Madagascar lance un vaste projet de reforestation
Alors que le pays a perdu 44 % de ses forêts naturelles de 1953 à 2014, le gouvernement malgache a annoncé vouloir replanter 60 millions d’arbres par an. Le reboisement total devrait couvrir 400 km², soit quatre fois la taille de Paris.
L'avenue des Baobabs, près de Morondava, est protégée depuis 2007. Cette avenue est tout ce qu’il reste d'une forêt autrefois épaisse, défrichée pour satisfaire des besoins agricoles.
« Nous allons replanter 60 millions d’arbres soixante ans après l’indépendance de Madagascar » a affirmé le président de la république malgache Andry Rajoelina lors d’une conférence de presse tenue au palais de l’Elysée en mai 2019. Huit mois plus tard, environ 12 000 personnes étaient présentes dans les plaines du district d’Ankazobe, à 100 kilomètres au nord-ouest de la capitale, Antananarivo, pour entamer ce vaste projet de reboisement. Selon nos confrères du Monde « 1.2 million de jeunes plants auraient été mis en terre sur 500 hectares (ha) à Ankazobe » dimanche 21 janvier 2020. L’objectif est de replanter 60 millions d’arbres d’espèces différentes en un an, dont des acacias (Acacia farnesiana), des eucalyptus (Eucalyptus robusta) ou encore des arbres fruitiers, des girofliers et des vanilliers.
Le but premier est de lutter contre le changement climatique mais également de sensibiliser et mobiliser toute la population pour cette grande campagne de reboisement, comme l’explique Luciano Razafimahefa, responsable auprès du service communication du ministère de l’Environnement et du développement durable à nos confrères du journal malgache Moov, « tout le monde est incité à venir ». Les Malgaches pourront prendre part à l’initiative car des pépinières ont été mises en place dans tout le pays et des jeunes plants seront mis à disposition gratuitement. Afin d’étendre l’opération à des zones isolées, le gouvernement prévoit de larguer des graines par drones et avion, comme le jour du lancement où environ cinq tonnes de plants auraient été larguées depuis un avion.
DE L’ÎLE ROUGE À L’ÎLE VERTE
Une bonne nouvelle pour la 5e plus grande île du monde puisque Madagascar représenterait un des cas de déforestation les plus alarmants du monde tropical. Chaque année, 150 000 hectares de forêts naturelles disparaissent. Un fait d'autant plus alarmant que les forêts malgaches abritent la quasi-totalité des espèces endémiques de l'île. Cette déforestation massive de la foret malgache est principalement due à la culture sur brûlis (riz pluvial, maïs, arachide), qui avait pour but premier de nourrir les habitants de l’île mais qui s’est aussi développé depuis quelques années pour l’exportation, au détriment des forêts.
Pour subvenir aux besoins alimentaires de la population en constante augmentation, un grand nombre de paysans doivent chercher de nouvelles terres cultivables, notamment dans les forêts.
LA REFORESTATION COMME ARME CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
Selon une étude menée par l’Institut fédéral de technologie de Zurich, la reforestation serait la méthode naturelle la plus efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique. Plus précisément, il faudrait planter 1 200 milliards d’arbres pour qu’une fois matures ceux-ci absorbent les deux tiers des émissions de CO2 produites par l’activité humaine. Les chercheurs suisses insistent sur la faisabilité de ce projet : sans compter les villes et les terres agricoles, ces derniers estiment que « 0.9 milliards d’hectares dans le monde pourraient être reboisés, principalement aux États-Unis, au Canada, au Brésil et en Chine ».
De fait, les océans et les forêts constituent les principaux puits de carbone sur Terre. Les arbres absorbent le CO2 de l’atmosphère via la photosynthèse au niveau des feuilles mais stockent d’ énormes quantités de carbone dans le tronc et les racines. Il serait donc logique et pertinent d’agir sur l’efficacité de ces deux biotopes...
Carte montrant la déforestation à Madagascar entre 1953 et 2017 ( Vieilledent et al., CIRAD ).
« C’est très positif que le gouvernement ait pris conscience de l’importance de la conservation et de la restauration des forêts, pour la biodiversité, la lutte contre le changement climatique et le bien-être des populations locales » estime Ghislain Vieilledent, chercheur en écologie et spécialiste des forêts tropicales au CIRAD, un centre de recherche français travaillant en partenariat avec les pays du sud. Ayant vécu à Madagascar, il étudie depuis plus de 10 ans les forêts et la biodiversité malgache.
Le chercheur craint malgré tout des effets d’annonce et insiste sur l’importance des « forêts naturelles », des forêts qui abritent le plus de biodiversité spécifique à Madagascar et qui stockent le plus de carbone. « Dans les faits, à propos de ce qui est mis en place, c’est discutable en matière d’efficacité, on se concentre sur les espaces à reforester mais l’action principale qu’il faudrait entreprendre est de conserver les forêts existantes. Reforester difficilement 40 000 ha par an alors que 150 000 ha de forêt naturelle disparaissent chaque année, cela n’a pas vraiment de sens ».