Voici à quoi ressemblaient les toutes premières étoiles de notre Univers
La naissance des premières étoiles marque le commencement d’une séquence à l’origine de tous ce qui peuple l’Univers. Aujourd’hui, les scientifiques utilisent des simulations pour étudier ces premières étapes critiques, inaccessibles aux télescopes.
Cette simulation informatique représente un nuage primordial enveloppé dans un cocon de gaz. Il s’agit de l’une des premières régions de formation stellaire, apparue 100 millions d’années seulement après le Big Bang et, par conséquent, inaccessible aux télescopes. Au cœur de la nébuleuse, les molécules d’hydrogène refroidissent le gaz, ce qui lui permet de s’effondrer. C’est dans ce nuage froid que prennent forme de futures étoiles.
Les premières étoiles n’avaient rien à voir avec les étoiles relativement froides et pérennes qui peuplent majoritairement l’Univers aujourd’hui. À l’époque, il y a plus de 13 milliards et demi d’années, la quasi-totalité de la matière visible dans l’Univers était composée d’hydrogène et d’un peu d’hélium.
En l’absence d’éléments plus lourds, les premières étoiles (une fois qu’elles ont commencé à émettre leur propre rayonnement par fusion nucléaire) ont dilapidé leurs réserves d’hydrogène avant d’exploser en supernova. Ces mastodontes on atteint des centaines de fois la masse du Soleil et n’ont vécu que quelques millions d’années. À titre de comparaison, notre étoile, âgée d’environ 4,6 milliards d’années, n’en est qu’à la moitié de sa vie.
Les astronomes n’ont pourtant jamais observé ces premières étoiles. Elles sont apparues à la fin d’une période appelée « âges sombres cosmiques », lors de laquelle l’Univers baignait dans un épais gaz d’hydrogène. La lumière de ces étoiles n’est pas assez brillante pour être détectée individuellement, même par les télescopes les plus puissants. Pour apercevoir le cœur de ces monstres cosmiques, les scientifiques se tournent vers des simulations par superordinateur, à l’image de cette récente reproduction d’un nuage moléculaire (le lieu de formation des étoiles) de l’Univers primordial.
« Ce qui est génial pour nous, c’est que nous connaissons la physique et les équations du comportement de la matière et du fonctionnement de la gravité », explique Tom Abel, astrophysicien informaticien à l’Institut Kavli d’astrophysique des particules et de cosmologie (KIPAC) de Stanford, qui a réalisé la simulation avec le développeur de logiciels Ralf Kaehler, aussi membre du KIPAC. « Cela donne un cadre dans lequel réfléchir à la manière dont une chose a pu se transformer en une autre. »
Ce processus de transformation, au cours duquel des éléments légers ont fusionné en métaux plus lourds au sein des étoiles, a guidé l’évolution de l’Univers. Tout ce qui est plus lourd que l’hélium est considéré comme un « métal » en astronomie. Ces nouveaux éléments ont été générés pour la première fois lorsque les premières étoiles ont explosé en supernova et ont ainsi dispersé leur contenu dans le cosmos.
Bien que le télescope James Webb ne puisse pas voir les toutes premières étoiles, il a capturé des images stupéfiantes d’étoiles plus proches de la Terre en train de se former. Une étoile en cours de formation souffle de la matière sous la forme d’un sablier. On observe des couches de gaz et de poussière en forme de bulles s’élever en volutes depuis la protoétoile, qui se trouve à environ 460 années-lumière. Les zones orange, teintées par la poussière, contrastent avec les zones bleues moins obscurcies.
Au bout d’un moment, des assemblages d’étoiles se sont mis à tourbillonner pour former les premières galaxies, y compris les premières structures de la Voie lactée. Les métaux se sont accumulés et de nouvelles générations d’étoiles se sont formées à partir de ces éléments plus lourds, nombre d’entre elles étant devenues plus petites, plus froides et capables de vivre plus longtemps. Autour de certaines de ces étoiles, la poussière restante (un matériau produit lors des supernovæ) s’est agglutinée pour former les premières planètes.
La naissance des premières étoiles marque le commencement d’une séquence à l’origine de tous les mondes et êtres vivants de l’Univers. Aujourd’hui, les scientifiques ont recours à des simulations pour étudier ces premières étapes de formation critiques, invisibles aux yeux des télescopes
LES COUCHES D’UN NUAGE COSMIQUE
Grâce aux progrès de la physique et de l’informatique, les scientifiques peuvent simuler l’Univers avec une précision grandissante. Inspiré par le lancement du télescope spatial James Webb, qui a rapidement commencé à découvrir certaines des galaxies les plus anciennes jamais observées, Abel a pendant des mois procédé à de nouvelles simulations de l’Univers primordial avec une résolution presque mille fois supérieure à ce qui se faisait il y a plus de 20 ans, lorsqu’il a commencé à travailler sur des modèles informatiques cosmologiques.
