Que signifient ces artefacts énigmatiques qui résistent aux cryptographes ?
Du manuscrit de Voynich aux tablettes de l’île de Pâques, les cryptographes les plus doués se sont cassé les dents sur ces mystères de l’Histoire.
Aucune trace écrite ne permet d’élucider le mystère des moaï, les statues monolithiques de l’île de Pâques.
On pourrait penser que la découverte d’un objet ancien recouvert de texte ou de symboles est le rêve de tout archéologue. En effet, quel meilleur moyen de découvrir le passé qu’un témoignage direct de nos ancêtres ? La découverte révolutionnaire de la pierre de Rosette en 1799 et son décryptage en 1822 ont par exemple révélé les subtilités de l’écriture hiéroglyphique égyptienne.
Mais parfois, les archéologues tombent sur des textes anciens qui, aussi palpitants soient-il, refusent de livrer leurs secrets. Nous en présentons ici quelques-uns comme le disque de Phaistos, les tablettes de l’île de Pâques ou encore une carte du 16e siècle révélant des particularités topographiques continentales que l’on n’était pas censées connaître à l’époque de sa conception. Ces énigmes des temps anciens perdurent et nous posent plus de questions qu’elles ne nous donnent de réponses.
LES SYMBOLES DU DISQUE DE PHAISTOS
Le disque de Phaistos.
Le royaume minoen s’est développé en Crète entre 3000 et 1000 av. J.-C. Cette civilisation urbaine, une des toutes premières du genre, a érigé des palais raffinés et se servait de systèmes complexes de plomberie, de chauffage et d’évacuation des eaux usées. Elle a peut-être également laissé derrière elle un mystérieux disque en argile réfractaire de 15 cm de diamètre que l’archéologue italien Luigi Pernier a découvert en 1908 dans les ruines d’un ancien palais de Phaistos. Possiblement fabriqué en 1700 avant notre ère, cet artefact splendide est orné d’une spirale comprenant 242 symboles imprimés à l’aide d’un poinçon. La plupart d’entre eux ont des formes reconnaissables : une tête tatouée, une flèche, un platane, un chat, une ruche, etc. Ils représentent possiblement des groupes phonétiques ou des syllabes mais ils sont trop peu nombreux pour que l’on puisse les déchiffrer. Aucun autre artefact portant les mêmes symboles n’a jamais été découvert. Les interprétations le concernant sont aussi diverse que la foule de cryptographes qui cherchent à percer son mystère. Est-ce du crétois ? Une langue étrangère ? Des syllabes qui se lisent de l’extérieur vers l’intérieur ? Un alphabet qui se lit dans le sens inverse ? Le fait que ces symboles aient été réalisés à l’aide de poinçons indique peut-être une capacité de production de masse, bien qu’aucune autre découverte ne vienne corroborer cela.
Quelques spécialistes sont persuadés que ce disque est un canular ou un faux, mais la plupart pensent qu’il est authentique. À l’instar d’autres vestiges de la culture minoenne, il garde jalousement ses secrets.
Phaistos était le deuxième plus grand palais de Crète.
LE CODE INVIOLÉ DU MANUSCRIT DE VOYNICH
Le manuscrit de Voynich est un délice pour les cryptographes autant qu’un cauchemar. Cette œuvre illustrée de 240 pages est écrite dans une langue inconnue et contient des centaines d’illustrations, des symboles astrologiques, des plantes impossibles à identifier ou encore des personnages humains étranges. Il est divisé en six sections (qui correspondent aux différentes catégories d’illustrations) : botanique, astronomie et astrologie, biologie, cosmologie, pharmacologie, et une section comprenant une suite de textes ornés de marques décoratives. Des légions de cryptographes ont tenté de déchiffrer les caractères du manuscrit et ont échoué. S’agit-il d’un traité d’herboristerie ? D’un grimoire d’alchimie ? En 2019, un chercheur a soutenu qu’il s’agissait d’un guide gynécologique destiné aux femmes et écrit par des nonnes dominicaines.
Le manuscrit de Voynich
Rédigé sur du vélin (de la peau de veau), le manuscrit doit son nom à l’antiquaire américano-polonais Wilfrid Voynich qui l’a acquis en 1912. Son origine est toutefois bien plus ancienne. L’œuvre remonte au moins à l’empereur du Saint-Empire romain germanique Rodolphe II (1576-1612), qui l’aurait achetée pour 600 ducats, quoique des analyses récentes montrent qu’elle date plus probablement du début du 15e siècle. Le manuscrit est ensuite passé entre les mains de plusieurs propriétaires européens, dont aucun n’a réussi à le décrypter. Les tentatives de déchiffrage se poursuivent encore à ce jour, sans jamais apporter de solution définitive.
LES TABLETTES EN BOIS DE L’ÎLE DE PÂQUES
Figurine moaï ancestrale en kava-kava.
