2021, une nouvelle année d'épreuves
Au début, l’optimisme était de mise : 2021 allait être l’année de l’espoir et des vaccins. Mais de violents conflits, une nouvelle vague du virus et de mortels rappels à l’ordre de la crise climatique ont changé la donne.
Importés en Argentine pour les plantations de bois de construction, des espèces de pins non indigènes ont poussé de façon incontrôlable, créant une poudrière environnementale et un système écologiquement fragile dans la région de la Patagonie. Près de la ville d’El Bolsón, un flash illumine les rares arbres de la zone à avoir survécu (maquis, cyprès de la cordillère, hêtres austraux), couverts de cendres. Ici, comme dans d’autres endroits du globe, le changement climatique exacerbe des facteurs propices aux départs de feux de forêt.
Alors qu'il se rendait dans un cimetière de la périphérie de Jakarta, en juillet 2021, le photojournaliste indonésien Muhammad Fadli a réalisé, une fois encore, à quel point il s’était trompé. Pendant quelques semaines, en mars et avril, il s’était convaincu que la vie telle qu’il la connaissait reprenait le dessus: la campagne nationale de vaccination battait son plein, les marchés recommençaient à s’affairer, les centres commerciaux rouvraient.
Hélas ! Ce n’était qu’une accalmie, comme on en voit dans les films d’horreur, un des ces instants de sérénité qui précède le moment où tout va se déchaîner à nouveau. Là, sur l’un des six sites créés pour remédier à la saturation des cimetières liée à la Covid-19, les pelleteuses étaient en train de déblayer la terre, alors que des familles en deuil se recueillaient sur des tombes encore fraîches.
Les corbillards s’arrêtaient à l’entrée du cimetière à quelques minutes d’intervalle pour décharger des morts. Ils arrivaient souvent en même temps et devaient faire la queue en attendant leur tour. En regardant les chauffeurs ouvrir les portes à l’arrière de leurs véhicules, Muhammad Fadli s’est aperçu que beaucoup d’entre eux contenaient plus d’un cercueil : « Certains en transportaient quatre », m’a-t-il ainsi confié au téléphone, début septembre. Alors que nous essayions de nous figurer la scène, chacun de notre côté, un long silence s’est installé.
J’étais chez moi, en Californie, où les cinq comtés du Nord étaient en feu. Un autre incendie s’étendait sur 890 km2 et avançait vers la ville de South Lake Tahoe. Muhammad Fadli était en Indonésie où, pendant l’été, le taux journalier de contamination par le coronavirus avait dépassé celui de l’Inde. «Mon beau-frère, mon beau- père : Covid », me dit-il. « Ma belle-sœur aussi : elle est restée quinze jours à l’hôpital. »
Et... ?
« Ils ont tous survécu. » Parce qu’ils ont eu de la chance et – probablement – parce qu’ils ont pu recevoir les premières doses de vaccin avant de tomber malades. Le variant Delta a ravagé l’Inde et l’Indonésie à mesure qu’il se propageait sur tous les continents ; une dépêche de Jakarta indiquait que, en deux semaines et demie, 114 médecins indonésiens avaient succombé au virus.
Inévitablement, pour Muhammad Fadli, rendre compte de cette année, c’était plonger dans des scènes d’angoisse, de désespoir et de deuil. Mais il a aussi pris des photos dans des lieux où la farouche détermination humaine lui donnait de l’espoir. Une gare routière reconvertie en vaccinodrome, pleine à craquer d’Indonésiens bien décidés à se faire vacciner. Une classe entière d’enfants portant respectueusement masque et cravate ou hidjab, leur institutrice passant entre les bureaux en bois, les bras chargés de manuels. Dissimulé derrière son masque, son sourire se lisait dans ses yeux.
C’est la deuxième fois que National Geographic consacre son numéro de janvier aux impressions des photographes sur l’année écoulée. En janvier 2021, le magazine avait ainsi publié une sorte de condensé visuel du tumulte et de la douleur des douze mois précédents. L’année qui se profilait semblait receler tant de possibles – développement d’un vaccin le plus rapide de l’histoire, programme mondial de vaccination le plus ambitieux de l’histoire, consensus international faisant des soignants et des personnes âgées des priorités sur la liste des mesures à prendre en matière de protection.
