Des volcans seraient encore actifs sur Vénus

Une nouvelle analyse des images enregistrées il y a 33 ans par la sonde spatiale Magellan de la NASA semble indiquer que des volcans seraient bel et bien actifs sur Vénus, la planète sœur de la Terre.

De Robin George Andrews
Publication 26 oct. 2024, 14:14 CEST
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Simulation représentant le volcan Maat Mons, qui se situe sur la surface de Vénus, créée à partir de données prises par la sonde spatiale Magellan de la NASA.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL

Cela fait un demi-siècle que les scientifiques rêvent d’observer des éruptions volcaniques sur Vénus.

Malgré les épais nuages toxiques qui nous empêchent de voir sa surface, de précédentes missions ont révélé que la planète était recouverte de caractéristiques volcaniques. Grâce à des images enregistrées il y a plus de trente ans, les scientifiques semblent désormais avoir atteint leur objectif : selon leurs interprétations, les clichés montreraient un cratère changer de forme, se dilater et déborder de roches en fusion.

« Je suis persuadé qu’il s’agit de l’éruption d’un lac de lave », affirme Robert Herrick, planétologue à l’Université d’Alaska Fairbanks, co-auteur de la nouvelle étude publiée ce mercredi dans la revue Science.

Ce sont des images radar prises par la sonde spatiale Magellan de la NASA en 1991 qui ont permis à Herrick de repérer le phénomène sur le flanc du colossal volcan Maat Mons avec l’un de ses collègues.

« C’est l’une des preuves les plus convaincantes que nous ayons vues à ce jour », se réjouit Stephen Kane, astrophysicien spécialiste des planètes à l’Université de Californie, à Riverside, qui n’était pas impliqué dans les travaux.

COMPRENDRE : La formation de l'univers

La communauté scientifique a été stupéfaite à la vue de ces résultats. Bien que les experts s’attendaient à trouver des volcans en éruption sur Vénus, ils ne pensaient pas que cette découverte aurait lieu avant l’arrivée, au début des années 2030, de deux engins spatiaux VERITAS de la NASA, et EnVision de l’Agence spatiale européenne, tous deux dotés de systèmes radar de pointe capables de voir à travers les nuages.

Vénus ressemble beaucoup à la Terre par sa taille et sa composition, mais ses réserves d’eau autrefois considérables (qui prenaient peut-être la forme d’océans) ont été vaporisées il y a fort longtemps à la suite d’un cataclysme, dont les causes restent mystérieuses ; selon la principale théorie, des éruptions apocalyptiques auraient déclenché un changement climatique incontrôlé. S’ils parviennent à comprendre le volcanisme de Vénus, les scientifiques pourraient en apprendre davantage sur les destins divergents de la Terre et de cette planète brûlante, souvent qualifiées de sœurs.

Dans notre Univers, seul un monde atteignable fait la même la taille que la Terre. Si nous souhaitons le comprendre, nous devons absolument nous concentrer sur Vénus, soulève Paul Byrne, planétologue à l’Université Washington de Saint-Louis, qui n’était pas impliqué dans la nouvelle étude.

 

UNE DESTINATION INFERNALE

En raison de son atmosphère opaque, la surface de Vénus n’est pas visible depuis la Terre. Seule une poignée d’engins spatiaux sont parvenus à capturer un aperçu du paysage, soit après avoir la tête la première dans les nuages pour succomber à la chaleur extrême (qui dépasse les 400 °C) après seulement une heure ou deux sur la surface, soit en se plaçant en orbite autour de la planète et en tentant de voir à travers les nuages à l’aide de technologies avancées, telles que le radar.

Au début des années 1980, une flotte de vaisseaux spatiaux soviétiques a révélé que Vénus était presque entièrement recouverte de structures volcaniques, dont certaines étaient semblables à celles que nous avons sur Terre, et d’autres nettement différentes. C’est dans l’espoir de cartographier les caractéristiques de la planète avec un niveau de détail sans précédent que la sonde Magellan de la NASA, équipée d’un radar, a été envoyée en 1990.

Les scientifiques espéraient repérer des signes d’activité volcanique en effectuant des tours autour de la planète afin d’examiner plusieurs fois les mêmes endroits, et de comparer les observations. La situation ne s’est toutefois pas passée comme prévu. En raison de la faible résolution du radar, pour pouvoir apparaître sur les images, les changements physiques devaient être assez importants. De plus, l’orbite de Magellan ayant également commencé à se détériorer dès le début de la mission, la surface cartographiée par la sonde autour de la planète était de plus en plus restreinte à chaque nouveau passage, et donc plus difficile à comparer.

