Découverte : cette grotte lunaire pourrait sauver la vie des astronautes du programme Artemis

La surface de la Lune est un environnement hostile pour les humains. Un tunnel de lave récemment découvert dans ses profondeurs pourrait offrir un refuge aux astronautes des prochaines missions d'exploration lunaire.

De Robin George Andrews
Publication 25 juil. 2024, 11:09 CEST

La sonde Lunar Reconnaissance Orbiter de la NASA (représentée ici avec la Terre en arrière-plan) a détecté la première preuve directe de l'existence d'un tunnel de lave sous une mer lunaire connue sous le nom de mer de la Tranquillité, ou Mare Tranquillitatis.

Illustration de Université de Trente, A. Romeo, NASA, JPL-Caltech (Brian Kumanchik, Christian Lopez), Bill Anders

D’ici la fin de la décennie, des astronautes se poseront sur la surface de la Lune pour la première fois depuis les missions Apollo. S’il se déroule comme prévu, le programme Artemis de la NASA devrait établir une présence permanente tout près du pôle Sud riche en eau de notre satellite naturel.

La Lune comptant parmi les environnements les plus extrêmes et les plus hostiles du système solaire, ce projet n’est toutefois pas une mince affaire. L’astre est en effet soumis à de fortes variations de températures, est parfois secoué par d’intenses séismes et est exposé en quasi-permanence à d'importantes quantités de radiations galactiques et stellaires.

« La surface lunaire est hostile aux humains et aux machines », révèle Tracy Gregg, volcanologue planétaire à l’Université de Buffalo.

Bien que la construction de structures artificielles sur la surface lunaire soit prévue pour fournir des refuges aux futurs explorateurs, les scientifiques espéraient découvrir la présence de protections pré-existantes sur la Lune. Leur espoir n'a pas été vain : une nouvelle étude publiée ce mois-ci dans la revue Nature Astronomy fournit la première preuve directe de l’existence de tels abris naturels. En examinant d’anciennes données radar capturées par une sonde en orbite autour de l’astre, des chercheurs ont en effet révélé qu’une étrange crevasse située à proximité du site d’atterrissage d’Apollo 11 n’était en réalité pas une simple crevasse, mais un long tunnel volcanique forgé par une ancienne coulée de lave.

La Terre abrite elle aussi des grottes et tunnels de lave qui ont servi de refuge à nombre de voyageurs humains au cours des 10 000 dernières années. Il est probable que la grotte lunaire récemment mise au jour soit très similaire à ces dernières et, selon les scientifiques, de nombreux passages de ce type pourraient bien serpenter dans les profondeurs de l’astre.

La surface de la Lune est parsemée de gouffres et de dômes comme ceux des collines Marius (représentées dans les trois images ci-dessus sous différentes expositions au Soleil). Les températures à l'intérieur de ces gouffres, qui pourraient mener à des grottes souterraines, sont plus stables qu'à la surface.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, GSFC, ARIZONA STATE UNIVERSITY

Les parois volcaniques primordiales de ces grottes offriront aux géologues un aperçu du passé lointain de la Lune, et pourraient également abriter une source inestimable d’eau glacée, qui peut être convertie en carburant pour les fusées.

Cependant, si ce réseau de grottes existe bel et bien, il pourrait surtout offrir une protection contre des menaces extérieures, telles que les rayonnements solaires et les chutes de micrométéorites, explique Leonardo Carrer, chercheur à l’Université de Trente, en Italie, et co-auteur de la nouvelle étude.

 

LA CHASSE AUX GROTTES DE LAVE

La Lune telle que nous la connaissons aujourd’hui est un désert argenté et silencieux, mais cela n’a pas toujours été le cas. Notre voisine était autrefois un paradis volcanique hyperactif où d’énormes mers de lave se déchaînaient, et depuis lequel de la roche en fusion jaillissait dans l’espace avant de retomber sous forme de larmes vitreuses. La majeure partie de la chaleur interne de la Lune ayant désormais disparu, le volcanisme s’y est éteint, laissant derrière lui toutes sortes d’étranges cicatrices.

Les tunnels de lave, qui isolaient et canalisaient autrefois les rivières de roches incandescentes, en font partie. Les spécialistes débattaient depuis longtemps de la présence de ces anciens tunnels, canaux et grottes de lave froide et cristallisée sur la Lune, notamment dans les mers lunaires, de sombres et vastes plaines formées par d’anciennes coulées volcaniques.

La caméra de la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) de la NASA, qui survole la surface de la Lune, ne peut voir que des crevasses, qui ne mènent pas nécessairement toutes à des grottes étendues. Le LRO est toutefois équipé d’un petit système radar qui, s’il est dirigé sur ces crevasses sous le bon angle, pourrait parvenir à détecter des profondeurs potentiellement plus importantes.

Carrer et ses collègues ont examiné les données radar pré-existantes et se sont concentrés sur une crevasse située dans la mer de la Tranquillité, la plaine de lave solidifiée sur laquelle les astronautes de la mission Apollo 11 se sont posés en 1969. Ces données ont révélé que la crevasse, située à entre 130 et 170 mètres de profondeur, présentait des parois ouvertes et débouchait sur au moins une grotte qui serpente dans les profondeurs de la croûte lunaire.

