Il y a presque 50 ans, la Terre a envoyé son premier message dans l'espace

Le message d'Arecibo, le premier message radio à destination d'une potentielle civilisation extraterrestre, a été envoyé 16 novembre 1974 vers le Grand Amas d'Hercule, situé à 22 000 années-lumière de la Terre.

De Nadia Drake
Publication 9 août 2023, 11:09 CEST
Le premier message de la Terre à destination de potentielles civilisations extraterrestres a été envoyé vers ...

Le premier message de la Terre à destination de potentielles civilisations extraterrestres a été envoyé vers l'amas globulaire M13.

PHOTOGRAPHIE DE Hubble

Il y a 49 ans, le 16 novembre 1974, la Terre a envoyé son tout premier message vers les étoiles.

Le message a quitté notre planète depuis Porto Rico et, depuis lors, traverse notre galaxie à la vitesse de la lumière. Dans environ 22 000 ans, il entrera en collision avec sa destination finale, un amas de plus de 300 000 étoiles.

Contrairement aux signaux radio qui s’échappaient déjà de la Terre depuis la fin des années 1930, ce message radio était la première transmission volontaire à l’intention d’une civilisation extraterrestre. Destiné à être déchiffré par des formes de vie extraterrestre, le message contenait des informations essentielles sur l’espèce qui l’avait envoyé.

« Le message informait ceux qui le recevaient que nous existions, et leur décrivait un peu comment nous étions », se souvenait en 2014 mon père Frank Drake, qui avait la responsabilité d’élaborer et d’envoyer ce signal, aujourd’hui connu sous le nom de message d’Arecibo. « Il était aussi pour nous-mêmes, car il nous montrait ce dont une civilisation intelligente était capable pour entrer en contact avec d’autres civilisations. »

Mon père n’a eu qu’un mois pour rédiger ce message historique. C’était en 1974, et le radiotélescope géant de l’observatoire d’Arecibo venait de bénéficier d’une importante transformation. Envoyé dans l’espace par le puissant émetteur de 1 mégawatt de l’observatoire, le message devait achever une cérémonie célébrant l’achèvement des améliorations apportées à l’équipement. Cette mission était cependant secrète ; seuls les organisateurs de la cérémonie savaient à l’avance ce qui allait se passer, et ils prévoyaient une transmission d’une durée d’environ 3 minutes.

Le signal devait donc être relativement simple.

 

QUEL LANGAGE UTILISER ?

Heureusement, à cette époque, mon père réfléchissait déjà depuis longtemps au langage qu’il pouvait utiliser s’il devait entrer en contact avec des extraterrestres. L’envoi d’un message à d’autres mondes, bien que simple en principe, devient d’une complexité presque insurmontable lorsque le moment de la rédaction arrive. En plus de savoir ce qu’il fallait dire, il fallait également déterminer comment le dire.

Il ne pouvait pas utiliser n’importe quelle langue. Les chances qu’une civilisation extraterrestre comprenne la phrase « Bonjour, nous vivons sur Terre et nous venons en paix » étaient infiniment faibles, tout comme nos chances de comprendre « Vie minut johtajanne luo » sont presque nulles si nous ne parlons pas le finnois, par exemple. Les nombres, les équations, ou encore les mesures de distance, bien que plus concrets, sont eux aussi écrits à l’aide de symboles arbitraires et spécifiques à l’espèce humaine.

La question était donc la suivante : comment composer une missive afin de lui donner les meilleures chances d’être universellement comprise ?

« Depuis le premier jour, j’ai pensé que les images étaient un outil efficace », m’avait expliqué mon père. « Envoyer des photos, c’est facile. Nous le faisons tout le temps, avec d’excellents résultats. »

 

UN MESSAGE EN NOIR ET BLANC

Il a alors entrepris d’établir une grille et a dessiné des formes et des symboles rudimentaires en remplissant des cases. Avec une transmission de 3 minutes à raison de 10 bits d’information par seconde, mon père pouvait donc utiliser un maximum de 1 800 cases.

Le message d'Arecibo, envoyé en noir et blanc, est ici colorisé afin de mieux distinguer les ...

Le message d'Arecibo, envoyé en noir et blanc, est ici colorisé afin de mieux distinguer les différentes sections.

PHOTOGRAPHIE DE Hubble

En utilisant ces cases, il a dessiné une représentation de l’ADN en double hélice, enroulée autour du nombre « 3 milliards » écrit en code binaire, correspondant au nombre approximatif de nucléotides du génome humain. En dessous, il a représenté un humain vu de face, et a indiqué les nombres « 14 » d’un côté et « 4 milliards » de l’autre, le premier correspondant à la taille moyenne d’un être humain en unités de 12,6 centimètres (la longueur d’onde radio utilisée pour envoyer le message), et le deuxième à la population humaine de la Terre dans les années 1970.

