COP27 : « La clé c'est le partage de l’effort. Nous devons passer à une économie qui sort de l’impératif de croissance et qui va vers la sobriété »

Essentielle à la fluidification des négociations entre États sur les questions climatiques, la COP27 pourrait être un tournant dans la lutte pour l'environnement. Cette année, les États ont-ils pris des engagements à la hauteur de l'urgence ?

De Lou Chabani
Publication 25 nov. 2022, 18:36 CET
Cette année, la COP avait lieu à Charm el-Cheikh du 6 au 20 novembre. Elle s'est ...

Cette année, la COP avait lieu à Charm el-Cheikh du 6 au 20 novembre. Elle s'est conclue sur un bilan mitigé.

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Dans l’agenda de la lutte climatique, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques est sans aucun doute l’échéance la plus importante. Arrivée à sa 27e édition, cette conférence rassemble chaque année l’ensemble des pays pour organiser la lutte pour le climat.

Ce rendez-vous annuel, organisé à la suite des accords de Copenhague en 1992, permet la négociation des mesures à venir concernant les efforts climatiques internationaux. Des enjeux cruciaux y sont décidés, tout en devant prendre en compte des États aux moyens très différents.

Cette année, les États se sont accordé sur une décision cruciale, réclamé depuis trente ans par les pays du Sud. cet accord est celui de la création d'un fonds monétaire pour aider les pays les plus vulnérables face à la crise climatique. En garantissant la protection et l’accompagnement de ces pays, le fonds « pertes et dommages » permet le développement d’une collaboration économique concrète entre nations. Cet accord historique reconnaît la responsabilité des pays développés dans l’impact du réchauffement climatique, et les engage à payer des conséquences : une première depuis le début des négociations.

 « C’est un passage à une approche systémique. […] C’est très important parce que les impacts du réchauffement climatique touchent historiquement les pays les moins émetteurs et les plus économiquement vulnérables », explique Clément Sénéchal, chargé de campagne pour Greenpeace. « C’est une question de justice climatique absolument fondamentale qui pourrait débloquer, ou en tout cas, fluidifier les négociations internationales. »

« Les modalités concrètes de ce fonds ne sont pas encore définies, à savoir quels sont les pays contributeurs et qui sont les bénéficiaires », souligne Guillaume Compain d’OXFAM France. « Ce qui est sûr néanmoins […], c’est qu’il s’agira de transferts financiers des pays les plus riches vers les pays qui en auront besoin. »

Selon OXFAM France, plusieurs mentions restent cependant à préciser d’ici la COP28, qui constitue la date butoir de mise en place du système de dédommagement climatique. Le focus sera cependant placé sur les pays les plus vulnérables au changement climatique, tels que les îles du Pacifique, dont l’intégrité territoriale est menacée par la montée des océans.

« Il reste également à définir si tous les pays auront accès à ce fonds de la même manière, ou si certains pays seront prioritaires », ajoute Guillaume Compain.

De Paris à Pittsburgh, lutte pour le climat

En se basant sur le traité de Copenhague, les pays développés devaient verser un minimum annuel de 96 milliards d'euros (100 milliards de dollars) aux pays en voie de développement.

Interrogé sur les origines de l’argent, le chargé de campagne d’OXFAM explique une absence de clarté dans les termes. Néanmoins, la présence de plusieurs sous-entendus, notamment dans le discours du secrétaire général de l’ONU, encourage à taxer les industriels.

« Les batailles à venir seront sur les modalités de fonctionnement de ce fonds », ajoute Clément Sénéchal. « Il y a également eu, à cette COP, toute la question de la taxation des superprofits des industries fossiles, puisqu’elles sont directement responsables du changement climatique. »

Ces financements pourraient ensuite être utilisés à des fins multiples, adaptées aux besoins de chaque pays. Dans le cas des Îles du Pacifique, dont l’existence même est menacée, ils pourraient ainsi être employés à la construction de structures de protection, aussi bien artificielles que naturelles.