D’un point de vue scientifique, l’exploration d’un tel passage pourrait permettre de dévoiler de nombreux trésors, de l’histoire du volcanisme lunaire à la composition du mystérieux intérieur de notre satellite. « Les grottes constituent un environnement unique qui préserve l’histoire de la Lune », commente Lorenzo Bruzzone, chercheur à l’Université de Trente et co-auteur de la nouvelle étude.

Le tunnel de lave décrit dans l’étude est le tout premier canal souterrain découvert sur la Lune, et d’innombrables autres pourraient encore être mis au jour. « La Lune abrite probablement des centaines, voire des milliers de grottes sous la forme de tunnels de lave asséchés », selon Gregg, et un jour, l’une d’elles pourrait bien sauver la vie d’un ou d’une astronaute.

 

DES ABRIS INDISPENSABLES

Les abris constituent une priorité absolue dans l’organisation des missions lunaires. « L’objectif est de trouver un habitat naturel sur la Lune où les astronautes pourront passer de longues périodes sans contracter de cancer », explique Paul Byrne, planétologue à l’Université de Washington à Saint-Louis.

De tels abris joueront un rôle particulièrement crucial lors des tempêtes solaires, auxquelles la Lune est très régulièrement exposée. En effet, tandis que l’important champ magnétique et l’épaisse atmosphère de la Terre protègent sa surface, ainsi que tous les êtres vivants qui s’y trouvent, des effets de la plupart des vents solaires, la Lune ne dispose pas de telles défenses, c’est pourquoi sa surface est quasi continuellement bombardée de rayonnements solaires.

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    S’ils ne sont pas protégés, les astronautes pourraient ainsi se retrouver exposés à des doses particulièrement dangereuses, voire mortelles de radiations. « Une tempête solaire pourrait littéralement tuer les personnes présentes sur la surface de la Lune », explique Gregg. « Et les ordinateurs ne réagissent pas non plus très bien aux rayonnements solaires. »

    En outre, ces rayonnements sont absorbés puis réémis par la surface lunaire, ce qui, à long terme, pourrait également nuire aux astronautes. Pour cette raison, « se trouver sur la surface, même lorsque le Soleil n’envoie pas de rayonnements, n’est dans tous les cas pas une bonne idée », affirme Byrne. 

    Les radiations ne constituent pas la seule menace de laquelle les astronautes auraient besoin d’être protégés. À la surface lunaire, la température peut en effet fluctuer de plusieurs centaines de degrés Celsius en fonction de l’exposition ou non à la lumière du Soleil, et ce à une vitesse remarquable. Heureusement, « les grottes lunaires parviennent probablement à maintenir une température plus stable », précise Carrer.

    Les petits météores, qui ne sont pas dangereux pour notre planète, car ils sont incinérés lorsqu’ils rentrent en contact avec son atmosphère, ont des effets bien plus importants sur la Lune, qui ne dispose pas d’un bouclier gazeux comme le nôtre. Sa surface « est continuellement bombardée de micrométéorites, ce qui finit par dégrader tout ce qui est laissé à l’extérieur », décrit Gregg.

    Les grottes de lave pourraient donc jouer le rôle d’espaces de stockage robustes en complément des avant-postes lunaires qui seront établis au fil du temps. « De tels habitats ou zones de stockage déjà présents sous la surface permettraient d’éviter beaucoup de travail supplémentaire », ajoute Gregg.

     

    DES RISQUES PERSISTENT

    Malgré l’espoir qu’elles représentent, ces grottes ne sont toutefois pas une solution miracle. En effet, pour accéder à une grotte située à des centaines de mètres sous la surface, les astronautes devront descendre en rappel, ce qui ne sera pas idéal s’ils doivent fuir rapidement une tempête solaire.

    Par ailleurs, sur le plan structurel, les grottes ne sont peut-être pas toutes suffisamment solides. « Les grottes que nous avons vues jusqu’à présent ne sont visibles que parce que leur toit s’est effondré », explique Gregg. « Je pense que la stabilité des toits constituera un problème majeur. »

    La Lune connaît également des séismes parfois violents, qui peuvent durer des dizaines de minutes. Ces derniers, bien que peu fréquents, pourraient non seulement menacer les avant-postes lunaires, mais aussi déstabiliser les tunnels de lave. « Si un avant-poste est construit dans une grotte, les parois de celle-ci devront être renforcées », suggère Thomas Watters, planétologue au Musée national de l’air et de l’espace à Washington. « Sans renforcement, les parois et le toit de la grotte risqueraient de s’effondrer. »

    Il est important de noter que les agences spatiales se concentrent tout particulièrement le pôle Sud lunaire, qui est riche en ressources, pour y installer les premières stations humaines de longue durée. Il est cependant probable que cette région n’abrite que très peu de tunnels de lave, plus susceptibles d’être découverts dans les mers lunaires, principalement présentes sur la face visible de la Lune.

    Quoi qu’il en soit, après tant d’années de théories, le simple fait de savoir que de telles grottes existent bel et bien apporte un certain réconfort à toutes les personnes qui cherchent des réponses aux nombreux mystères de ce satellite naturel dont le destin est si étroitement lié à celui de la Terre. « L’important, c’est que nous ayons identifié une grotte accessible qui pourrait être la cible d’une future mission robotique », affirme Bruzzone. « Nous nous préparons à être surpris. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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