Malgré ces difficultés, 43 % de la planète a pu être cartographiée au moins deux fois. La comparaison de plusieurs images d’un même volcan pour détecter des changements s’est cependant avérée problématique, car bien souvent, l’angle des clichés différait d’une orbite à l’autre.

Pendant les trente années d’analyses qui ont suivi la mission, personne n’est parvenu à identifier un volcan en éruption sur les images.

 

LA PREUVE ENFIN TROUVÉE ?

Les scientifiques ont trouvé de nombreuses preuves indirectes d’un volcanisme actif sur Vénus, telles que des pics de gaz atmosphériques liés à des éruptions, des taches minérales particulièrement récentes, et des caractéristiques inhabituelles sur des coronæ, structures circulaires colossales, qui impliquent la présence d’un brassage magmatique sous-jacent.

Une preuve directe était toutefois nécessaire pour confirmer la théorie : les images d’un volcan en éruption ou d’une rivière de roche en fusion en plein écoulement, par exemple, pourraient faire l’affaire. Celles-ci semblaient cependant tout bonnement insaisissables pour les scientifiques.

En 2021, les missions EnVision et VERITAS ont été sélectionnées pour s’envoler vers Vénus, et sont ainsi devenues la meilleure chance des scientifiques d’enfin observer des volcans actifs sur la planète. Mais Herrick ne pouvait pas attendre.

« Dès que j’avais une heure de libre ici ou là, je commençais à regarder » les anciennes données de Magellan. Il alignait manuellement les images des volcans de Vénus, à la recherche de toute anomalie.

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    Au cours d’une séance de recherche, Herrick a procédé à un examen approfondi du Maat Mons. Baptisé ainsi en référence à la déesse égyptienne de la vérité et de la justice, il s’agit du plus haut volcan de la planète ; et quelque chose a changé entre février et octobre 1991. De la matière semble avoir inondé un cratère ouvert, qui a vu sa superficie passer de 2 à 3,8 kilomètres carrés, et un flot de matière semble s’être écoulé le long de la pente.

    Herrick, convaincu de détenir la preuve qu’il attendait, est allé annoncer sa découverte à son co-auteur, Scott Hensely, du Jet Propulsion Laboratory de la NASA. Ce dernier a confirmé l’idée de Herrick : quelque chose de volcanique avait bien eu lieu.

    La substance qui a rempli le cratère pourrait s’avérer être un simple débris rocheux provenant d’un glissement de terrain, et il est également possible que l’élément ressemblant à un écoulement soit déjà présent sur les clichés de février, mais qu’il ne soit pas visible en raison de l’angle des images.

    Le scénario le plus probable est cependant le suivant : en 1991, une énorme éruption de lave aurait rempli le cratère en expansion, et une partie de cette lave aurait débordé pour se déverser sur le bord, ou se serait écoulée à travers une fissure. « Nous pouvons affirmer qu’il a changé de forme », affirme Herrick. Et lorsqu’un volcan change de forme de manière aussi spectaculaire sur Terre, la roche en fusion en est systématiquement la cause première.

     

    À LA RECHERCHE DU RYTHME DE VÉNUS

    Après tant de preuves indirectes, « c’est la première fois que nous observons un changement », affirme Anna Gülcher, planétologue à l’Institut de technologie de Californie, qui n’était pas impliquée dans les travaux.

    « Je pense que ce qu’ils ont vu est bien réel », ajoute Paul Byrne. Selon lui, la transformation du cratère pourrait toutefois être due à des mouvements souterrains, tels que des déplacements violents de magma, plutôt qu’à une éruption.

    Les scientifiques espèrent répondre à une question fondamentale. « Quel est le rythme volcanique quotidien de la planète ? » demande Byrne.

    Les volcans de la Terre et de Io, la lune de Jupiter, entrent très souvent en éruption. Ceux de Mars peuvent le feraient une fois toutes les quelques millions d’années. Qu’en est-il de Vénus ?

    La découverte vient suggérer que le volcanisme serait bien actif sur la planète, comme sur Terre. Les lancements de VERITAS et EnVision devraient éclaircir ces doutes, mais d’ici là, cette étude encouragera les scientifiques à consulter les archives de Magellan dans l’espoir de trouver un autre volcan vénusien en éruption.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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