La NASA s'apprête à explorer Psyché, un astéroïde métallique

Une théorie particulièrement séduisante suggère que cet astéroïde serait le cœur à vif d'un presque monde, le noyau métallique d'une planète qui n'a jamais vu le jour.

De Robin George Andrews
Publication 12 oct. 2023, 10:21 CEST
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Lorsque la sonde Psyché de la NASA atteindra sa cible, l'astéroïde du même nom, elle découvrira un mystérieux monde de métal où les paysages ne ressemblent à aucun autre.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL-Caltech, Arizona State Univ., Space Systems Loral, Peter Rubin

Quelque part dans la ceinture d'astéroïdes se cache un monde infusé de métal, un monde où les cratères et les falaises sont en alliage de fer. Personne ne sait à quoi ressemble cet astéroïde baptisé Psyché, qui n'est pour le moment rien de plus qu'un point de lumière sur les images d'un télescope. Et si ce point de lumière n’était pas qu'un simple amas de roche et de métal ? Il pourrait nous offrir une vaste palette de reliefs extraterrestres, un paysage où les torrents gelés de lave jaunâtre serpentent au pied de lianes métalliques qui chatouillent les étoiles.

Du côté des scientifiques, on aimerait que Psyché soit « une véritable curiosité », témoigne Henry Stone du Jet Propulsion Laboratory de la NASA, le chef de projet de la nouvelle mission à destination de l'astéroïde.

Cette mission, dont le nom de code n'est autre que Psyché, devrait quitter le centre spatial Kennedy de la NASA en Floride le 12 octobre à bord d'un lanceur Falcon Heavy mis au point par SpaceX. La sonde entamera alors une odyssée herculéenne à travers le système solaire jusqu'en 2029, date à laquelle elle devrait intercepter l'énigmatique astéroïde de métal.

La sonde Psyché dans une salle blanche du Jet Propulsion Laboratory de la NASA à Pasadena, en Californie, le 18 août 2021.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL-Caltech

« Nous ne savons pas ce que nous allons découvrir » admet Paul Byrne, planétologue au sein de l'université Washington à Saint-Louis. « Qui sait ce que nous allons voir une fois sur place ? »

Dirigée par l'université d'État de l'Arizona et le Jet Propulsion Laboratory de la NASA, la mission marquera la toute première exploration d'un astéroïde de type M par l'humanité, une opération qui devrait aider les scientifiques à comprendre la furieuse genèse de notre système solaire. Pour le moment, tout ce que nous savons de l'astéroïde Psyché, c'est qu'il existe.

« Mon plus grand souhait est que Psyché nous surprenne totalement » indique Lindy Elkins-Tanton, investigatrice principale de la mission et planétologue rattachée à l'université d'État de l'Arizona.

 

REBELLES DE LA CEINTURE

Trois types d'astéroïdes majeurs évoluent dans la ceinture qui s'étale entre Mars et Jupiter : le type S, pour les astéroïdes silicatés ; le type C, pour les astéroïdes carbonés ; et enfin le type M, pour les astéroïdes métalliques. Seuls 8 % des astéroïdes de la ceinture sont de type M, ce qui en fait des objets rares, intrigants et à ce jour inexplorés.

Avec ses 200 km de diamètre, Psyché a été découvert en 1852 par l'astronome italien Annibale de Gasparis qui lui a donné le nom de la déesse grecque de l'âme. Il y a quelques dizaines d'années, les scientifiques ont estimé à partir de sa luminosité qu'il s'agissait d'un astéroïde de type M, un objet riche en fer avec un soupçon de nickel.

« Lorsque l'astéroïde est balayé de faisceaux radar, ceux-ci reviennent avec force comme s'ils avaient rebondi sur un miroir métallique et pas sur une roche moelleuse » illustre Jim Bell, investigateur principal adjoint de la mission Psyché et planétologue à l'université d'État de l'Arizona. Par ailleurs, l'observation de légères variations dans l'orbite de Psyché et dans celle des astéroïdes voisins suggère que l'objet serait extrêmement dense, peut-être même entièrement constitué de métal comme le pensaient initialement les scientifiques.

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    Cette illustration représente l'astéroïde Psyché, dont le diamètre avoisine les 200 km et qui évolue dans la ceinture d'astéroïdes entre Mars et Jupiter.

    ILLUSTRATION DE Peter Rubin, NASA, JPL-Caltech, ASU

    Le cas échéant, cela ferait de Psyché un cas à part, même selon les standards des astéroïdes de type M. Il n'en fallait pas plus pour inspirer aux scientifiques une foule de scénarios quant à ses origines.

