L'explorateur Paul Salopek a géolocalisé ses (nombreux) contrôles de police

Sur les 17 600 km qu'il a parcourus à ce jour, les autorités ont interrompu l'odyssée de Paul Salopek à 103 reprises.

De Paul Salopek
Publication 29 oct. 2019, 16:50 CET
Peu de temps après le départ de Paul Salopek pour son voyage à travers le monde, ...
Peu de temps après le départ de Paul Salopek pour son voyage à travers le monde, en Éthiopie début 2013, des officiers ont saisi ses chameaux en pensant qu'ils avaient été volés.
PHOTOGRAPHIE DE John Stanmeyer, Nat Geo Image Collection
Le projet Out of Eden Walk de l'écrivain et explorateur National Geographic Paul Salopek est un carnet de voyage dans lequel le journaliste retrace, à pied, le périple des ancêtres de l'Homme à travers le monde. Cet article est le dernier en date, publié depuis l'Inde.

Entreprendre un voyage à pied de plusieurs années à travers le monde, c'est aussi se plier à quelques rituels ancestraux.

À l'instar des pionniers de l'humanité qui ont parcouru les premiers notre planète, je passe le plus clair de mon temps dehors, je mesure mon existence grâce au Soleil, à l'angle qu'il fait avec l'horizon et à sa chaleur capable de donner la vie comme de la reprendre. Je me déplace en fonction des saisons. Les déserts, je les traverse en hiver. Quant aux montagnes, je suis forcé d'attendre le printemps. Deux jalons universels restent primordiaux : l'eau et l'humain. Alors que je retrace, à pied, l'odyssée entreprise par nos ancêtres de l'âge de la pierre dans le cadre du projet Out of Eden Walk, il semblerait que même nos rencontres passées avec d'étranges inconnus, ces premiers contacts méfiants, fassent encore écho aujourd'hui : les contrôles de police.

J'ai commencé à géolocaliser mes rencontres avec les forces de l'ordre dès les tout premiers pas de mon voyage, en Éthiopie, début 2013.

Les contrôles de police subis par Paul Salopek.
PHOTOGRAPHIE DE Paul Salopek

La raison : cartographier les contrôles de police sur un itinéraire planétaire pourrait mettre en lumière, même de façon anecdotique, les significations complexes de l'extranéité de notre époque, une époque pourtant perçue comme un âge d'or des migrations, au cours de laquelle les individus se déplacent plus que jamais, que ce soit par choix ou par contrainte. La destination est importante, cela va de soi. Mais les endroits où nous sommes arrêtés et les raisons de cette interruption sont deux autres aspects essentiels des déplacements humains.

Après mise à jour, notre carte des contrôles de police montre qu'à ce jour, plus de six ans après mon départ pour cette randonnée planétaire, j'ai été arrêté exactement 103 fois par tous les types d'agents de sécurité imaginables. Si l'on ramène ce chiffre aux 17 600 kilomètres que j'ai parcourus jusqu'à présent, on obtient la moyenne d'un contrôle de police tous les 170 km environ. Pas trop mal. Un siècle ou deux en arrière, avant l'avènement du voyage de masse, un étranger comme moi faisant irruption dans le paysage local aurait suscité nettement plus de méfiance. Ma progression aurait certainement été bloquée.

Vous pouvez donc dès maintenant visualiser les derniers points de passage ajoutés à notre carte interactive élaborée par nos partenaires du Center for Geographic Analysis de l'université Harvard.

Les points de repère colorés de la carte représentent les contrôles de police amicaux (en vert), les contrôles plus poussés (en jaune) et ceux qui se sont soldés par une détention plus ou moins longue (en rouge). Cliquez sur l'un de ces points pour afficher une brève description du contrôle et parfois une photo.

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    Lors de mon tout premier contrôle de police dans la vallée aride du Grand Rift d'Afrique, des officiers éthiopiens ont enfermé les deux chameaux qui transportaient mon matériel, A'urta et Suma'atuli, dans une enceinte fortifiée juste à côté d'une prison. Ces représentants de la loi ne faisaient que leur travail, c'était une frontière difficile et ils pensaient que les deux chameaux avaient été volés. En ce qui concerne le dernier contrôle, dans l'est de l'Inde, il a en quelque sorte souligné le triste et inévitable déséquilibre qui existe entre les piétons et les voitures dans le monde motorisé que nous connaissons aujourd'hui. Un officier chargé du contrôle d'un checkpoint routier a demandé à voir mes papiers. Mes compagnons de marche indiens, Siddharth Agarwal et Priyanka Borpujari, ont contesté. Ils avaient remarqué que l'officier ne faisait pas autant de zèle avec les automobilistes. Il nous a souri et nous a laissés passer.

    Cela dit, la campagne indienne est un authentique paradis pour piéton.

    Je ne sortais pas du lot, peut-être en raison de la forte tradition de pèlerinage à pied qui subsiste dans ce vaste pays ou grâce aux millions de marcheurs qui avancent à leur rythme le long des innombrables routes et autoroutes. Mes compagnons indiens et moi-même avons parcouru plus de 5 000 kilomètres à pied à travers le pays et nous n'avons été arrêtés que dix fois. Le pays le plus sensible à ce sujet est l'Ouzbékistan (35 contrôles). Au Kazakhstan, il n'y eu aucun contrôle, ce qui s'explique par la nature sauvage de mon parcours à travers les steppes. Si au cours de ma traversée de ces vastes terres isolées j'avais aperçu un policier à l'horizon, il aurait été le bienvenu.

     

    Cet article a initialement paru sur le site Web National Geographic consacré au projet Out of Eden Walk. Suivez le journaliste Paul Salopek à travers son incroyable voyage à cette adresse

    Paul Salopek a remporté deux prix Pulitzer pour son travail en tant que correspondant à l'étranger pour le Chicago Tribune. Retrouvez-le sur Twitter @paulsalopek.

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