La civilisation maya ne s'est jamais vraiment effondrée

De nouvelles preuves indiquent que les Mayas n'ont pas disparu au moment de l'effondrement de leurs grandes villes, mais ont continué à habiter les zones rurales environnantes.

De Joshua Rapp Learn
Publication 4 janv. 2025, 16:13 CET
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Les Mayas sont connus pour leurs impressionnantes pyramides, comme celle d'El Castillo, à Chichén Itzá. Cependant, ce sont les villes et villages locaux qui ont permis à ces zones urbaines de durer dans le temps, et de nouvelles estimations relatives à leur population de celles-ci viennent remettre en question l'idée selon laquelle la civilisation maya se serait entièrement effondrée.

PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, Nat Geo Image Collection

Pendant des siècles, les royaumes mayas et les dizaines de milliers de personnes qu’ils abritaient prospérèrent en Mésoamérique. Cependant, tandis que la région voyait la création et l’effondrement, avec les élites qui les contrôlaient, de différentes capitales, telles que Chichén Itzá et Mayapán, la population rurale environnante demeura la même pendant de nombreux siècles.

L’histoire telle qu’elle nous l’est racontée dans les manuels indique que la civilisation maya atteignit son apogée lors de la période classique, entre 200 et 900 de notre ère, et qu’au cours du siècle suivant, l’ensemble de ses centres urbains commencèrent à s’effondrer, entraînant avec eux la disparition des Mayas. Les hypothèses sur les raisons de ce déclin sont nombreuses : selon certains scientifiques, leur mystérieuse disparition pourrait être la conséquence d’événements climatiques extrêmes, d’une surpopulation, ou encore à d’importants troubles politiques. Si les Mayas connurent un rebond pendant l’époque postclassique, de l’an 900 à l’arrivée des colonisateurs espagnols vers 1540, ils ne seraient, selon certains historiens, jamais parvenus à retrouver leur force d’antan. Une nouvelle analyse de la population de la partie supérieure de la péninsule du Yucatán vient toutefois contredire la théorie de la disparition de cette civilisation emblématique d’Amérique centrale.

« L’idée de l’effondrement des Mayas durant la période postclassique est très controversée », révèle Pedro Delgado Kú, archéologue à l’Université autonome du Yucatán et coauteur de la nouvelle étude.

 

LA CHUTE DE CHICHÉN ITZÁ ET L’AVÈNEMENT DE MAYAPÁN

Dans certains cas, les cités de l’époque postclassique naquirent des cendres de leurs prédécesseuses. Avec ses collègues, Delgado Kú s’attèle depuis longtemps à étudier l’histoire des Mayas dans la péninsule du Yucatán, et notamment sur le site de Mayapán, l’une des dernières grandes capitales, construites dans la région avant la colonisation espagnole. Cette ville fut fondée au 12e siècle dans le cadre d’une coalition de plusieurs gouvernements locaux, dont certains des clans familiaux responsables du renversement des dirigeants de la précédente grande capitale de la région : Chichén Itzá.

Après la chute de cette dernière en l’an 1050, une violente sécheresse frappa la région. Lorsque la pluie fit enfin son retour en 1180, la ville de Mayapán était devenue impressionnante. Outre les célèbres grandes pyramides, telles que le temple de Kukulkán, la zone urbaine était entourée d’un mur de 8 kilomètres de long qui pouvait à peine contenir la population urbaine, si bien que, selon Marilyn Masson, coautrice et archéologue à l’Université d’État de New York à Albany, certains quartiers débordaient de ce dispositif de protection.

 

L’ÉVOLUTION DE LA POPULATION MAYA

Pour Masson, Delgado Kú et leurs collègues, l’histoire de Mayapán contredit l’hypothèse de la disparition des Mayas, mais aussi celle de la potentielle infériorité des cités mayas postclassiques du nord de la péninsule du Yucatán, au Mexique, par rapport aux villes mayas classiques plus anciennes des Basses-Terres du Sud, telles que Tikal au Guatemala.

« On entend souvent dire que la civilisation maya s’est effondrée en l’an 1000 de notre ère. C’est faux », révèle Masson. « L’époque postclassique est un exemple de résilience et de rétablissement dans le nord pour l’État maya tardif. »

La fin du mythe des immenses cités du monde maya ?

Afin de mieux comprendre les événements qui frappèrent la région, l’équipe décida de réaliser une estimation de sa population, ainsi que son évolution dans le temps. Dans le cadre d’une étude publiée en décembre dans le Journal of Anthropological Archaeology, les chercheurs ont ainsi analysé les précédentes tentatives de cartographie de la population, en se concentrant tout particulièrement sur les décennies couvrant l’effondrement de Chichén Itzá et l’essor de Mayapán.