    Une théorie particulièrement séduisante suggère que l'astéroïde serait le cœur à vif d'un presque monde, le noyau métallique d'une planète qui n'a jamais vu le jour. « À notre connaissance, le meilleur moyen de former un bloc de métal aussi massif est la différenciation d'un corps parent pour former un noyau métallique » déclare Elkins-Tanton, en référence au processus qui intervient lors de la formation des planètes rocheuses, au cours duquel les éléments s'organisent en fonction de leur densité, les plus denses se retrouvant au centre de la sphère.

    Personne n'a jamais vu le noyau d'une planète. Il nous est tout juste possible de l'étudier indirectement à travers les ondes sismiques ou les oscillations d'une planète en orbite autour du Soleil. « On ne peut voir le noyau d'aucun autre corps planétaire. Psyché pourrait nous offrir cette chance et c'est pour cela que l'astéroïde est aussi fascinant » témoigne Brandon Johnson, planétologue de l'université Purdue.

    Pour exposer un noyau de la sorte, la croûte et le manteau du corps parent ont dû être arrachés par un impact cataclysmique. « Si Psyché était l'objet qui a heurté un corps plus imposant, il est possible que la majeure partie de son manteau lui ait été arrachée d'un seul coup » explique Johnson.

    Il est également possible que Psyché se soit formé à faible distance du Soleil, où ses éléments de surface auraient été soufflés comme des confettis, contrairement à son noyau plus résistant. « C'est l'une des raisons pour lesquelles la planète Mercure possède un noyau de fer aussi massif » ajoute Bell. Cela dit, si la formation de Psyché a eu lieu dans cette région, comment l'astéroïde a-t-il bien pu se retrouver dans la ceinture au-delà de Mars ?

    Floride, le 25 juillet 2023. À deux pas du centre spatial Kennedy de la NASA, les techniciens de la société Astrotech Space Operations replient l'un des deux panneaux solaires qui équipent la sonde Psyché. 

    PHOTOGRAPHIE DE Kim Shiflett, NASA

    La réponse à cette question est l'une des pièces du puzzle que les scientifiques souhaitent résoudre à l'aide de la mission Psyché : « D'où proviennent les éléments de l'astéroïde ? Et comment a-t-il fini sa course dans la ceinture principale ? » interroge Elkins-Tanton. « Je pense que ce processus se compose en grande partie de choses qui nous sont totalement inconnues, que nous ne pouvons même pas imaginer. »

     

    ASTÉRO-SURPRISE

    D'après les dernières données, Psyché serait constitué d'un mélange de roche et de métal, principalement du fer. Le métal représenterait 30 à 60 % du volume de l'astéroïde qui serait donc moins métallique que le suggéraient les premières estimations, mais pourrait tout de même contenir plus de 50 % de métal.

    « Ce n'est pas le plus dense en réalité » indique Johnson. En revanche, l'intensité avec laquelle il réfléchit les faisceaux radar « indique qu'il aurait le plus de métal en surface. » En dehors de cette nature métallique, nos connaissances au sujet de Psyché relèvent de la spéculation. Même sa forme est inconnue : les scientifiques le comparent souvent à une pomme de terre, car « il en existe de toutes les formes » plaisante Elkins-Tanton.

    Fort heureusement, la sonde Psyché dispose de l'arsenal nécessaire pour découvrir la vérité. Chacun de ces instruments sert un but bien précis : une paire de spectromètres pour décrypter la composition de l'astéroïde ; un magnétomètre pour identifier les traces laissées par un éventuel champ magnétique ; un imageur polyvalent ; et un outil pour étudier le champ gravitationnel qui dissimule des informations sur sa densité.

    Après le lancement, la sonde devra parcourir 3,6 milliards de kilomètres à travers le système solaire et s'aider de l'attraction de Mars en 2026 pour se propulser dans sa dernière ligne droite vers Psyché. L'odyssée équivaut à « 10 000 aller-retour sur la Lune » souligne Stone.

    Le contact avec Psyché est prévu pour l'été 2029, avec une première mise en orbite à bonne distance. « Nous allons le prendre par surprise » explique Elkins-Tanton.

    Une multitude d'orbites plus rapprochées sont également prévues, notamment pour permettre aux instruments de mieux appréhender l'astéroïde, mais aussi parce que « nous devons optimiser la lumière pour les photographies » puisque Psyché tourne sur lui-même « tel un poulet sur une rôtissoire » déclare Elkins-Tanton. Cette approche progressive est nécessaire car l'astéroïde présente une forme étrange et une densité élevée, ce qui devrait se traduire par un « champ gravitationnel tout à fait singulier » précise la planétologue.

