La couleur des océans évolue avec le changement climatique
Le turquoise des eaux peu profondes et le vert émeraude des côtes évoluent rapidement à mesure que la planète se réchauffe.
Selon une nouvelle étude publiée dans la revue Nature, au cours du siècle prochain, les bleus et les verts des océans devraient s’intensifier.
En analysant vingt ans de données satellitaires, les auteurs de l'étude ont constaté que plus de la moitié des océans du monde, soit 56 %, ont vu leur couleur changer. La cause ? Des changements dans la densité et la répartition du plancton. Ces minuscules organismes contiennent de la chlorophylle, le pigment vert vif qui aide les plantes à se nourrir à partir de la lumière du soleil.
L'étude récente montre des changements subtils de couleurs et confirme un pronostic similaire qui avait été établi par une étude de Nature Communications. Celle-ci, publiée en 2019, modélisait la manière dont le phytoplancton se transformerait à mesure que les océans continueraient à se réchauffer. Elle prédisait des changements significatifs d'ici 2100 si le réchauffement climatique se poursuivait au même rythme.
Selon cette étude, dans le cas où l’humanité continuerait à émettre autant de gaz à effet de serre, les zones subtropicales les plus bleues de l'océan deviendraient plus bleues encore et les zones les plus vertes le long de l'équateur et des pôles deviendraient toujours plus vertes.
D’après les auteurs de l'étude de 2019, plus qu'un phénomène simplement étrange, ces variations de couleurs annonceraient des changements globaux drastiques qui se produiraient à cause du réchauffement climatique.
QU’EST-CE QUI DONNE À L’OCÉAN SA COULEUR ?
La lumière du soleil pénètre à plus de 182 mètres sous la surface de l'océan. Tout ce qui se trouve plus profondément est plongé dans l'obscurité. Au-dessus, la plupart des molécules d'eau sont capables d'absorber toutes les couleurs à l'exception du bleu, ce qui explique pourquoi cette couleur-là est réfléchie.
La matière organique qui recouvre la surface de l'océan, comme le phytoplancton, modifie cette couleur. À mesure que l'océan se réchauffe, les courants deviennent plus irréguliers et les couches d'eau plus stratifiées, ce qui signifie que les zones chaudes ne se mélangent pas aussi facilement avec les froides.
Il existe des milliers d'espèces de phytoplancton, qui se sont adaptées de manière unique aux eaux chaudes ou froides. À mesure que les océans se réchaufferont, quelques espèces disparaîtront, certaines prospéreront et d'autres migreront.
La seule observation de la chlorophylle ne permet toutefois pas aux scientifiques de savoir de quelle façon le réchauffement climatique transforme le phytoplancton. Des phénomènes climatiques comme El Niño et La Niña peuvent avoir une influence sur la concentration de phytoplancton dans une zone donnée.
Stephanie Dutkiewicz, autrice des deux articles et écologue marine au Massachusetts Institute of Technology, déclarait en 2019 que les modèles utilisés pour prédire les futurs changements de couleur prennent en compte les cycles de vie et les mouvements du phytoplancton dans les schémas naturels des océans.
L'étude de 2023 a révélé qu'un grand nombre des changements prédits se sont déjà produits. À l'aide d’appareils de mesure de l'intensité lumineuse embarqués à bord de satellites de la NASA, les scientifiques ont observé que plus de la moitié de la planète couverte par les océans présentait déjà un changement mesurable des longueurs d'onde bleues et vertes, une approximation de la quantité de chlorophylle dans une région donnée.
QUE SIGNIFIENT CES CHANGEMENTS DE COULEUR ?
Il est trop tôt pour dire avec certitude quel sera l'effet de ces changements de couleurs sur l'environnement. Selon un communiqué de presse du National Oceanography Center au Royaume-Uni qui a soutenu l'étude 2023, les scientifiques pensent néanmoins que, à l’avenir, du plancton de plus petite taille pourrait être présent en masse dans davantage d'écosystèmes.
L'océan a absorbé environ un tiers des émissions mondiales de carbone, et la flore marine, comme le kelp, un ensemble d'espèces d'algues brunes de longue taille, les herbiers marins, des regroupements de plantes à fleurs, et d’autres algues, joue un rôle essentiel en aidant à extraire ce carbone de l'atmosphère.
Or, si les algues étaient plus petites, il serait alors plus difficile de lutter contre le changement climatique.
« Le phytoplancton est à la base du réseau alimentaire marin. Tout ce qui se trouve dans l'océan a besoin du phytoplancton pour exister », indiquait Stephanie Dutkiewicz à National Geographic en 2019. « L'impact se fera sentir tout le long de la chaîne alimentaire ».
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.