L'exoplanète K2-18b abrite-t-elle réellement la vie ?
Nous avons demandé à dix experts ce qu'ils pensaient de la récente détection d'une biosignature dans l'atmosphère d'une lointaine planète, la mystérieuse K2-18b.

Cette illustration fondée sur les données du télescope spatial James Webb nous montre ce à quoi pourrait ressembler l'exoplanète K2-18b. Avec une masse avoisinant les 8,6 masses terrestres, K2-18b orbite l'étoile naine K2-18 dans la zone habitable et se situe à 120 années-lumière de la Terre. D'après une nouvelle étude, son atmosphère pourrait contenir une molécule appelée sulfure de diméthyle.
En 2020, une équipe de scientifiques annonçait la détection de signes de vie sur Vénus : les traces d'un gaz nauséabond appelé phosphine et produit par des microbes sur Terre. La déclaration avait rapidement été contestée et fait encore objet de controverse plusieurs années plus tard. À présent, un autre gaz malodorant relance le débat sur la vie extraterrestre, cette fois en dehors de notre système solaire.
Le 16 avril 2025, des chercheurs ont annoncé avoir utilisé les données du télescope spatial James Webb (JWST) pour détecter un gaz appelé sulfure de diméthyle dans l'atmosphère d'une exoplanète baptisée K2-18b, qui orbite dans la zone habitable de sa lointaine étoile. Sur terre, le DMS est essentiellement produit par le phytoplancton microscopique. Sur d'autres planètes, les traces de ce gaz pourraient constituer ce que les scientifiques appellent une biosignature, un signe de vie.
La nouvelle a rapidement été présentée comme le « plus grand signe d'activité biologique en dehors du système solaire » par l'université de Cambridge, où travaillent plusieurs chercheurs impliqués dans la détection. Certains médias n'ont pas hésité à proclamer le DMS comme probable signe de vie. Cependant, les scientifiques qui n'ont pas pris part à la découverte mesurent leur enthousiasme.
« Je suis plutôt sceptique et j'aurais aimé que la couverture médiatique reflète un peu mieux le scepticisme de la communauté astronomique et astrobiologique », commente par e-mail l'astrobiologiste Joshua Krissansen-Totton de l'université de Washington.
Pour Clara Sousa-Silva, astrochimiste au Bard College impliquée dans la détection malheureuse de la biosignature vénusienne en 2020, la situation n'est que trop familière. « Nous n'avons pas retenu la leçon de la phosphine sur Vénus », déplore-t-elle.
National Geographic a contacté dix experts indépendants pour savoir que penser de cette nouvelle annonce. Tous ne sont pas cités ci-dessous, mais leurs points de vue sont représentés. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une découverte fascinante, peut-être même d'une étape majeure sur le chemin qui mènera un jour à la détection d'une forme de vie extraterrestre. Un jour, oui. S'il fallait le préciser, nous ne venons pas de découvrir des extraterrestres.
Voici l'état actuel des connaissances sur K2-18b et ses éventuelles traces de DMS.
QUE REVENDIQUENT LES CHERCHEURS ?
Si vous suivez l'actualité des exoplanètes, vous avez peut-être ressenti une impression de déjà vu. En 2023, la même équipe de recherche dirigée par l'astrophysicien Nikku Madhusudhan de l'université de Cambridge avait publié des observations du télescope spatial James Webb suggérant la présence de DMS sur K2-18b.
En s'appuyant sur les mêmes données, les chercheurs ont également conclu que K2-18b était un type de planète habitable appelé planète « hycéan ». Madhusudhan et ses collègues ont inventé le terme en 2021 pour décrire un groupe hypothétique de planètes plus grandes que la Terre, plus petites que Neptune, principalement composées d'eau et enveloppées dans un épais voile d'hydrogène et d'hélium. Dans les conditions adéquates, ces planètes pourraient avoir un océan de surface tempéré pouvant accueillir la vie.
La détection de 2023 avait raté de peu les exigences statistiques de rigueur en astronomie. La nouvelle étude, publiée dans la revue Astrophysical Journal Letters, dresse un suivi à l'aide d'un instrument de JWST sensible à des longueurs d'onde différentes de celles exploitées dans la première étude.
Si la précédente détection de DMS peinait à convaincre, la dernière apparaît autrement plus solide. D'après Madhusudhan et ses collègues, la signification statistique de la nouvelle détection de DMS (ou d'une molécule similaire appelée diméthyldisulfure, DMDS) serait de « trois sigmas ». En d'autres termes, la probabilité que la détection de DMS soit uniquement le fruit du hasard est inférieure à 0,3 %, ce qui est nettement plus convaincant que la détection antérieure, mais reste tout de même en deçà du seuil de cinq sigmas habituellement fixé pour la signification statistique.