    Psyché sur le chemin de la chambre à vide du Jet Propulsion Laboratory de la NASA en 2022. La phase d'essai sous vide thermique est cruciale pour garantir la résistance de la sonde aux conditions extrêmes du lancement et de l'espace.

    PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL-Caltech

    Avec une approche trop ambitieuse et sans planification rigoureuse des futures orbites, la sonde risquerait de s'écraser sur l'astéroïde. « Nous devons établir, à partir de cette première orbite, un modèle gravitationnel succinct de l'objet » nous explique Stone. 

    Au terme des 26 mois de la mission principale et si la NASA l'autorise, la sonde « pourra réduire la distance, orbite après orbite » afin de capturer autant de données haute résolution que possible, jusqu'à l'impact final contre le sol froid et métallique de l'astéroïde.

     

    RELIEFS D'UN AUTRE MONDE

    Au fil de ces orbites rapprochées, le paysage de Psyché va peu à peu se révéler. « Nous allons voir l'astéroïde évoluer du petit point de lumière à on ne sait quoi, » résume Bell. « Nous ne savons vraiment pas ce que nous allons découvrir, » ajoute-t-il. « Ce sera peut-être banal, » une simple masse de gravats piquetée de cratères.

    Le spectacle pourrait aussi être absolument flamboyant. Supposons par exemple que le fer qui recouvre la surface se soit brièvement liquéfié à la suite d'une collision avec une comète, créant ainsi des torrents de métal en fusion qui auraient jailli de l'astéroïde. « En atteignant le vide de l'espace, le liquide se serait subitement solidifié en formant une sorte de couronne, » imagine Bell. « Tout cela est purement hypothétique, mais c'est assez amusant d'y penser. »

    Nous pourrions également découvrir les cicatrices d'une activité volcanique comme il n'en existe pas sur Terre. Il y a bien longtemps, alors que le fer en fusion de Psyché entamait sa phase de refroidissement, les liquides riches en soufre contenus dans cette mixture protoplanétaire se seraient précipités vers la surface, comme l'huile qui refuse de se mélanger à l'eau, donnant ainsi naissance à des éruptions de lave jaunâtre et sulfureuse.

    « Ce sont des traces que j'aimerais beaucoup observer, les preuves d'un volcanisme ancien sur un corps métallique, » déclare Elkins-Tanton. « Je pense que ce serait incroyable. »

    Et si un champ magnétique résiduel est détecté, « ce sera presque la balle de match » pour la théorie de la protoplanète, ajoute Bell.

    Tout comme la Terre de nos jours et Mars autrefois, les planètes rocheuses dont le noyau est parcouru de fluides métalliques possèdent d'immenses champs magnétiques. À en croire sa taille réduite, le noyau liquide de Psyché s'est probablement solidifié il y a bien longtemps. Cependant, la signature d'un champ magnétique puissant inscrite dans sa géologie suggérerait que l'astéroïde possédait jadis un noyau liquide générateur d'énergie magnétique.

     

    PARÉ AU LANCEMENT 

    Avec Lucy, une autre mission à destination d'un astéroïde, Psyché était l'une des deux lauréates désignées par la NASA en 2017 dans le cadre du programme Discovery, une compétition qui permet à l'agence spatiale américaine de sélectionner les missions spatiales robotisées auxquelles elle donnera son feu vert. « Nous avons parié que si nous étions retenus, ce qui était très peu probable, nous irions tous nous faire tatouer » raconte Elkins-Tanton. « Nous sommes donc sept à être tatoués désormais. » Le tatouage d'Elkins-Tanton représente un planétésimal.

    À présent, la sonde est prête à prendre son envol. La mission dispose de plusieurs fenêtres de lancement au mois d'octobre, le jeudi 12 offrant l'alternative la plus proche.

    Le moment venu, l'équipe devra alors endurer l'angoissante vision d'une formidable déflagration qui envoie son émissaire robotique vers les étoiles.

    Pour Bell, qui a déjà travaillé sur plusieurs missions spatiales, cet instant surréaliste ne perd jamais de son intensité. « Vous prenez votre précieux colis et vous l'installez sur une bombe, » illustre-t-il. « À mesure que la fusée prend de la hauteur, vous êtes pris de nausée tout en ayant envie de chanter et de danser. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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