« Pour ces pays, [il s’agirait] d’un certain nombre d’aménagements : par exemple des écosystèmes comme des mangroves, qui permettent d’absorber des gaz à effet de serre, mais qui atténuent aussi l’impact de la montée des eaux et des typhons », explique Guillaume Compain.

Cependant, malgré cette avancée très encourageante, l’OXFAM et Greenpeace s’inquiètent des petites lignes du contrat.

Estimées à plusieurs centaines de milliards de dollars, les sommes nécessaires aux pays vulnérables doivent absolument, selon les ONG, être transmises sous forme de dons. Il serait en effet impossible pour les pays les plus vulnérables, qui sont lourdement endettés par les dégâts déjà engendrés par les catastrophes naturelles, de bénéficier de l’aide si un remboursement était attendu.

Un autre problème majeur : si les accords de Copenhague se basent sur un versement d'environ 95 milliards d'euros (100 milliards de dollars) par an, les derniers rapports estiment les sommes nécessaires à plus d’un millier de milliards, une somme astronomique qu'OXFAM estime pourtant atteignable.

« Pendant la pandémie, les États ont su débloquer des sommes considérables pour soutenir leurs économies et développer des réponses médicales », rappelle Guillaume Compain. « Si on commençait à taxer davantage les profits des industriels du pétrole et du gaz, on pourrait s’approcher d’une possibilité de financement. »

Cette photographie aérienne, prise au-dessus du Pakistan le 5 septembre 2022, révèle des zones résidentielles inondées après de fortes pluies de mousson dans la province du Baloutchistan qui ont emporté des maisons, des entreprises, des routes et des ponts. Près d'un tiers du Pakistan est sous les eaux après des mois de pluies de mousson record. Au moins 1 300 personnes ont été tuées.

PHOTOGRAPHIE DE Fida HUSSAIN, AFP, Getty Images

 

IL Y A COP ET COP

Si la COP pour le climat est la plus connue du grand public, elle n’est pourtant pas la seule Conférence des Parties (COP) existante. En effet, une COP est avant tout l’organe suprême de décision de toutes les conventions internationales.

« Chaque accord international institut une COP, qui est l’organe politique plénier qui rassemble l’ensemble des États-partis, et dont l’objectif est de définir un cadre et une structure aux différentes mesures », explique Julien Dellaux, professeur de Droit international au Muséum d’Histoire naturelle de Paris.

En plus de l’assemblée annuelle des délégations, des organes subsidiaires officiels sont également créés. Dans le cas de la COP climat, ils sont notamment chargés du suivi scientifique, de la mise en œuvre et de l’administratif.

« Ce sont les organes qui se réunissent au moins deux fois par an et finalisent les projets de décisions, juste avant ou pendant la COP. Les textes sont ensuite confiés à des groupes de rédaction chargés d’atteindre un consensus, puis transmis à l’assemblée plénière qui les votent », précise M. Dellaux. « Il faut comprendre que rien n’est négocié directement dans les [réunions] plénières. Avec presque 194 États-partis, on aurait une impossibilité de consensus. »

Les négociations et rédactions sont des évènements fermés, réservés à des délégations réduites aux officiels de la COP. Si certaines négociations sont parfois ouvertes à des observateurs, ces derniers n’ont le droit ni de parole, ni d’intervention.

Ces observateurs peuvent être des scientifiques étrangers au conseil de la COP, des ONG ou des lobbies industriels.

« En tant qu’ONG, notre rôle était avant tout de préparer de l’expertise en amont, de faire des rencontres de plaidoyer avec l’exécutif et les délégations interministérielles, pour faire valoir nos demandes et assister aux négociations ouvertes », décrit Clément Sénéchal, présent à la COP27 durant la première semaine. « Les secrétariats organisent également des discussions informelles auxquelles la société civile peut se joindre. »

La société civile rassemblant aussi bien les lobbyistes que les associations écologiques, il est important pour les ONG d’être présentes en nombre pendant ces rencontres. En effet, selon Clément Sénéchal, bien qu’il ne s’agisse pas de négociations en tant que telles, ces discussions remontent ensuite aux délégations et influencent fortement le travail de l’ONU.