Plantés dans le parc au pied du Washington Monument, les petits drapeaux blancs représentaient à la fois un hommage et un symbole de chaque vie fauchée par la Covid-19 aux États- Unis. L’artiste Suzanne Brennan Firstenberg a conçu cette installation pour exprimer l’importance du nombre de morts et la douleur portée par chaque décès – les proches des défunts ornant les drapeaux de photos et des noms des êtres chers. Au cours des trois semaines environ qu’a duré l’installation, les États-Unis passaient la barre des 700 000 morts dues au virus.
Pour de nombreux américains, cette attente d’un répit émotionnel pour l’année 2021 a duré, disons... une semaine. Plus précisément, six jours. Dans la partie de ce numéro intitulée « Conflits », vous pourrez découvrir la photo prise par Mel D. Cole de l’assaut du 6 janvier – c’est ainsi que nous avons maintenant tendance à appeler l’irruption violente dans le Capitole des États- Unis d’une foule protestant contre le résultat des élections de 2020, qui ont obligé Donald J. Trump à quitter la présidence. En passant au crible les milliers de photos des reportages de National Geographic réalisés en 2021, les journalistes ont trouvé les thèmes (et une allitération en c) de cette rétrospective : une autre partie serait consacrée à la Covid-19, une troisième au climat et une dernière à la conservation de l’environnement. Certes, l’apaisement n’est pas vraiment présent dans ces images. Mais elles sont aussi pleines de beauté, de détermination et d’espoir. « Des gens ordinaires essayant d’aider les autres », aime à dire Muhammad Fadli.
L’homme masqué et en combinaison surplombant une vallée verte et boisée s’appelle Nazir Ahmed. C’est un soignant, dans l’État de Jammu-et-Cachemire, en Inde, qui tente de repérer des bergers isolés afin de les vacciner contre la Covid-19.
La femme portant dans ses bras un petit alpaga se nomme Alina Surquislla Gomez. Elle travaille dans une coopérative d’éleveurs péruviens qui conseille les alpaqueros (éleveurs traditionnels de chèvre alpaga) – l’eau et les pâturages andins étant menacés par la pollution minière et le changement climatique.
Le Kényan dont la main gantée est délicatement posée sur le flanc d’un guépard est un vétérinaire, Michael Njoroge ; avec deux spécialistes de la vie sauvage, il participait à une mission de cinq jours, nécessitant transport en camion, matériel de perfusion et chirurgiens, pour garder en vie un animal sauvage. Si, en août dernier, vous avez vu sur le site Internet de National Geographic le reportage de la photographe Nichole Sobecki, basée à Nairobi, vous savez déjà qu’il y a là de quoi faire chavirer les cœurs. Tant de détermination. Tant de bienveillance.
La photographe avait travaillé pendant des mois avec Rachael Bale, journaliste spécialiste des animaux à National Geographic, pour un reportage paru dans le numéro de septembre consacré à un réseau international de trafic d’animaux s’attaquant à la population africaine de guépards déjà très menacée. C’est ainsi qu’un guide kényan, accompagné de Nicole Sobecki, avait déniché, au milieu des broussailles d’une réserve nationale, une femelle guépard adulte blessée. Durant quarante-huit heures, ils ont veillé l’animal en attendant l’arrivée des services vétérinaires du Kenyan Wildlife Service, alerté par les gardes.