L’équipe a également mené ses propres recherches sur une zone de 40 kilomètres carrés autour de Mayapán à l’aide du LiDAR (abréviation de Light Detection And Ranging en anglais), une technologie de télédétection par laser qui permet de voir à travers une forêt dense et, ainsi, de révéler l’emplacement de villes et cités disparues. Les chercheurs ont ensuite examiné 30 % de cette zone sur le terrain à la recherche de céramiques qu’ils pourraient utiliser pour dater les maisons et les villages. Pour ce faire, guidés par les connaissances locales de Delgado Kú et d’autres archéologues mayas de leur équipe, ils ont parcouru des routes rurales et effectué des randonnées dans la nature sauvage.

« Je n’ai jamais pris autant de plaisir à suivre le LiDAR », confie Masson.

Si la population des centres urbains de Chichén Itzá et de Mayapán subit de nombreux changements au fil du temps, l’analyse indique que la population rurale, qui fournissait les personnes et ressources nécessaires au bon fonctionnement de ces capitales, ne connut que très peu d’évolutions entre ces deux époques. De nos jours, une grande partie de la zone qui sépare les villes actuelles est recouverte de forêts, mais à l’époque, la plupart des habitants de cette campagne pouvaient, depuis leur jardin, voir les maisons de leurs voisins.

« Ce n’est pas dense, mais c’est continu », explique l’archéologue au sujet des ruines du réseau de maisons, de villes et de villages étudiées par l’équipe.

 

LES CONNAISSANCES PRÉSERVÉES DES MAYAS

Selon Masson, après la chute des cités-États, leurs administrateurs se déplacèrent vers les zones rurales environnantes, préservant ainsi une grande partie de leurs connaissances institutionnelles. « Tout ce que l’on dit avoir disparu lors de l’effondrement des Mayas renaquit dans la société maya postclassique. »

Lorsque vint le moment de construire une nouvelle capitale, certains de ces administrateurs, ou de leurs descendants, contribuèrent à la reconstruction d’une structure institutionnelle.

« C’est une découverte vraiment passionnante », commente Elizabeth Paris, archéologue à l’Université de Calgary, qui n’a pas participé à la récente étude, mais qui a travaillé sur Mayapán et avait Masson comme directrice de thèse.

Selon Paris, cette tendance à la ruralisation de la population observée entre les époques de Chichén Itzá et de Mayapán existait probablement déjà bien avant, et ne fit que se répéter lors de la chute de cités autrefois puissantes comme Tikal et Calakmul. « À certains égards, ils connurent bel et bien des transformations, mais la manière dont ils continuèrent à faire les choses resta remarquablement stable au fil des siècles », explique l’archéologue. Alors que des royaumes tombaient, d’autres venaient remplir le vide qu’ils laissaient derrière eux. « La dévastation ne toucha pas la totalité de la communauté. »

Cette étude illustre parfaitement les découvertes qui peuvent être réalisées lorsque les archéologues se penchent sur le contexte historique plus large des cités, plutôt que de se limiter aux plus grands monuments. « Les pyramides attisent énormément la curiosité, nous adorons les fouiller », admet Paris. « Toutefois, on en apprend tellement plus, même sur les pyramides, lorsque l’on considère la région dans son ensemble. »

 

LE DESTIN DE MAYAPÁN

Le gouvernement de coalition de Mayapán ne dura pas. Entre 1441 et 1461, le clan des Xiu se révolta et tua de nombreux membres de celui des Cocom, qui contrôlait la cité. Certaines parties de la ville fortifiée continuèrent à être habitées, mais la structure du pouvoir et le contrôle que Mayapán exerçait sur la campagne environnante furent brisés, tout comme ce fut le cas pour sa prédécesseuse Chichén Itzá.

D’autres recherches ont démontré qu’à la chute de la dynastie politique de Mayapán, la population retourna une nouvelle fois vivre dans la campagne. La période coloniale entraîna également des changements radicaux dans la société du Yucatán, mais les descendants actuels des Mayas continuent de s’efforcer de préserver la culture et les rituels anciens de la région. La ville de Telchaquillo, située près des ruines de Mayapán, compte encore de nombreux locuteurs mayas.

« Nous avons pu prouver que de nombreux aspects culturels n’ont pas changé. Ils demeurent les mêmes encore aujourd’hui », explique Delgado. « Je suis fier d’être maya et de travailler sur les vestiges de ce que nos ancêtres réalisèrent avant nous. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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