« En tenant compte de nos connaissances sur cette planète, l'hypothèse du monde hycéan doté d'un océan abritant la vie est le scénario qui correspond le mieux aux données nous disposons », déclare Madhusudhan dans le communiqué de presse de Cambridge.
Y A-T-IL VRAIMENT DU SULFURE DE DIMÉTHYLE ?
D'autres scientifiques se montrent moins optimistes. Certains vont même jusqu'à remettre en question la présence de DMS, ou de DMDS.
« C'est très intéressant, une belle démonstration des capacités du JWST », déclare Laura Kreidberg, astronome au Max Planck Institute for Astronomy, en Allemagne, dans un mémo vocal. « Par contre, je n'irai pas jusqu'à parier ma maison sur cette conclusion. »
Les scientifiques peuvent utiliser le télescope spatial James Webb pour identifier des gaz dans l'atmosphère des exoplanètes via la détection de leur signature chimique dans la lumière qui a traversé ladite atmosphère. Ces signatures chimiques apparaissent sous la forme de pics dans les courbes représentant l'intensité de la lumière en fonction de la longueur d'onde. Dans la nouvelle étude, les chercheurs ont comparé leurs observations aux signatures de vingt molécules. C'est « plus que ce que font habituellement les astronomes, mais ils arrivent rarement aux mêmes conclusions », déclare Sousa-Silva. Par ailleurs, la plupart de ces molécules ne présentent aucune similarité structurelle avec le DMS et le DMDS, ajoute-t-elle, ce n'était donc pas exactement un panel ciblé de potentiels faux positifs.
Un autre chercheur, l'astronome Ryan MacDonald de l'université du Michigan, est même allé plus loin en qualifiant l'annonce des trois sigmas de « piratage statistique » sur la plateforme Bluesky.
Kreidberg se montre quant à lui plus indulgent. « Je pense que l'équipe a fait du très bon travail, en restant prudente avec les données. En tant qu'acteur du domaine, je peux vous assurer que c'est juste très difficile. »
K2-18B EST-ELLE SEULEMENT HABITABLE ?
Même si K2-18b orbite dans la zone habitable de son étoile, ce n'est pas une seconde Terre. À 2,6 fois le rayon et 8,6 fois la masse de notre chère planète, il s'agit là d'un monde extraterrestre bien mystérieux, un monde qui pourrait même ne pas être habitable.
Récemment, une équipe indépendante a réanalysé les observations de K2-18b exploitées en 2023 par l'équipe de Cambridge et elle n'a identifié aucune trace de DMS ou de dioxyde de carbone, un coup dur pour l'hypothèse de la planète hycéan, qui suggère une abondance de dioxyde de carbone. D'après une étude antérieure, K2-18b serait même très probablement une boule de gaz inhospitalière sans surface d'aucune sorte. Une autre équipe envisage même une alternative encore plus hostile : la présence d'un océan, oui, mais de magma.
Madhusudhan précise que l'analyse indiquant une absence de dioxyde de carbone sur K2-18b n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation par les pairs. « Il y a des questions en suspens, mais l'habitabilité n'est pas exclue, » déclare-t-il. « Les preuves de la présence de CO2 sont bel et bien là. »
Même si K2-18b est une planète hycéan, cela ne signifie pas qu'elle est habitable. En l'absence de couche nuageuse réfléchissante, l'océan de la planète serait en ébullition sous cette couverture d'hydrogène. Voilà le destin probable de tout océan qui existerait à la surface de K2-18b, du moins selon une étude publiée la semaine dernière.
« L'explication la plus simple pour cette planète est une atmosphère de géante gazeuse très épaisse, sans surface habitable », indique Nick Wogan, planétologue de l'Ames Research Center de la NASA. « L'hypothèse d'une K2-18b habitable (ou habitée) présente tellement d'obstacles. »
SI DMS IL Y A, EST-IL VRAIMENT D'ORIGINE BIOLOGIQUE ?
Admettons que les scientifiques confirment l'identification du DMS, et que K2-18b soit bien une planète hycéan habitable, il faudra tout de même attendre encore un peu avant de sabrer le champagne en l'honneur des extraterrestres.