« Un guépard d’un coin du monde », avait soupiré la photographe. Lors d’une conversation téléphonique entre Nairobi et Oakland, en Californie, nous avons toutes deux tenté de clarifier notre ressenti sur le sauvetage de ce félin, baptisé Nichole par les gardes. « Inspirant » et « vain », ces deux adjectifs peuvent s’appliquer : Nichole le guépard n’a pas survécu. Ses blessures avaient été causées par un animal, et non par un chasseur ou par un trafiquant. Mais Nichole la photographe travaillait sur la disparition de l’habitat de la faune et sur le tribut payé par l’Afrique à la crise climatique. Ces deux problématiques l’attristaient, et elle peinait à faire la part des choses : « Il y avait une volonté de tenter de sauver ce guépard. Les efforts pour y parvenir étaient ambitieux et considérables. Je ne veux pas minimiser cela. »
Si les choses s’étaient passées différemment... Si le vétérinaire du service de la vie sauvage n’avait pas été de repos le jour où ils avaient trouvé le guépard blessé... Si l’équipe de relève était arrivée plus vite... Si les comportements humains n’avaient pas privé les guépards de plus de 90 % de leur territoire naturel historique... Bien sûr, on peut dire que ce guépard aurait dû mourir seul, sous un buisson, sans être dérangé par des mains inquisitrices. Mais, parfois, nous nous raccrochons à de petites histoires qui nous aident à en accepter de plus grandes.
« Tout le monde grandit en sachant ce qu’est un guépard », m’avait fait remarquer Nichole Sobecki. « Mais que faire pour les innombrables espèces confrontées aux mêmes problèmes ? Si nous permettons qu’un de nos animaux les plus connus en soit réduit à une population de moins de 7 000 adultes vivant à l’état sauvage, qu'en sera-t-il de tout le reste ? »
Le retrait des troupes américaines d’Afghanistan, en août, après vingt ans d’occupation, a mis fin à « la plus longue guerre de l’Amérique ». Pourtant, la guerre continue pour Hafiza, 70 ans, que l’on voit ici avec son petit-fils. Elle vivait près de Fayzabad depuis la prise de son village par les talibans, en 2019. Les choix de ses quatre fils ont fait d’elle une femme endeuillée, vivant sur des bases instables : deux d’entre eux se sont battus
aux côtés de l’armée nationale afghane, le troisième dans une milice antitalibans et le dernier avec les talibans. La guerre en Afghanistan fait partie des dizaines de conflits en cours dans le monde en 2021, récents comme anciens, internationaux et régionaux, attisés par la cupidité, la croyance ou le passé.
Tout le reste. Rien ne permet de faire le tri facilement dans les images de cette année. En 2021, le succès du vaccin contre la Covid-19 a engendré sa propre controverse. En effet, qui aurait pu imaginer une telle colère à l’encontre d’injections nous protégeant de la mort ? Presque toutes les tentatives de conservation d’espèces, d’économies, de lieux sur Terre ont eu lieu avec, en arrière-plan, le changement climatique.
Le 9 août, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié un rapport de 2 000 pages d’estimations et de prédictions peu réjouissantes. Pour António Guterres, secrétaire général des Nations unies, ce document – le sixième publié en deux décennies – est « une alerte rouge pour l’humanité ». Moins d’une semaine après la publication de ce rapport, l’incendie baptisé « Caldor Fire » se déclarait en Californie, se propageant sur 890 km2 dans les collines marquées par la sécheresse. Plus au nord de l’État, les pompiers luttaient contre Dixie, un autre gigantesque brasier. Deuxième plus grand incendie de l’histoire de la Californie, ce dernier n’a pu être totalement maîtrisé qu’à la fin du mois d’octobre. La photographe londonienne Lynsey Addario, qui a surtout consacré sa carrière à photographier les conflits (vous retrouverez d’ailleurs dans ce magazine le portrait qu’elle a réalisé d’une survivante de viols perpétrés par des soldats en Éthiopie), a passé l’été en Californie, aux côtés d’hommes et de femmes qui se battaient contre le feu.
Cette année a été aussi marquée, en février, par une vague de froid polaire au Texas ; en juin, par des températures caniculaires au Canada – les plus hautes jamais enregistrées ; et, en juillet, par des inondations meurtrières en Belgique et en Allemagne. « Une bizarrerie mondiale » : telle est l’expression qu’aime utiliser Katharine Hayhoe, spécialiste du climat à l’université Texas Tech. Dans un entretien qu’elle a accordé avec l’auteure environnementale Katharine Wilkinson à National Geographic, elle nous exhorte à ne pas désespérer et nous invite à accepter l’idée que vivre ce moment précis sur la planète puisse être, pour reprendre la pensée de Katharine Wilkinson, à la fois terrible et merveilleux. « Nous avons tellement de moyens à notre disposition et nous pouvons faire tellement de choses » pour combattre le changement climatique (lire ici les temps forts de cette interview).
