Huit idées reçues sur l'Empire romain décryptées par les historiens

Des gladiateurs à la place des femmes en passant par les martyrs chrétiens, ces huit mythes sur l'Empire romain ont la peau dure.

De Parissa DJangi
Publication 7 nov. 2024, 18:49 CET
Un conservateur restaure un buste romain. De nos jours, de nombreuses statues romaines sont d'un blanc ...

Un conservateur restaure un buste romain. De nos jours, de nombreuses statues romaines sont d'un blanc immaculé. Pourtant, dans l'Antiquité, ces sculptures étaient ornées de peintures vives et de motifs complexes, leur donnant une apparence bien différente, et bien plus colorée que celle que nous leur connaissons aujourd'hui.

PHOTOGRAPHIE DE Andrea Frazzetta, Nat Geo Image Collection

Des superproductions hollywoodiennes aux jeux vidéo, la Rome antique occupe une place de choix dans la culture populaire. Dès sa fondation en 27 avant notre ère, l’Empire romain exerça une influence importante sur toute la Méditerranée, qui dura plus de 500 ans.

Cependant, entre arènes meurtrières, décadence impériale et statues d’une impeccable blancheur, sommes-nous vraiment certains de connaître cette histoire vieille de deux millénaires ?

 

MYTHE 1 : LES GLADIATEURS SE BATTAIENT TOUJOURS JUSQU’À LA MORT

Contrairement à ce que nous voyons dans de nombreux films, le plus souvent, les gladiateurs ne se battaient pas jusqu’à la mort. Dans son ouvrage Naked Statues, Fat Gladiators, and War Elephants, l’historien Garrett Ryan estime que seul un combat sur cinq menait à la mort des gladiateurs.

En effet, un gladiateur mort ne pouvant plus rapporter d’argent, faire mourir les combattants dans l’arène n’était tout simplement pas rentable. Chaque mort entraînait une perte financière pour le laniste, l’individu qui possédait, louait et entretenait les troupes de gladiateurs.

Les combats n’étaient pas pour autant sans danger : il s’agissait d’un sport sanguinaire, et chaque « spectacle » pouvait entraîner de graves blessures, souvent suivies de dangereuses infections.

L'amphithéâtre de Capoue, qui abrite la plus célèbre école de gladiateurs de la Rome antique, formait ...

L'amphithéâtre de Capoue, qui abrite la plus célèbre école de gladiateurs de la Rome antique, formait des combattants, y compris des figures légendaires comme Spartacus, pour les spectacles violents et sanglants qui faisaient vibrer l'Empire.

PHOTOGRAPHIE DE Andrea Frazzetta, Nat Geo Image Collection

MYTHE 2 : LES ROMAINS UTILISAIENT DES VOMITOIRES POUR SE PURGER APRÈS LES FESTINS

Selon un autre mythe populaire, les Romains s’adonnaient à des festins somptueux durant lesquels ils mangeaient de telles quantités de nourriture qu’ils disposaient, dans leurs villas, d’une pièce spéciale pour se purger afin de pouvoir continuer à manger : le vomitoire.

En réalité, si les vomitoires existaient bel et bien, ils n’avaient rien à voir avec une quelconque purge. Un vomitoire était une caractéristique architecturale présente dans les amphithéâtres et les arènes. Ces larges passages voûtés permettaient aux foules de spectateurs d’entrer et de sortir facilement des édifices.

 

MYTHE 3 : LES STATUES ANTIQUES ÉTAIENT TOUJOURS BLANCHES

De nos jours, les statues de l’Antiquité sont souvent perçues comme des figures sereines sculptées dans un marbre d’une impeccable blancheur. Cependant, cette apparence pure est davantage le fruit involontaire du passage du temps que celui d’une tendance artistique millénaire.

La Rome antique était pleine de vie et de couleur, et ses bustes et sculptures ne faisaient pas exception. Les artistes peignaient leurs œuvres en marbre avec des couleurs vives afin de pouvoir représenter chaque détail, de la couleur de peau aux cheveux des personnages. Cette peinture s’est néanmoins estompée au fil du temps, donnant lieu à l’emblématique couleur blanche que nous leur connaissons de nos jours.

 

MYTHE 4 : NÉRON JOUAIT DU VIOLON EN REGARDANT ROME PARTIR EN FLAMMES

Néron, qui régna de l’an 54 à sa mort en l’an 68, est l’un des empereurs les plus tristement célèbres de l’Histoire, du fait de sa réputation d’homme cruel aux nombreux excès. Selon un mythe tenace, l’empereur aurait froidement continué à jouer du violon en regardant la ville de Rome brûler sous ses yeux lors du grand incendie de 64.

Cette scène, bien que spectaculaire, est tout à fait fictive. Les principales sources rapportant le grand incendie de Rome furent écrites bien après l’événement, ce qui signifie qu’aucun témoin oculaire ne put jamais confirmer ce mythe. En outre, les violons ne virent le jour qu’au Moyen Âge, soit des siècles après la disparition de l’Empire romain.

