« Nous savions qu’il s’agissait d’une opportunité rare de capturer un moment précieux et l’équipe a travaillé sans relâche à suivre et à filmer le groupe », a déclaré Paul Satchell, directeur de terrain, par mail. 

S. Stack rappelle qu’il est illégal de nager avec des baleines aux États-Unis et que ceux qui le font, les scientifiques et les réalisateurs, ont obtenu un permis et respectent des règles strictes. 

 

UN MOMENT DE DÉTENTE POUR LA MAMAN ?

En plus de cette naissance miracle, d’autres aspects de cette journée fatidique ont offert aux scientifiques de nombreuses informations. Pour commencer, « le rassemblement de mâles autour de la femelle n’est pas quelque chose que nous aurions imaginé » déclare Rachel Carwright. Leur présence reste un mystère. 

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    « Nous avons obtenu une séquence magnifique où la mère lève sa queue, la petite queue du bébé ressort et les mâles se mettent sous eux pour souffler des bulles », raconte R. Carwright. 

    Les baleines à bosse soufflent des ribambelles de bulles par stratégie, que ce soit pour la chasse, lors de parades nuptiales et parfois même pour les sentir sur leur peau et ainsi déclencher la libération d’hormones de bien-être comme l’ocytocine.

    « On observe une multitude de bulles dans lesquelles la femelle vient nager, comme si elle recevait un petit massage au spa », décrit R. Cartwright. « C’est très surprenant à voir ». 

     

    « PLUS FRAGILE QUE L’ON NE L’IMAGINE »

    Dans les années 1970 et 1980, la chasse à la baleine, très répandue, avait mis cette espèce sur la voie de l’extinction. Puis, en 1985, un moratoire mondial sur la pêche commerciale à la baleine a permis l’un des plus grands retours en force de l’histoire de la protection de l’environnement. 

    Néanmoins, « la situation est bien plus fragile qu’on ne l’imagine », dit Rachel Cartwright. Par exemple, un « blob », une zone d'eau anormalement chaude présente dans l'océan Pacifique, a été observée près du Golfe d’Alaska avant de se déplacer le long de la côte Pacifique pendant six ans a tué de grandes quantités de krill, petits crustacés dont se nourrissent les baleines à bosse du Pacifique Nord. 

    De même, la zone où Rachel Cartwright a assisté à la naissance du baleineau se trouve au large de Lahaina, qui a subi, pendant l’été 2023, les feux les plus meurtriers de l’histoire de l’État. Le port de Lahaina, où des scientifiques mettaient à l’eau leurs bateaux, a disparu. Bien que des efforts de nettoyage aient réduit la quantité de cendres et de débris rejetés dans l’océan, Rachel Cartwright craint que les mères baleines à bosse et leurs petits ne soient encore affectés lors des pluies hivernales. 

    « On croise les doigts pour que tout aille pour le mieux », dit-elle. « Pour ce qui est de l’île, je pense que le retour des baleines remonterait le moral de tout le monde. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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