L'Empire maurya, la puissance oubliée de l'histoire indienne
Après la mort d'Alexandre le Grand, la dynastie Maurya régna sur une grande partie de l'Inde et créa l'un des plus grands empires de l'Histoire, marqué par l'audace et le pacifisme de ses souverains.
Dans cette peinture à l'aquarelle et à la gouache, Chandragupta Maurya, qui fonda l'Empire maurya, est assis avec son mentor Kautilya. Le petit-fils de Chandragupta, Ashoka, étendit l'Empire maurya à la plus grande taille de son histoire.
Les livres d’Histoire regorgent de récits sur l’Empire romain, l’Empire espagnol et les différentes dynasties chinoises, mais l’un des premiers empires du monde, également l’un des plus grands de l’Histoire, n’est que très peu mentionné. Le vaste Empire maurya, fondé en 321 avant notre ère, couvrait la majeure partie du sous-continent indien, s’étendant du centre au nord du pays, ainsi que sur certaines régions de l’actuel Iran. Ce tout premier empire pan-indien dura 150 ans et fut marqué par le règne de deux hommes, un grand-père et son petit-fils.
LA CRÉATION D’UN EMPIRE
Jeune homme audacieux, Chandragupta Maurya, futur roi de l’empire maurya, aurait prodigué des conseils effrontés à Alexandre le Grand qui, vers 325 avant notre ère, avait traversé le fleuve Indus, la frontière la plus éloignée de l’ancien Empire perse. Selon les récits, Alexandre n’apprécia guère le caractère arriviste de Chandragupta. Ce dernier fut cependant impressionné par la gouvernance du roi de Macédoine, et décida de s’en inspirer lors de son ascension vers le pouvoir.
Chandragupta Maurya, représenté ici dans une aquarelle sur papier, est le fondateur de l'Empire maurya et le premier empereur à avoir unifié la majeure partie du sous-continent indien en un seul État. Il régna de 322 avant notre ère jusqu'à sa retraite volontaire et son abdication en faveur de son fils Bindusara, en 298 avant notre ère.
Sur les conseils de ses généraux, les armées d’Alexandre battirent en retraite, et Chandragupta profita des bouleversements de pouvoir causés par ce départ. En moins de quatre ans, il s’allia à des chefs du Pendjab, dans le nord de l’Inde actuelle, pour renverser le dernier roi Nanda de l’important État de Magadha, qui avait régné sur une grande partie du nord du sous-continent au 4e siècle avant notre ère. Il occupa sa capitale en 321 avant notre ère et s’empara du trône, marquant ainsi le début de l’Empire maurya.
Dans les décennies qui suivirent, Chandragupta poursuivit ses conquêtes dans le nord et le centre de l’Inde, y compris dans la vallée du Gange et ses terres fertiles et routes commerciales fluviales. L’Empire maurya finit par dominer une région qui s’étendait des frontières de la Perse et de l’Himalaya jusqu’au sud, atteignant presque la pointe du sous-continent. Cela en fit le plus grand empire indien de l’époque, ainsi que l’un des plus grands empires de l’Histoire.
L’Empire maurya était une ère de prospérité économique, de tolérance, et d’expansion des infrastructures. De nombreuses religions prospérèrent, telles que le bouddhisme, le jaïnisme, le mouvement Ājīvika, le védisme et le brahmanisme. Le meilleur historien de la cour, Mégasthène, décrivit la capitale de Maurya, Pataliputra (actuelle Patna), comme une ville riche et impressionnante. Il dépeignit les terres de l’empire comme des productrices fertiles de coton et de canne à sucre, et ses habitants comme un peuple travailleur, posé et respectueux des lois.
Chandragupta Maurya divertit sa fiancée de Babylone dans une lithographie. Il créa un empire indien unifié et une administration centralisée efficace qui perdura pendant près de 150 ans.
« Ils estiment la vérité et la vertu. La simplicité de leurs lois et de leurs contrats se voit dans le fait qu’ils fassent rarement appel à la loi », écrivait-il. Une grande partie de cette gestion calme de l’empire était due à un groupe de fonctionnaires issus de la caste des brahmanes. Ces derniers occupaient des postes très divers, allant des gouverneurs provinciaux aux surintendants agricoles, et géraient toutes les villes de l’empire.
Vers 297 avant notre ère, après avoir cédé le trône à son fils Bindusara, Chandragupta se serait retiré dans un monastère jaïn où il aurait mis fin à ses jours par le jeûne absolu. Chandragupta laissa derrière lui un empire indien unifié, doté d’une administration centralisée efficace qui perdura pendant près de 150 ans. Ses accomplissements considérables préparèrent le terrain pour un autre des dirigeants les plus remarquables de l’histoire indienne : son petit-fils, Ashoka.