Dans le Pacifique Sud, l’île de Pâques, ou Rapa Nui comme l’appellent ses habitants, est célèbre pour ses statues monolithiques mystérieuses pesant plusieurs tonnes, les moaï, mais personne ne sait vraiment à quoi elles servaient. La réponse se trouve peut-être dans la vingtaine de tablettes en bois (et d’objets, notamment un bâton de chef de clan) découverts au même endroit que les moaï. Celles-ci sont couvertes d’impénétrables caractères rongorongos disposés en boustrophédon inversé ; ils se lisent de la gauche vers la droite, puis de la droite vers la gauche lorsque l’on place la tablette sur la tranche. Les glyphes représentent des silhouettes d’animaux, de plantes, d’humains et d’artefacts.
On ignore quand ce système d’écriture est apparu. Selon certains, il aurait été mis au point bien avant l’arrivée des premiers Européens au 18e siècle ; mais d’autres avancent qu’il aurait été inventé après que les Rapanuis ont découvert l’écriture européenne. Quoi qu’il en soit, ce langage a été utilisé jusque dans les années 1860, moment où les Rapanusi ont disparu à cause de maladies importées d’Europe et où la signification de ces caractères s’en est allée avec eux. À en croire les traditions orales, cette écriture aurait eu un but religieux. Elle servait peut-être à retranscrire des mythes sur la création de l’Univers et du monde naturel. Et peut-être que seule l’élite pouvait la comprendre. Mais rien n’est sûr.
LES CONTINENTS DE LA CARTE DE PIRI REIS
On doit à Hajji Ahmed Muhiddin Piri, amiral et cartographe ottoman du 16e siècle, mieux connu sous le nom de Piri Reis (Capitaine Piri), une splendide carte du monde qu’il a établie en 1513. Perdue durant des années, on en a retrouvé un vestige au 20e siècle, un parchemin en peau de gazelle désormais exposé au palais Topkapi d’Istanbul.
Cette carte montre les côtes occidentales de l’Europe, mais aussi l’Afrique du Nord ainsi que le littoral brésilien. Elle représente les côtes sud-américaines dans leur position longitudinale réelle par rapport à l’Afrique, alors que l’Amérique n’avait été découverte que vingt ans plus tôt. Mais ce n’est pas ce qu’elle a de plus surprenant.
La carte de Piri Reis représente à grands traits les littoraux d’Europe, d’Afrique et des Amériques ainsi que certains des animaux que l’on trouve sur ces continents.
Piri Reis indique sur la carte qu’il l’a réalisée à partir de plusieurs sources, notamment à partir d’expéditions d’explorateurs portugais et grâce aux voyages alors récents de Christophe Colomb. Mais cela ne permet pas d’expliquer le reste. La carte fait mention d’une chaîne intérieure de montagnes en Amérique du Sud, chose que l’on était censé ignorer à cette époque, en théorie du moins. Plus déconcertant encore, on dit que le document représenterait l’Antarctique dans ses moindres détails topographiques et sans glace, alors que ce continent n’a été découvert que des siècles plus tard, en 1820. On sait pourtant aujourd’hui que l’Antarctique est recouvert de glace depuis environ 6 000 ans.
De cela, certains chercheurs déduisent que la carte a dû être créée il y a des milliers d’années par une ancienne civilisation inconnue et avancée. Le mystère demeure : qui a cartographié ces détails et pourquoi l’histoire a-t-elle oublié ces premiers explorateurs ?
L’ARDOISE DE JAMESTOWN
En 2009, des fouilles réalisées dans un ancien puits de Jamestown, dans l’État de Virginie, première des colonies européennes en Amérique, ont permis de mettre au jour une ardoise de l’ère coloniale couverte de multiples couches d’inscriptions rayées et enchevêtrées. Y sont notamment représentés un homme avec une fraise autour du cou et une sorte de palmier nain. Mais on y a également inscrit des phrases : « Un minion de la meilleure espèce » ou encore, plus modestement, « Je ne suis pas de la meilleure espèce ». (Le mot anglais minion, que l’on peut traduire par « laquais », désigne ici peut-être un canon). Les marques présentes sur l’ardoise ainsi que l’identité de son ou de ses auteurs demeurent une énigme. Le palmier suggère que l’auteur de la tablette avait voyagé au sud de Jamestown. Peut-être s’agissait-il de William Strachey qui a survécu à un naufrage dans les Bermudes avant de devenir Premier secrétaire de la colonie.
Ces dessins enchevêtrés sur l’ardoise de Jamestown représentent notamment un homme portant une fraise autour du cou.
Le puits dans lequel on a trouvé cette tablette fut creusé entre 1608 et 1610 au centre de Fort James sous les ordres de John Smith, qui dirigeait alors Jamestown. Il fut ensuite transformé en décharge après que son eau fut devenue saumâtre et non potable. Les déchets coloniaux sont un trésor pour les archéologues et cette ardoise mise au rebut est particulièrement précieuse même si son message nous échappe.
Cet article est en partie extrait de l’ouvrage 100 Greatest Mysteries Revealed de Patricia Daniels. Copyright © 2022 National Geographic Partners, LLC.
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Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.