La superficie de la banquise arctique a atteint un minimum historique en octobre 2020
En cause, une vague de chaleur océanique et des températures qui augmentent d’année en année, mettant tout un écosystème en péril.
« Pour les trois premières semaines d’octobre, le taux de croissance des glaces était bien inférieur à la moyenne. La glace de mer est un indicateur sensible du réchauffement climatique. La glace est mince et elle réagit rapidement au réchauffement, c'est ce que nous voyons en tout cas » déclare Walt Meir, responsable scientifique du Centre National des données sur la Neige et la Glace (NSIC).
Depuis 1978, les scientifiques de cette institution américaine mesurent quotidiennement la concentration de glace des mers grâce aux données satellitaires qu’ils enregistrent. La tendance s’accentue ces dernières années mais en 2020, la superficie de la banquise de l’Océan arctique n’a jamais été aussi faible à cette période de l’année. Le 13 septembre 2020, la surface minimale atteinte s’établissait à 3,71 millions de km² alors qu’elle dépassait les 4 millions de km² l’année dernière.
Carte montrant la superficie de la banquise Arctique au 22 octobre 2020 à comparé de la moyenne mesurée entre 1981 et 2010.
Ces tendances ont été mesurées principalement dans la région sibérienne du côté pacifique de l'Arctique, en mer des Tchouktches, en mer de Sibérie orientale et en mer de Laptev. Cette dernière qui borde la Sibérie a été particulièrement touchée : « nous avons remarqué que la mer de Laptev, qui, en temps normal doit être intégralement gelée en hiver, a été frappée par une vague de chaleur océanique au printemps, cela a conduit à une fonte extrême des couches de glace les plus épaisses en été » détaille Walt Meir.
Cette vague de chaleur qu’a connue l’Arctique cet été a mis un temps anormalement long pour de dissiper. Cela a eu pour effet de retarder l’englacement de l’eau dans des zones que l’on nomme « polynies », « trou dans la glace » en russe.
« En temps normal, et de façon saisonnière, les polynies gèlent lorsque le soleil se couche dans l'Arctique, la température de l'air se refroidit et l'océan perd sa chaleur » explique le scientifique. « À plus long terme, à mesure que les températures continuent d'augmenter à cause du réchauffement climatique, il y aura plus de fonte, menant éventuellement à des conditions estivales en grande partie sans glace dans l'Arctique » poursuit-il.
Malheureusement, les difficultés que rencontrent les glaces de mer ces dernières années sont à la fois des signes avant-coureurs de changements plus importants à venir, vers des latitudes plus basses comme l'Europe et l'Amérique du Nord, et d'un effet amplificateur sur le climat. A l’inverse de la glace, l’océan n’étant pas réfléchissant, la quasi-totalité, plus de 90 %, de l’énergie du soleil qui frappe l’océan est absorbée par l’océan et par conséquent, le réchauffe.
« On l’oublie souvent, mais ces régions du monde abritent des populations autochtones » précise Walt Meir. Dans les régions froides de l’Arctique, les Inuits, les Sâmes, les Yakoutes, sont déjà touchés par les changements de la couverture de glace. ils doivent adapter leurs traditions de chasse et de transport et les villages côtiers sont menacés par l'érosion en raison du manque de glace de mer, les poussant parfois à fuir leur lieu de vie originel.
La flore et la faune sont également affectées - certains animaux qui ont besoin de la glace de mer, comme les ours polaires, sont menacés, tandis que les espèces marines comme les baleines sont contraintes de trouver un nouvel habitat dans la zone océanique en expansion.
Walt Meir ne semble pour autant pas fataliste, « Il faudrait des réductions substantielles des niveaux de gaz à effet de serre pour inverser cette tendance et ramener la glace de mer aux niveaux « normaux » des années 1970 et 1980. Mais si cela se produisait, la glace de mer se rétablirait assez rapidement. »