Spiritisme à la Maison-Blanche : ces premières dames se sont tournées vers l’occultisme

De Mary Todd Lincoln à Jane Pierce, ces premières dames furent entraînées dans le mouvement du spiritisme du 19e siècle, une croyance selon laquelle les vivants peuvent entrer en contact avec les morts.

De Parissa DJangi
Publication 26 avr. 2024, 12:30 CEST
Représentation d'Abraham Lincoln, 16e président des États-Unis, avec sa femme Mary Todd et trois de leurs enfants. Mary Todd se ...

Représentation d'Abraham Lincoln, 16e président des États-Unis, avec sa femme Mary Todd et trois de leurs enfants. Mary Todd se tourna vers le spiritisme, une croyance selon laquelle les vivants peuvent entrer en contact avec les âmes des défunts, afin de surmonter son chagrin après la mort de son deuxième plus jeune fils, William, en février 1862.

PHOTOGRAPHIE DE New-York Historical Society, Bridgeman Images

La Maison-Blanche a accueilli son lot de personnalités : politiciens, écrivains, musiciens, scientifiques… et médiums.

Reflétant la croyance des Américains dans les esprits, certaines des familles des présidents américains tinrent des séances de spiritisme au 1600 Pennsylvania Avenue. Elles firent leur deuil avec l’aide de médiums, montrant ainsi que les séances destinées aux défunts s'adressaient aussi aux vivants.

 

DU SPIRITISME À LA MAISON-BLANCHE

Le 6 janvier 1853, Franklin Pierce, président nouvellement élu, et sa femme Jane vécurent le pire cauchemar de tous les parents. Le seul enfant qu'il leur restait, Bennie, 11 ans, périt dans un terrible accident de train dans le Massachusetts.

Jane Pierce s’efforça de s’adapter à la vie sans son enfant. Pourtant, recluse dans ses quartiers privés de la Maison-Blanche, elle continua de lui écrire des lettres.

Après avoir perdu deux de ses fils avant la présidence de son mari Franklin Pierce, et ...

Après avoir perdu deux de ses fils avant la présidence de son mari Franklin Pierce, et après avoir assisté au décès de l'unique enfant qu'il lui restait deux mois seulement avant l’investiture de Franklin en 1853, la première dame Jane Pierce se tourna vers le spiritisme pour tenter d’entrer en contact avec ses fils.

PHOTOGRAPHIE DE Library of Congress

Alors que Jane Pierce pleurait la mort de son fils, un nouveau mouvement religieux prenait racine dans tout le pays : le spiritisme, ou le fait de croire qu’il est possible de communiquer avec les morts. Comme l’écrit l’historienne Molly McGarry dans Ghosts of Futures Past, « la foi dans le spiritisme et l’expérience selon laquelle les morts continuaient à communiquer avec les vivants » ont trouvé un écho dans une Amérique où la culture du deuil était très répandue et « ont offert à certains Américains du 19e siècle une nouvelle façon d’être dans le monde ».

La popularité du spiritisme est à imputer en partie à Maggie et Katie Fox, deux sœurs de 15 et 11 ans originaires de Hydesville, dans l’État de New York. Même si elles menaient une vie relativement ordinaire au sein d’une famille nombreuse, les deux sœurs ne tardèrent pas à faire des déclarations peu communes. En 1848, elles prétendirent que les mystérieux bruits de pas entendus dans la maison familiale étaient le fait d’esprits. Les sœurs soutenaient fermement pouvoir communiquer avec eux, interprétant les bruits comme une forme spectrale de code Morse.

Les allégations des sœurs Fox électrisèrent les Américains désireux d’entrer en contact avec leurs proches décédés, et notamment Jane Pierce. Fascinée par leur récit, la première dame les invita à Washington.

On ignore ce qu'il s'est réellement passé entre Jane Pierce et les sœurs Fox, mais il se pourrait que la séance à la Maison-Blanche se soit déroulée comme les autres séances des sœurs Fox : elles auraient probablement commencé par faire asseoir les invités en cercle, les faire se tenir par la main et réciter une prière, puis les sœurs auraient procédé aux évocations, en prétendant lever le voile sur le monde des esprits.

 

LES NOMBREUSES LARMES DES LINCOLN

En pleine guerre de SécessionAbraham et Mary Todd Lincoln vécurent une tragédie nationale et personnelle, car le couple dut enterrer l’un de ses enfants. Le 20 février 1862, Willie Lincoln, âgé de 11 ans, mourut à la Maison-Blanche après avoir combattu la fièvre typhoïde des semaines durant.