S’est ensuite ajoutée une carte du système solaire, qui incluait Pluton, encore considérée comme une planète classique à l’époque. La Terre est décalée par rapport à ses voisines, et se rapproche de l’illustration de l’être humain afin de signaler qu’il s’agit de notre planète d’origine. Enfin, mon père a intégré une représentation du radiotélescope d’Arecibo, et a précisé sa taille en unités de longueurs d’onde radio pour indiquer le niveau de technologie utilisé pour l’envoi du message.

La grille devait ensuite être traduite en code binaire, dans lequel des 0 et des 1 indiquaient les cases pleines et les cases vides (cases noires = 1, cases blanches = 0). Pour le décoder, les destinataires devraient trouver une manière d’organiser cette chaîne de chiffres en une grille aux dimensions correctes, reconnaître que la grille contenait des symboles, puis déchiffrer la signification de ces derniers. Le message final contenait 1 679 bits, 1 679 étant le produit des nombres premiers 23 et 73, ce qui offre un indice sur la méthode à utiliser pour disposer la grille.

 

UN TEST EFFICACE

Pour tester son message, mon père a décidé de l’envoyer à Carl Sagan, qui n’avait pas participé à sa rédaction et ne connaissait donc pas son contenu. Il voulait voir si son ami et collègue serait capable de comprendre son contenu.

« Et surtout, je voulais m’assurer qu’il n’y trouverait pas des éléments qui constitueraient des décryptages tout aussi plausibles, mais erronés, et qui seraient donc trompeurs et donneraient une image inexacte de notre civilisation. »

Carl a presque tout compris, et rapidement. La partie concernant la chimie, en revanche, lui a échappé. Mon père a donc décidé de la transmettre à des biochimistes, qui l’ont comprise presque immédiatement. « Nous reconnaissons les éléments qui relèvent de notre domaine d'expertise. »

 

LE GRAND AMAS D’HERCULE

Le temps était alors venu de choisir une destination.

Situé dans un gouffre, le radiotélescope d’Arecibo est quelque peu limité dans sa capacité à se diriger. Le message devait donc être adressé à un endroit situé approximativement au-dessus d’Arecibo à 13 heures le 16 novembre 1974, date de la cérémonie.

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    Le cœur de M13, le Grand Amas d'Hercule.

    PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne, Hubble, NASA

    En parcourant les cartes stellaires, mon père a trouvé une cible intéressante : l’amas globulaire M13, le Grand Amas d’Hercule. Avec plus de 300 000 étoiles, et probablement au moins autant de planètes, M13 constituait le parfait destinateur et son cœur s’inscrivait entièrement dans le faisceau du télescope. Si un récepteur similaire à celui d’Arecibo se trouvait sur l’un des mondes de l’amas, il ne devrait pas avoir de mal à détecter le message. Bien que certains spécialistes aient estimé que l’amas se déplacerait d’ici à l’arrivée du message dans plus de 22 000 ans, causant sa perte, selon mon père, ces inquiétudes ne sont pas fondées : « Il se sera un peu déplacé, mais seulement sur une fraction de la largeur du faisceau de transmission. »

     

    LE 16 NOVEMBRE 1974

    À 13 heures, comme prévu, l’émetteur d’Arecibo s’est mis en marche. Pendant quelques instants, une douce tonalité a envahi les rochers et les vallées de la jungle environnante.

    Arecibo s’est ensuite mis à émettre une série de sons alternés. « On aurait dit le chant d’un oiseau », m’a raconté mon père. Pendant près de 3 minutes, les 1 679 bits d’information se sont envoyés dans l’espace, transportant ce message de la Terre vers les êtres qui pourraient vivre dans ce Grand Amas d’Hercule.

    « Lorsque nous avons envoyé le dernier caractère, qu’il s’est arrêté et que nous sommes revenus à cette tonalité régulière, tout le monde pleurait. Nous étions en train d’entendre le son qui était émis lorsque nous entrions en contact avec un autre monde. Le son symbolisait la capacité des êtres humains à accomplir quelque chose de merveilleux, et qui impliquait le cosmos tout entier. »

    Une autre surprise était toutefois à venir. Sans le vouloir, mon père avait intégré une autre dimension au code du message. Ainsi, lorsque l’émetteur a commencé à envoyer ces tonalités alternées, l’un des ingénieurs de la salle de contrôle a reconnu une partie d’un code en Morse. Dans les premières notes de la tonalité se cachait la plus simple des salutations : « Bonjour. »

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    Cet article a initialement paru en 2014 sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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