Quand vous regarderez ces photos, pensez aussi à vous dire que certains événements de l’année 2021 ont offert un peu de répit émotionnel ou, du moins, la possibilité de se dire « OK, on respire, on a déjà réussi à traverser tout ça ». Par exemple, les digues de La Nouvelle-Orléans, protégeant la ville et reconstruites après le passage de l’ouragan Katrina en 2005, ont bien résisté à l’ouragan Ida, le 30 août dernier, n’est-ce pas? Le Caldor Fire s’est bien éloigné sans atteindre South Lake Tahoe. Et, malgré le variant Delta, des millions d’entre nous ont pu se retrouver, embrasser leurs grands-parents et voir leurs enfants reprendre le chemin de l’école.
En feuilletant les pages de cette année en images, une photo me remonte le moral à chaque fois que je la regarde : celle des diplômés de l’université Howard qui déambulent dans les rues en chantant et en dansant, revêtus de leur toge universitaire et coiffés du traditionnel mortier. Idem pour les jeunes musiciens mariachis du Texas, ajustant leur costume de charro tout neuf à bord du bus qui les emmène se produire en concert pour la première fois depuis le début de la pandémie.
Et ce bébé éléphant qui tête un biberon de lait maternisé ? C’est la rencontre de l’écologie et de la Covid, avec un étonnant happy end. Dans un sanctuaire kényan hébergeant des éléphants, l’approvisionnement en lait en poudre a été bloqué par la pandémie et les embouteillages qu’elle a provoqués dans le transport maritime. Les soignants ont donc essayé de le remplacer par du lait de chèvre, accessible sur place. Cette nouvelle formule a permis de doubler le taux de survie des éléphanteaux orphelins, qui a atteint quasiment 100 %.
Alors bien sûr, même dans un numéro spécial « Année en images », il n’est pas possible d’être exhaustif. Voici donc une liste arbitraire des personnalités, des lieux et des événements de l’année 2021 que vous ne trouverez pas dans ces pages : les Jeux olympiques de Tokyo ; les lancements de vols spatiaux privés ; le cargo échoué en travers et bloquant le canal de Suez ; la prise de fonction à la vice-présidence des États-Unis de la première femme, Kamala Harris, née d’un père jamaïcain et d’une mère indienne. À Haïti, l’assassinat du président et le tremblement de terre meurtrier. Le rover Perserverance ramassant des cailloux sur Mars. La semaine du 4 juillet dans le Massachusetts, où des dizaines de milliers de touristes ont investi les rues, les bars et les restaurants de Provincetown – croyant tout danger de contamination éliminé par la vaccination.
Même durant les périodes sombres, les défenseurs de l’environnement sont une lueur d’espoir. Ils œuvrent à la protection des espaces sauvages, préservent les lieux de patrimoine culturel, défendent les espèces menacées. Les gardes du parc national des Virunga, en République démocratique du Congo (RDC), ont été les premiers à prendre soin des gorilles des montagnes orphelins. En 2007, le photographe Brent Stirton était là quand le garde André Bauma a trouvé une petite femelle gorille accrochée à sa mère, morte. Bauma l’a baptisée Ndakasi et l’a soignée toute sa vie. Brent Stirton était aussi là en septembre dernier, quand Ndakasi, mourante, s’est blottie dans les bras de Bauma.
Les fêtes de Provincetown furent décrites, dans le langage froid de l’alerte publiée par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), comme « de grands rassemblements publics dans une ville du comté de Barnstable (Massachusetts) ». Ceux d’entre nous qui ignoraient ce qu’était une infection post-vaccinale le savent désormais : des personnes vaccinées ont été testées positives à la Covid-19 en rentrant de Provincetown. Le traçage entre États n’a relevé que cinq hospitalisations parmi les 469 cas rapportés et aucun décès. Alors, oui, le vaccin protège. Mais il n’empêche pas complètement la transmission, ce qui siginifie qu’on ne doit pas relâcher la vigilance collective, pas encore.