Cela permet d’expérimenter, explique Abel. « Si je modifie très légèrement ceci, que se passe-t-il ? À force, on peut se faire une idée du fonctionnement de l’Univers et de la façon dont les choses se sont mises en place. »
Pour que les premières étoiles « s’allument », il fallait que le gaz s’accumule dans des poches suffisamment denses pour forcer les atomes d’hydrogène à fusionner et former de l’hélium, libérant ainsi de la chaleur et de l’énergie. Ce phénomène s’est produit grâce aux forces gravitationnelles d’une main invisible : la matière noire. Avant que les premières étoiles ne prennent vie, cette matière invisible, dont les astronomes estiment qu’elle représente environ 85 % de toute la matière de l’Univers, s’est agglutinée dans des structures appelées halos de matière noire.
Ces immenses orbes, nommés ainsi en raison de la manière dont la matière noire entoure la matière visible et crée des anneaux de noirceur autour de la lumière, constituent l’échafaudage de l’Univers. Au centre de ces halos, des poches agitées de gaz ont été poussées vers l’intérieur, allumant les feux qui allaient mettre fin aux âges sombres du cosmos.
Selon Abel, l’un des avantages de ces simulations est de donner à comprendre comment la physique fondamentale de l’hydrogène, le plus petit et léger élément qui existe, a dicté la formation des étoiles géantes qui allaient transformer l’Univers.
Du temps des âges sombres, la plupart de ces atomes se présentaient sous la forme d’hydrogène neutre, c’est-à-dire d’atomes individuels volant librement dans l’espace. Au centre des grands halos de matière noire, où s’est accumulée une grande partie de cet hydrogène neutre, les températures ont augmenté et il est arrivé que des atomes individuels soient entrés en collision et se soient collés les uns aux autres, formant des molécules composées de deux atomes d’hydrogène.
À partir de là, les choses ont commencé à changer. Comme le montre la simulation de Stanford, un nuage d’une largeur d’environ mille années-lumière s’est formé, et des molécules d’hydrogène s’y sont accumulées. Les couches extérieures de ce nuage ont commencé à refroidir, car les molécules d’hydrogène nouvellement formées libéraient occasionnellement des photons de lumière, évacuant ainsi de l’énergie et de la chaleur. À mesure que baissait la température, le gaz soumis à la gravité a ralenti et la matière qui se trouvait derrière lui s’est accumulée, ce qui a provoqué des ondes de choc dans le nuage.
Le télescope James Webb a pénétré dans les nuages de la nébuleuse de la Tarentule pour y photographier des milliers de jeunes étoiles, y compris des étoiles enveloppées de poussière cosmique située à environ 170 000 années-lumière, qui n’avaient encore jamais été observées.
« Il y a tellement de structures là-dedans », raconte Abel à propos des différentes couches de la simulation d’un nuage moléculaire. « C’est très amusant. »
Au cœur de la nébuleuse, d’autres couches sont chauffées ou refroidies, ce qui provoque des collisions plus turbulentes. Les processus de refroidissement réduisent également la pression du gaz vers l’extérieur, principal élément à lutter contre la gravité. Inexorablement, le nuage s’effondre petit à petit vers l’intérieur.
« Ce qui va se passer, c’est qu’un objet d’une masse d’environ 10 fois supérieure à celle de Jupiter va se former et s’accréter très rapidement », explique Abel.
Les scientifiques ne connaissent pas les dimensions exactes qu’ont pu prendre ces premières étoiles à mesure que du gaz s’y accumulait, mais ils les soupçonnent d’avoir atteint des centaines de fois la masse du Soleil.
LA SURALIMENTATION DE L’UNIVERS
L’énergie intense libérée par les premières étoiles a non seulement dispersé des métaux lors des supernovæ, mais aussi soumis le cosmos à un rayonnement ultraviolet. Ce rayonnement a dépouillé les atomes d’hydrogène neutres de leurs électrons et a rendu le gaz plus transparent, un moment clé de l’histoire cosmique connu sous le nom de réionisation.
De jeunes étoiles jaillissent de cocons de gaz et de poussière dans cette image prise par le télescope James Webb du complexe nuageux Rho Ophiuchi, la région de formation d’étoiles la plus proche de la Terre. On y trouve environ 50 jeunes étoiles, dont beaucoup ont une masse similaire à celle du Soleil. Une étoile plus grande, dans la moitié inférieure de l’image, se fraie un chemin dans les nuages épais.
Même si nous ne trouverons peut-être jamais la toute première étoile à avoir brillé dans les abysses, notre capacité à simuler le cosmos nous donne une représentation de plus en plus nette de ce qu’a dû être cette période clé. Ces simulations pourraient également révéler en partie le futur de l’Univers.
« On peut étudier la toute première chose que personne n’a jamais vue, déclare Abel, comme étudier la toute dernière chose que l’on pourrait jamais voir. »
Les étoiles ne vivent pas éternellement. Avec un niveau de détail sans précédent, le télescope James Webb a observé la célèbre nébuleuse de l’Anneau, une étoile en fin de vie. Formée d’une étoile qui se débarrasse de ses couches externes à mesure qu’elle arrive à court de carburant, elle est relativement proche de la Terre, à une distance d’environ 2 500 années-lumière.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.