L'empereur Ashoka, représenté sur cette illustration, transforma et unifia son royaume grâce à des messages de paix et de tolérance.
ASHOKA, L’EMPEREUR PACIFIQUE
Ashoka (Aśoka) monta sur le trône vers 262 avant notre ère et, bien qu’on se souvienne de lui pour son règne pacifique, il ne le fut pas toujours. Lors de sa huitième année en tant qu’empereur, il mena une campagne militaire pour conquérir Kalinga, un royaume côtier du centre est de l’Inde, qui lui laissa un domaine encore plus vaste que celui de son père et de son grand-père. Selon les récits, entre 100 000 et 300 000 personnes furent tuées au cours de cette conquête.
Les pertes humaines eurent un impact émotionnel considérable sur Ashoka. Il écrivit être « profondément peiné par les meurtres, les morts et la déportation qui ont lieu lorsqu’un pays non conquis est conquis ». Ashoka renonça par la suite à la conquête militaire et aux autres formes de violence, y compris envers les animaux. Il adopta les principes du bouddhisme et soutint l’essor de cette doctrine dans toute l’Inde. Il envoya des émissaires dans plusieurs pays, tels que la Syrie et la Grèce, et envoya ses enfants en tant que missionnaires dans l’actuel Sri Lanka.
LES PILIERS D’ASHOKA
Ashoka partagea sa nouvelle vision de la vie par le biais d’édits gravés dans des pierres et des piliers dispersés dans tout le pays, sur des lieux de pèlerinage et le long de routes commerciales très fréquentées. Ces édits, considérés comme les premiers exemples d’écriture en Inde, n’étaient pas gravés en sanskrit, la langue officielle de l’État, mais dans les dialectes régionaux afin de permettre la compréhension du message par le plus grand nombre. Un édit placé près de l’actuelle ville de Kandahar, en Afghanistan, une région qui avait été sous le contrôle d’Alexandre le Grand, fut par exemple écrit en grec et en araméen.
L'emblème national de l'Inde.
Tout comme Cyrus en Perse, Ashoka adopta et promut une politique de respect et de tolérance à l’égard des personnes de confessions différentes. L’un de ses édits déclarait : « Tous les hommes sont mes enfants. Comme mes propres enfants, à qui je souhaite tout le bien-être et le bonheur de ce monde et du suivant, je le souhaite à tous les hommes. »
D’autres édits encourageaient les citoyens à la générosité, à la piété, à la justice et à la miséricorde. L’empereur et ses hauts ministres effectuaient régulièrement des tournées à travers le royaume afin de vérifier le bien-être du peuple, et de voir si ses édits étaient appliqués. Selon l’un des piliers d’Ashoka, les ministres fournissaient des médicaments et des hôpitaux, aussi bien pour les citoyens que pour les animaux.
En plus de ses édits, Ashoka construisit des stupas, des monastères et d’autres structures religieuses sur des sites bouddhistes importants tels que Sarnath, dans l’Uttar Pradesh, où le chef spirituel Siddhārtha Gautama, connu sous le nom de Bouddha, aurait commencé à enseigner à ses disciples.
Illustration du Bouddha Vajrasattva.
UN SOUVERAIN À L’ÉCOUTE DU PEUPLE
Ashoka était également un souverain averti et efficace. Il parvint à diriger un gouvernement centralisé depuis la capitale de Pataliputra ; une importante bureaucratie collectait des impôts, des inspecteurs lui rendaient compte, et l’irrigation permit de développer l’agriculture. Véritable emblème des empires du monde antique, d’excellentes routes furent construites pour relier les points stratégiques et les centres politiques. Ashoka exigea même que ces routes soient bordées d’arbres d’ombrage, de puits et d’auberges.
Après sa mort, vers 238 avant notre ère, la gouvernance clémente et humaine d’Ashoka se volatilisa avec le déclin de l’empire Maurya. Son règne tomba dans l’oubli et se transforma en légende, jusqu’à ce que des archéologues traduisent ses édits plus de 2 000 ans plus tard. À leur époque, ces édits avaient permis l’unification d’un vaste empire grâce aux messages vertueux qu’ils véhiculaient, et avaient dans le même temps participé à la diffusion du bouddhisme à travers l’Inde.
Des extraits de ce travail ont déjà été publiés dans The Most Influential Figures of Ancient History de Patricia S. Daniels. Copyright © 2016 National Geographic Partners, LLC.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.