Le changement climatique favorise la propagation des espèces marines venimeuses

Avec le réchauffement des océans, des créatures venimeuses, des serpents de mers aux méduses en passant par les poissons-lions, pourraient arriver sur nos côtes.

De Joshua Rapp Learn
Les méduses-boîtes ont été accusées d'être responsables de l'augmentation des décès et des interdictions de baignade ...
Les méduses-boîtes ont été accusées d'être responsables de l'augmentation des décès et des interdictions de baignade sur les plages.
PHOTOGRAPHIE DE Thomas P Peschak, National Geographic Creative

À cause du changement climatique, les Hommes risquent de devoir faire face à une augmentation du nombre de morsures et piqûres infligées par des espèces venimeuses. C'est ce que révèle une nouvelle étude, publiée en même temps qu'un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui met en garde contre les répercussions négatives provoquées par le réchauffement climatique, qui arrivent plus vite que prévu.

Une nouvelle analyse de grande envergure portant sur les animaux aquatiques venimeux révèle que la présence de ces espèces dangereuses pourrait devenir plus courante et plus étendue. À cause de la hausse des températures dans les océans, des espèces telles que le poisson-lion, le serpent de mer, l'acanthaster pourpre et de nombreuses méduses venimeuses pourraient remonter ou descendre vers les pôles.

« Ces espèces nous intéressent car elles sont venimeuses, mais aussi parce qu'elles reflètent les tendances que nous constatons, à savoir un changement des aires de répartition et un déclin ou une augmentation des populations. Cela a des répercussions sur l'équilibre que nous devrions normalement voir dans l'écosystème », indique Isabelle Neylan, doctorante en sciences marines de l'Université de Californie et co-auteur de l'étude récemment publiée dans la revue Wilderness and Environment Medicine.

Avec les autres auteurs de l'étude, elle a passé au peigne fin des travaux de recherche écologiques, environnementaux et médicaux qui traitaient des effets du changement climatique sur les espèces venimeuses, ainsi que différentes études de modélisation et des données d'un centre antipoison. L'étude, publiée le mois dernier, constitue en réalité la seconde partie de leur recherche : la première, publiée plus tôt cette année, traitait des conséquences que le changement climatique pouvait avoir sur les créatures terrestres venimeuses.

Selon Isabelle Neylan, la population de la plupart des espèces n'augmentera pas forcément. Toutefois, comme les eaux proches de l'Équateur deviendront trop chaudes, l'aire de répartition des espèces se déplacera vers le nord ou le sud, en fonction des températures recherchées par les animaux. Mais toutes les espèces ne connaîtront pas le même sort : certaines ne pourront pas s'adapter à ces déplacements d'aires de répartition.

« Le point le plus important à retenir, c'est qu'il n'y a pas forcément de tendance », souligne Isabelle Neylan, qui a mené ces études alors qu'elle était technicienne de recherche à l'Université de la Caroline du Nord. Selon elle, chaque espèce pourrait faire face à des défis uniques en terme de répartition ou de population.

 

CES ESPÈCES QUI PROFITENT DÉJÀ DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Les méduses sont l'une des espèces qui a le plus de chances de voir son aire de répartition et sa population augmenter avec le réchauffement des eaux et l'acidification des océans. Cela concerne notamment les méduses irukandji et les méduses-boîtes, des espèces mortelles tenues pour responsables de l'augmentation des décès chez les baigneurs en Australie. Avec le réchauffement climatique, ces deux espèces pourraient descendre vers le sud, vers des zones encore plus peuplées.

« Les méduses-boîtes sont très venimeuses. Il s'agit certainement de l'animal le plus venimeux au monde par rapport à son poids », précise Timothy Erickson, physicien au Brigham and Women’s Hospital de l'Université d'Harvard et co-auteur de l'étude.

Dans les eaux plus chaudes, la reproduction de ces créatures augmente, indique Jennifer Purcell, associée de recherche de l'Université Western Washington qui a étudié la propagation des méduses mais n'a pas pris part à l'étude.

« Cela concerne la majorité des espèces de méduses, et non pas quelques-unes », précise-t-elle.

Si elle convient que les méduses peuvent devenir problématiques à cause du changement climatique, elle souligne toutefois que d'autres facteurs peuvent jouer un rôle dans la propagation de ces espèces. Elle cite notamment l'Homme, qui relâche ou déplace les méduses volontairement ou par inadvertance.

« La méduse est peut-être leur argument le plus solide, mais j'ai peur qu'ils choisissent quelques espèces dangereuses pour tenter de rendre les résultats de l'étude plus inquiétants qu'ils ne le sont », confie-t-elle.