La mort du garçon fut dévastatrice pour ses deux parents, mais le chagrin de Mary Todd Lincoln fut particulièrement débilitant. Elle resta alitée pendant des semaines et ne put supporter l’idée d’assister aux funérailles. Même après avoir réintégré la société, Mary Todd Lincoln désirait ardemment retrouver son fils décédé.

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    Mary Todd Lincoln, épouse du 16e président, était connue pour s’adonner ouvertement au spiritisme.

    Mary Todd Lincoln, épouse du 16e président, était connue pour s’adonner ouvertement au spiritisme.

    PHOTOGRAPHIE DE Library of Congress

    Elle se tourna donc vers les médiums. En s’appuyant sur des documents d’archives, l’historien David Herbert Donald, lauréat du prix Pulitzer et biographe de Lincoln, a estimé que la première dame pourrait avoir tenu huit séances de spiritisme à la Maison-Blanche.

    L’une d’entre elles se déroula en décembre 1862, lorsque Lincoln accueillit la médium Nettie Colburn pour une séance dans le « salon rouge ».

    Colburn affirma plus tard que le président s’était joint à la séance alors qu'elle était en transe, et qu'elle ne s’était pas contentée de communiquer avec Willie Lincoln. Elle expliqua que les esprits avec lesquels elle était entrée en communication avaient incité le président à publier la Proclamation d’émancipation, et qu’ils l'auraient qualifiée de « point culminant de son administration et de sa vie ».

    En avril 1863, le président Lincoln aurait organisé une séance de spiritisme dans le salon rouge ...

    En avril 1863, le président Lincoln aurait organisé une séance de spiritisme dans le salon rouge de la Maison-Blanche pour demander aux esprits de le guider dans ses affaires politiques.

    PHOTOGRAPHIE DE France Benjamin Johnston, Library of Congress

    Les séances avec Colburn et d’autres médiums renforcèrent la foi de la première dame dans le fait que les âmes survivaient à la mort. Cette dernière aurait même vu Willie dans ses rêves. « Willie vit », aurait-elle dit à sa demi-sœur Emilie Todd Helm. « Il vient me voir chaque nuit et se tient au pied du lit avec le même sourire doux et adorable qu’il a toujours eu. »

     

    LE DERNIER SOUFFLE DU SPIRITISME

    La Maison-Blanche fut à nouveau en deuil pendant la présidence de Calvin Coolidge en 1924. Alors âgé de 16 ans, Calvin Junior, le fils de Coolidge, jouait au tennis sans porter de chaussettes dans ses chaussures, ce qui forma une ampoule sur l’orteil, qui suppura par la suite. L’infection se transforma en septicémie et il trouva la mort le 7 juillet.

    Les Coolidge ont-ils eu recours à un médium pour entrer en contact avec leur fils ? C’est ce que pensait Harry Houdini, le célèbre illusionniste. Il réprouvait le spiritisme, ses séances et les médiums, qui avaient tous connu un regain d’intérêt à la suite de la Première Guerre mondiale et de la pandémie de grippe. Il cherchait à démasquer les médiums et les voyants, qu’il considérait comme des charlatans.

    L’illusionniste Harry Houdini (à gauche) passa les dernières années de sa vie à discréditer les allégations paranormales. ...

    L’illusionniste Harry Houdini (à gauche) passa les dernières années de sa vie à discréditer les allégations paranormales. En 1926, il témoigna lors d’une audition du Congrès qui envisageait d’interdire la pratique de la voyance.

    PHOTOGRAPHIE DE National Photo Company Collection, Library of Congress

    En 1926, il alla jusqu'à témoigner lors d’une audition au Congrès qui envisageait d’interdire la pratique de la voyance. Au cours de cette audition, Jane Coates, médium à Washington, D.C., aurait déclaré : « Je sais avec certitude que des séances de spiritisme ont eu lieu à la Maison-Blanche avec le président Coolidge et sa famille. »

    Les amis de Coolidge nièrent avec véhémence cette allégation, traçant une ligne claire entre ce qui était acceptable et ce qui ne l’était pas. Les séances de spiritisme semblaient avoir franchi la limite de la respectabilité dans une Amérique en pleine mutation.

    Après la Seconde Guerre mondiale, le spiritisme n’avait plus rien d’attrayant pour ses anciens adeptes, et les séances de spiritisme à la Maison-Blanche devinrent une curieuse note de bas de page de l’histoire.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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