En réalité, il semblerait au contraire que Néron ait pris l’incendie très au sérieux. L’empereur, qui n’était pas sur place lorsque le feu éclata, rentra précipitamment à Rome dès qu’il eut vent de la catastrophe et fit tout son possible pour limiter les dégâts, en essayant notamment de ralentir les flammes et d’apporter de l’aide aux personnes touchées.

 

MYTHE 5 : LES FEMMES ROMAINES ÉTAIENT ENFERMÉES CHEZ ELLES

Dans une société romaine très patriarcale, les femmes disposaient de moins de libertés que les hommes, étaient privées de leurs droits et ne pouvaient pas exercer de fonctions publiques.

Néanmoins, elles n’étaient pas séquestrées chez elles, loin de la vie publique. Au contraire, des femmes romaines trouvèrent des moyens de garder un certain contrôle sur leur vie, grâce par exemple à la possession de biens. Julia Félix, qui possédait des bâtiments et des bains publics à Pompéi juste avant sa destruction par une violente éruption en l’an 79, était l’une de ces femmes.

Bien que dépourvues de droits légaux, certaines femmes, notamment les épouses, les sœurs et les filles des empereurs et des sénateurs, exerçaient une influence sur la politique romaine. D’autres encore se battirent pour défendre leurs droits : en 195 avant notre ère, des femmes manifestèrent ainsi dans les rues de Rome pour protester contre la lex Oppia, une loi qui limitait les vêtements et bijoux qu’elles pouvaient porter.

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    MYTHE 6 : TOUS LES CITOYENS DE L'EMPIRE SE RESSEMBLAIENT ET PARLAIENT LA MÊME LANGUE

    À son apogée, au 2e siècle de notre ère, l’Empire romain s’étendait de l’actuelle Angleterre à l’actuelle Turquie. Il englobait différents peuples, cultures et langues, telles que l’araméen, le grec et le gaulois.

    Les citoyens pouvaient également se déplacer à l’intérieur de l’Empire. En 1901, les restes d’une femme appartenant à l’élite romaine ont été découverts à York, en Angleterre. Plus d’un siècle plus tard, l’analyse de son squelette a révélé qu’elle avait probablement des origines nord-africaines. De même, le mur d’Hadrien, la frontière de la province romaine de Bretagne, était notamment tenu par des soldats africains.

    Les empereurs eux-mêmes n’étaient pas systématiquement originaires de la péninsule italienne : Trajan était par exemple originaire de l’actuelle Espagne, et Septime Sévère de l’actuelle Libye.

     

    MYTHE 7 : LES MARTYRS CHRÉTIENS FURENT EXÉCUTÉS DANS LE COLISÉE 

    Un chapitre marquant ressort dans l’histoire du début du christianisme : la torture et l’exécution cruelles et brutales des martyrs dans le Colisée.

    Aucune preuve historique ne permet toutefois d’affirmer que l’édifice romain accueillit réellement de tels massacres, mais d’autres lieux de Rome et des provinces de l’Empire, comme le Cirque Maxime, furent bel et bien le théâtre d’exécutions religieuses.

    Les récits de martyrs tués dans le Colisée commencent à apparaître au 5e siècle, époque à laquelle le christianisme avait déjà été adopté comme religion officielle. Au 18e siècle, l’Église catholique décida de faire du Colisée un site sacré, censé être sanctifié par le sang versé des martyrs chrétiens.

     

    MYTHE 8 : L’EMPIRE ROMAIN TOMBA EN L’AN 476

    La date de la chute de l’Empire romain est traditionnellement fixée au 5e siècle, époque à laquelle le roi germanique Odoacre déposa Romulus Augustule, empereur romain d’Occident.

    Techniquement, cette prise de pouvoir ne marqua cependant pas véritablement la fin de l’Empire romain. En l’an 330, celui-ci s’était en effet scindé en deux entités : l’Empire romain d’Occident, basé à Rome, et l’Empire romain d’Orient, basé à Constantinople. Romulus Augustule fut bel et bien déposé en 476, mais Zénon, l’empereur romain d’Orient, conserva sa place, et cette partie de l’Empire survécut pendant un millénaire sous le nom d’Empire byzantin.

    Selon certains, l’ampleur de la chute de l’Empire d’Occident aurait été exagérée. En effet, comme le souligne l’historien Edward J. Watts dans son ouvrage The Eternal Decline and Fall of Rome: The History of a Dangerous Idea, « personne en Italie ne pensa que la vie romaine avait fondamentalement changé après l’arrivée [d’Odoacre] [...] Toutes les choses qui faisaient traditionnellement Rome continuèrent d’exister. »

    Une grande partie de l’Empire romain perdure encore aujourd’hui dans nos infrastructures, notre amour du sport et nos langues romanes. S’il parvint à survivre sous de nouvelles formes surprenantes, son histoire fut cependant adaptée au fil des siècles, ce qui donna lieu à la création de nombreux mythes qui, eux aussi, ont encore la peau dure.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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