En plus de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, d’autres COP écologiques tout aussi importantes ont également eu lieu en 2022.

Tout juste achevée, la 19e édition de la Conférence des Parties à la Convention de Washington (CITES) a légiféré sur la protection des espèces les plus menacées par le trafic et le braconnage.

Plus tard cette année, la Conférence des Nations Unies sur la Biodiversité tentera d’établir un cadre clair à la protection de la biodiversité : une échéance primordiale pour les ONG, ainsi que pour les artisans des accords de Paris adoptés lors de la COP21.

Malgré une absence de traités de sortie des énergies fossiles, l'étau semble commencer à se resserrer autour de l'industrie pétrolière. Afin de financer les accords de protection des pays les plus vulnérables et les frais de la transition écologique, la taxation des superprofits pourrait être envisageable.

PHOTOGRAPHIE DE Marc Bruxelle RF / Alamy Stock Photo

 

ET MAINTENANT, ON VA OÙ ?

Si l’accord sur les pertes et dommages est une avancée extrêmement importante pour la lutte climatique, les ONG regrettent l’absence d’engagement concret de sortie des énergies fossiles.

« Cela fait trente ans que la convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique existe, et nous n’avons toujours pas d’accord international de sortie des énergies fossiles », déplore Clément Sénéchal.

Derrière cette absence de traité, d'après Greenpeace, se trouve un piétinement des négociations et des accords qui conservent des termes vagues, ignorant la cause centrale du problème. Le consensus sera d’autant plus difficile à atteindre lors de la COP28, cette dernière étant censée se dérouler à Dubaï.

« Le secrétariat de chaque COP ayant beaucoup de pouvoir sur les négociations, on peut être assez sceptiques », confie le chargé de campagne de Greenpeace. « On pourra sûrement s’attendre à de nombreux lobbyistes accrédités et à une présidence qui fera de l’obstruction sur ces discussions. »

Autre point noir de la conférence : le peu d’intérêt des accords à la préservation de la biodiversité. Indispensable à la lutte climatique et au maintien du scénario des 1,5 °C, la protection du vivant se discutera à présent lors de la Conférence des Nations Unies sur la Biodiversité. Cette dernière se déroulera à Montréal du 7 au 19 décembre 2022. Les ONG attendent de cette conférence des actions fortes.

« Nous attendons un cadre ambitieux, avec des objectifs précis, ainsi qu’un calendrier », affirme Clément Sénéchal. « La question de la biodiversité est essentielle : on ne pourra pas tenir l'objectif des 1,5°C sans une politique de protection forte des écosystèmes comme les forêts et les océans. »

Pour expliquer ce manque de définition claire, Greenpeace pointe du doigt les lobbies de l’agriculture industrielle, une déclaration qui se recoupe avec les rapports de protection d’écosystèmes emblématiques tels que la forêt amazonienne, dont la majeure partie de la déforestation est effectuée par les agriculteurs.

Face à ces lacunes plus qu’inquiétantes, les ONG refusent cependant de perdre espoir et soulignent le poids grandissant du pouvoir citoyen.

Elles appellent également les gouvernements à faire preuve de logique, plutôt que de se reposer sur les populations les plus vulnérables.

« Pour nous, la clé c'est le partage de l’effort. Nous devons passer à une économie qui sort de l’impératif de croissance et qui va vers la sobriété », affirme Clément Sénéchal. « Mais la sobriété doit surtout commencer par demander plus aux plus riches. »

Julien Dellaux pointe à son tour l'importance politique des COP. Si leur nature même les empêche d’imposer des consignes strictes sans compromettre la souveraineté des États, les cadres qui y sont instaurés permettent de mettre en place des actions efficaces, notamment sur le plan juridique.

« On commence à voir une juridictionnalisation des contentieux climatiques, qui vient en complément de ce cadre international », explique-t-il. « Ce cadre forme la structure nécessaire pour […] permettre ce genre de démarches à échelle nationale, et forcer les États et les entreprises à respecter leurs engagements » conclut l'expert.

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