Tant que les scientifiques n'ont pas exclu l'éventualité d'une origine abiotique, qui n'implique pas d'êtres vivants, pour le DMS ou le DMDS, ces gaz ne pourront pas être considérés comme de véritables biosignatures pour K2-18b. Comme le soulignaient l'astrobiologiste Harrison Smith, de l'Earth-Life Science Institute au Japon, et son collègue Cole Mahis, de l'université d'État d'Arizona, dans un essai publié en 2023, la chasse aux faux positifs est très difficile pour les exoplanètes.
« Au moins, Vénus était une planète que nous connaissons. Nous savons à quoi elle ressemble », reprend Sousa-Silva. Sans connaissance sur la géochimie ou l'atmosphère de K2-18b, les scientifiques ne peuvent pas exclure la possibilité que la source du DMS soit une chimie extraterrestre, et non une vie extraterrestre.
Nous savons déjà que la nature peut produire du DMS sans la vie. L'année dernière, la chimiste Nora Hänni de l'université de Bern et ses collègues ont découvert du DMS sur la comète 67P, ce qui n'est pas exactement un monde habitable. D'autres chercheurs ont trouvé la molécule dans l'espace interstellaire. L'année dernière, la chimiste Eleanor Browne de l'université d'État du Colorado, à Boulder, et ses collègues ont démontré que le DMS pouvait être produit dans des réactions chimiques alimentées par la lumière lors d'expériences menées en laboratoires sur des atmosphères synthétiques.
« Il n'y a aucune raison de penser que la vie est l'unique origine du DMS », assure Mathis. « En toute honnêteté, je ne vois vraiment pas où est le débat : pourquoi pensent-ils que cela pourrait être un signe de vie, alors que nous avons connaissance de sources abiotiques. »
Les auteurs de l'étude reconnaissent certaines de ces lacunes. Madhusudhan indique que ni les comètes ni la matière interstellaire ne sont des sources plausibles des fortes concentrations de DMS et de DMDS détectées par son équipe. Cependant, la découverte de DMS est inattendue, les environnements morts nous montrent que nous avons encore beaucoup à apprendre sur sa formation.
ADMETTRE L'INCERTITUDE
D'autres incertitudes hantent la détection. Nous ne savons pas comment la vie a vu le jour sur Terre, nous ne pouvons donc pas savoir si les conditions sur K2-18b auraient pu donner naissance à la vie en premier lieu, même en admettant que ces conditions soient favorables pour les terriens. Si la vie s'était effectivement développée là-bas, qui peut dire qu'elle produirait du DMS ? Et si elle produit du DMS, pourquoi les scientifiques n'ont-ils pas détecté d'autres biosignatures de gaz ?
Quoi qu'il en soit, malgré les nombreuses, très nombreuses imperfections, la plupart des chercheurs avec lesquels nous nous sommes entretenus reconnaissent qu'il y a motif à célébrer cette nouvelle étude de K2-18b. « C'est vraiment un exploit. Il y a trente ans, nous n'avions même pas conscience de l'existence des exoplanètes. »
Philosophe des sciences à l'université de Durham, en Angleterre, où il étudie les annonces de détection de la vie, Peter Vickers était plutôt sceptique au départ. « Ensuite, plus je m'y intéressais, plus je me disais que c'était une découverte majeure et qu'il ne fallait en aucun cas la sous-estimer », témoigne-t-il.
De son côté, Madhusudhan est convaincu que la prudence et l'enthousiasme ne sont pas mutuellement exclusifs. Même le plus infime des signes de vie extraterrestre est un « exploit transformationnel », assure-t-il. Néanmoins, entre ce point et une véritable déclaration de détection de vie extraterrestre, il y a encore du chemin. « Il faut accepter les deux : la prouesse et la prudence. »
Si tant est que nous y parvenions un jour, la découverte de la vie en dehors de notre système solaire ne se produira pas d'un seul coup. Nous glisserons doucement vers la certitude, entraînés par des découvertes comme celle-ci qui sont autant d'invitations à pousser plus loin les recherches pour multiplier les trouvailles. Il s'agit là sans aucun doute d'une invitation à examiner K2-18b d'un peu plus près. Si nous trouvons la vie sur cette planète, l'une des premières potentiellement habitables que nous avons inspectées, nous devrons supposer que la vie est commune dans l'univers ; car si elle était rare, la probabilité de simplement tomber sur la bonne planète serait astronomiquement faible.
« Nous en sommes encore à poser des questions, mais ce sont des questions qu'il est formidable de poser », conclut l'astrobiologiste Michael Wong de la Carnegie Institution de Washington. « Quelle chance de vivre cette époque ! »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