Relâchés par leurs propriétaires, les poissons-lions ont d'abord fait leur apparition en Floride, avant de remonter la côte Atlantique, atteignant les littoraux de la Géorgie ainsi que de la Caroline du Sud et du Nord. Ces poissons, dont la chair est apparemment très bonne, peuvent décimer des populations de petits poissons et de créatures marines. Leur piqûre est très douloureuse pour les humains qui croisent leur chemin.

L'aire de répartition traditionnelle des acanthasters pourpres se trouvait dans les eaux indo-pacifiques. Mais, en raison de la hausse des températures au large de l'Australie, l'espèce a commencé à s'installer plus au Sud, dans la Grande Barrière de corail. Ces étoiles de mer venimeuses et voraces peuvent dévorer des récifs coralliens entiers. Attention à ne pas marcher sur ces étoiles de mers accidentellement en nageant ou en pratiquant d'autres activités nautiques : leurs épines infligent une piqûre douloureuse qui peut provoquer inflammation et infection.

D'autres espèces de poissons ont aussi été aperçues dans de nouvelles zones, à l'instar du poisson porc-épic. Toutefois, comme le soulignent les auteurs de l'étude, les données manquent sur la façon dont le changement climatique affecte l'aire de répartition et l'abondance d'un des poissons avec lesquels l'Homme à le plus de démêlés : les raies pastenagues. Ils appellent donc à plus de recherches relatives à l'étendue et les effets de l'évolution des tendances climatiques sur les raies pastenagues, les poissons-pierres et les pieuvres à anneaux bleus, dans le but de comprendre les problèmes potentiels que ces espèces pourraient poser à l'avenir.

 

UN CHANGEMENT CLIMATIQUE À DOUBLE TRANCHANT

Le changement climatique ne va pas bénéficier à toutes les espèces aquatiques venimeuses. Alors que des serpents de mers ont été vus hors de leur aire de répartition traditionnelle ou que leur population augmente en Corée du Sud, en Californie et à Hawaï, les scientifiques rapportent que le nombre de certains serpents parmi les plus venimeux au monde, sur terre ou dans l'eau, est en baisse.

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    Les grenouilles venimeuse pourraient être les plus touchées, en raison de leur sensibilité aux changements de température. Et il ne s'agit pas d'une simple baisse de la population. Isabelle Neylan souligne que certaines espèces sont menacées d'extinction à cause du changement climatique, mais aussi de maladies, comme la chytridiomycose, qui se propage grâce au réchauffement climatique.

    « De façon générale, la diversité des espèces est en baisse et ce n'est pas une bonne nouvelle », annonce Isabelle Neylan, avant d'ajouter que lorsque des espèces comme les poissons-lions s'installent dans de nouvelles aires de répartition où ils ont peu voire pas de prédateurs, leur présence peut avoir un impact négatif sur l'écosystème.

    « Tout changement au sein d'un écosystème a des répercussions », avertit-elle.

     

    DES SERVICES DE SOINS NON-PRÉPARÉS

    Timothy Erickson souligne qu'avec l'arrivée d'espèces venimeuses dans de nouvelles zones, les hôpitaux et les centres de soin ne sauront peut-être pas faire face à l'afflux de victimes potentielles mordues ou piquées par ces animaux.

    Ceci pourrait provoquer une augmentation des coûts des soins de santé. « Certaines antidotes sont très chères », déclare Timothy Erickson. Il ajoute que ce sont certainement les pays les plus pauvres qui seront les plus affectés par cela.

    Le co-auteur de l'étude déclare que, dans la mesure du possible, les hôpitaux devront trouver une meilleure façon d'obtenir les antidotes qu'ils n'ont pas. Il est aussi nécessaire de mieux informer le public quant aux gestes à effectuer immédiatement en cas de piqûres, comme appliquer du vinaigre sur une piqûre de méduse ou de l'eau chaude pour celles infligées par les raies pastenagues et les poissons-lions.

    Si l'on en croit les chercheurs, à l'avenir, le problème ne fera que s'aggraver puisque de plus en plus de citoyens vont habiter dans les régions côtières. D'ici la fin du siècle, 50 % de la population mondiale vivra à moins de 95 km des côtes.

    « Il y aura de plus en plus de baigneurs », confirme Jennifer Purcell.

    « Nous faisons partie de notre environnement et de notre écosystème. Les changements nous affectent et nous modifions ce qu'il se passe dans notre écosystème » conclut Isabelle Neylan.

     

    Cet article a initialement paru sur le site internet nationalgeographic.com en langue anglaise.

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