Que révèlent les manuscrits de la mer Morte sur les origines du christianisme ?

La découverte des manuscrits de la mer Morte nous a donné un aperçu de la vie des Juifs à l’époque de Jésus. Que nous apprennent-ils sur les prémices du christianisme ?

De Jean-Pierre Isbouts
Publication 28 août 2023, 16:12 CEST
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Daté du deuxième siècle de notre ère, ce fragment de papyrus est l’un des plus anciens textes connus du Nouveau Testament.

PHOTOGRAPHIE DE Paolo Verzone, Nat Geo Image Collection

La découverte des manuscrits de la mer Morte en 1946 est considérée comme la plus grande découverte de manuscrits des temps modernes. Environ 100 000 fragments de 900 manuscrits, datant du troisième siècle avant J.-C. à 68 après J.-C., ont été découverts dans des pots d’argile dissimulés dans onze grottes de la région de Qumrân, en Cisjordanie, près de la mer Morte. La plupart des spécialistes s’accordent à dire qu’ils ont été écrits et copiés par une secte juive mystique connue sous le nom d’esséniens.

Comprenant tous les livres de l’Ancien Testament (à l’exception du livre d’Esther) ainsi que des manuscrits sectaires, ces manuscrits sont extrêmement importants dans la foi juive. Et comme le christianisme est fondé sur le judaïsme, ces écrits nous renseignent également sur les premiers fondements du christianisme. Pourtant, Jésus n’y est aucunement mentionné puisque la plupart de ces manuscrits ont été rédigés avant que Jésus n'ait commencé son ministère. Quel est alors le lien entre les manuscrits de la mer Morte et les débuts du christianisme ?

 

ILS COÏNCIDENT AVEC L’ANCIEN TESTAMENT

Avant la découverte des manuscrits de la mer Morte, le plus ancien manuscrit connu de la Bible hébraïque datait du 10e siècle de notre ère. À l’époque, il n’y avait pas de « Bible » à proprement parler, mais plutôt un ensemble hétéroclite d’écrits sacrés appartenant à différentes sectes juives.

Les manuscrits de la mer Morte indiquent qu’au premier siècle avant notre ère, ces différents textes ont été intégrés au canon hébraïque. Certains de ces manuscrits sont des copies de vrais écrits de la Bible hébraïque, ce qui a ainsi préservé les textes de la Bible elle-même. Soulignons à toutes fins utiles qu’il n’y avait pas de photocopieuses en ces temps anciens, et que ces rouleaux furent donc méticuleusement écrits à la main. Les manuscrits corroborent une grande partie de ce qu’ont traduit les érudits dans d’autres versions de la Bible, puisque leurs propos sont cohérents.

 

ILS DONNENT UN APERÇU DE LA CULTURE JUIVE À L’ÉPOQUE DE JÉSUS

Les manuscrits de la mer Morte nous ont donné accès à des descriptions de la culture et de l’histoire de l’Israël du premier siècle, ce qui a permis aux chercheurs de reconstituer le monde de Jésus. Sur plus de 900 manuscrits, 700 sont des écrits non bibliques qui révèlent des détails de l’époque, dont les règles de la communauté, l’organisation et la stratégie militaires, et les prières quotidiennes. Ils décrivent par exemple les lavages rituels pratiqués par les communautés juives, ce qui permet de comprendre le rôle du baptême apparu au début du christianisme (à la manière de Jean le Baptiste).

Par ailleurs, si les manuscrits de la mer Morte permettent de mieux connaître la communauté spécifique de Qumrân qui en serait à l’origine, ils décrivent également un éventail plus large d’anciennes croyances et pratiques juives. Certains chercheurs affirment que les manuscrits représentent le contenu des bibliothèques de Jérusalem, qui furent rapidement cachés avant l’invasion des Romains lors de la première révolte juive (66-73 av. J.-C.), des décennies avant la naissance de Jésus. Ils reflèteraient ainsi les croyances et les pratiques de différentes sectes juives à une époque très volatile de l’histoire de la Judée.

Vue du littoral de la mer de Galilée depuis le mont des Béatitudes, lieu associé au ...

Vue du littoral de la mer de Galilée depuis le mont des Béatitudes, lieu associé au Sermon de Jésus sur la montagne.