« La pandémie ne va pas baisser les bras », m’a ainsi lâché Rob Anderson, un restaurateur de Provincetown, quand je l’ai appelé en août pour lui demander comment lui et les autres s’en sortaient. « Mais nous non plus, nous ne baisserons pas les bras. Nous sommes plus forts que ça. Nous sommes encore là.» Comme d’autres en ville, Rob Anderson a vu son affaire s’écrouler dans les semaines qui ont suivi l’annonce de l’infection post-vaccinale. Il m’a alors invitée à me mettre dans la peau d’un funambule cherchant à marcher jusqu’au bout d’une corde : « Qu’est-ce que vous faites ? », m’a-t-il demandé. « Vous regardez devant vous. Et vous tentez de garder l’équilibre. C’est ce que nous faisons. »
Cette image du funambule est restée gravée dans mon esprit. L’énergie que 2021 nous a parfois demandée, simplement pour essayer de rester debout – j’y ai pensé en appelant le photographe Stephen Wilkes qui, tandis que nous discutions, était en train de travailler sur l’image qui se trouve en ouverture de cet article. Il était en train de prendre des photos sur une plateforme à 13,7 m de hauteur, qu’il avait été autorisé, avec son équipe, à placer sur le National Mall à Washington, D. C. Quand il réalise ce qu’il appelle ses photos « du jour à la nuit », Stephen Wilkes travaille bien jour et nuit, sans s’arrêter, prenant quantité d’images qu’il fusionne ensuite en une seule, panoramique. Pour cette photo-là, il a pointé son appareil trente heures durant sur les 8 ha du parc, au pied du Washington Monument : des drapeaux blancs avaient été installés, chacun représentant un mort de la Covid- 19 aux États-Unis. « C’est comme une mer de drapeaux », observa le photographe avant de se reprendre. « Non. Pas tout à fait une mer. À la hauteur à laquelle je me trouve, je peux les voir presque comme des individus », a-t-il précisé. « Ça me fait penser à des étoiles qui scintillent. »
Prévue pour rester trois semaines, cette installation a été conçue par l’artiste Suzanne Brennan Firstenberg. Elle forme comme une grille géante, avec des chemins tracés permettant à chacun de circuler entre les drapeaux, d’y écrire des noms afin de rendre hommage aux disparus et d’y planter de nouveaux drapeaux à mesure que le nombre de morts augmentait. À l’entrée, un grand panneau annonçait les derniers chiffres cumulés que l’artiste actualisait à la main chaque jour.
«Quand je suis venu hier, c’était 666 624 », m’a glissé Stephen Wilkes. « Cet après-midi, c’est... » Il a marqué un temps d’hésitation. Je l’ai imaginé là-haut, sur sa plateforme, son appareil photo à la main, plissant des yeux pour déchiffrer au loin le dernier nombre exact. Puis il m’a annoncé : « 670 032 ». Nous avons fait le calcul dans nos têtes. Il a continué à parler. Le matin, il avait plu. « J’ai vu un vieil homme distingué marcher entre les drapeaux. Une femme assise par terre. Elle a juste planté un drapeau. Une Afro-Américaine, portant un tee-shirt vert pâle ; elle était avec quelqu’un qui pouvait être son mari. Ils se tenaient les mains. »
La lumière de l’après-midi créait une atmosphère incroyable sur le monument, me décrivit Stephen Wilkes : lumineux d’un côté, sombre de l’autre. « C’est vraiment très beau. Et ça commence à s’éclaircir. Quand le soleil apparaît, c’est spectaculaire. Parce qu’alors, chaque petit drapeau blanc se met à briller. »
Cet article a initialement paru dans le numéro de janvier 2022 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine
Cynthia Gorney est journaliste à National Geographic. Elle est notamment l’auteure d’un reportage sur les fumées toxiques dues aux incendies de forêt, paru dans le numéro d’avril 2021.