PHOTOGRAPHIE DE Thomas Nebbia, National Geographic Image Collection

 

ILS PROUVENT QUE JÉSUS CONNAISSAIT LES ÉCRITURES HÉBRAÏQUES

La Bible hébraïque de l’époque de Jésus (comme le montrent les manuscrits de la mer Morte) était la base de son enseignement, notamment dans la définition de ses valeurs les plus essentielles : la responsabilité sociale et la fidélité à Dieu. « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes », déclare Jésus à la fin des Béatitudes, en référence aux deux principales divisions de la Bible hébraïque de son époque (la loi et les prophètes). « Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir » (Matthieu 5,17) et ajoute : « Il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. » 

Ce faisant, il fut reconnu comme un rabbin, un enseignant formé aux préceptes de la Bible hébraïque. « Et, le jour du sabbat, Jésus entra d’abord dans la synagogue, et il enseigna. Ils étaient frappés de sa doctrine ; car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes » (Marc 1:21-22).

 

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    ILS CORROBORENT LES FONDAMENTAUX DU MINISTÈRE DE JÉSUS

    Il n’y avait aucune raison pour que les auteurs des manuscrits de la mer Morte (des pieux de la communauté juive) aient mentionné Jésus dans leurs manuscrits. Pourtant, comme ces écrits offrent un aperçu général des croyances et des attentes juives pendant la période du Second Temple (516 av. J.-C. — 70 ap. J.-C.), ils peuvent indirectement nous renseigner sur la foi et la tradition juives inculquées à Jésus et qui ont influencé certains aspects de ses enseignements.

    Les manuscrits de la mer Morte témoignent par exemple d’une vision apocalyptique du monde répandue dans certains groupes juifs, selon laquelle une intervention divine imminente dans les affaires humaines devait provoquer la défaite des forces du mal et l’instauration du règne de Dieu sur la Terre. De la même manière, les enseignements de Jésus mettent l’accent sur le Royaume de Dieu comme une réalité présente qui fait irruption dans le monde, et dont la réalisation complète devait se faire dans le futur avec le jugement dernier. Ce contexte est important pour comprendre les enseignements de Jésus sur le Royaume de Dieu et la fin des temps.

    « Jésus guérissant un homme boiteux » est une mosaïque du 14e siècle visible dans l’église Saint-Sauveur-in-Chora, aujourd’hui connue ...

    « Jésus guérissant un homme boiteux » est une mosaïque du 14e siècle visible dans l’église Saint-Sauveur-in-Chora, aujourd’hui connue sous le nom de mosquée Kariye, à Istanbul, en Turquie.

    PHOTOGRAPHIE DE Joshua Davenport, Alamy

     

    ILS POURRAIENT AVOIR PRÉDIT LA VENUE DE JÉSUS EN TANT QUE MESSIE

    L’un des thèmes importants des Évangiles est la venue du Messie (le sauveur ou libérateur d’un groupe de personnes), ce à quoi les manuscrits de la mer Morte font également référence. La secte de Qumrân et Jésus avaient pourtant des convictions différentes quant au rôle du Messie. Les qumrânites considéraient la venue du Messie comme le résultat d’un changement de régime, d’un affrontement entre le bien et le mal, en bref comme un évènement politique. « Il a son van à la main ; il nettoiera son aire, et il amassera le blé dans son grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint point » (Luc 3,17).

    Pour Jésus, cependant, le but du Messie était de conduire la nation au salut spirituel, peu importaient les circonstances politiques.

     

    EN CONCLUSION

    Les manuscrits de la mer Morte ne décrivent aucun évènement lié à la vie, à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ. En effet, la plupart furent écrits et copiés à l'attention de pieux Juifs avant même le début du ministère de Jésus. S'ils ne font aucunement mention de ce dernier, ils fournissent cependant un contexte historique précieux pour comprendre le monde dans lequel vécut Jésus (et dans lequel naquit et évolua le christianisme) ainsi que les croyances et les pratiques des Juifs en terre d’Israël.

    « Le sermon de Capharnaüm » est l’œuvre de l’artiste Wilhelm Kotarbiński.

    « Le sermon de Capharnaüm » est l’œuvre de l’artiste Wilhelm Kotarbiński.

    PHOTOGRAPHIE DE of HIP, Art Resource, NY

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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