Découverte d'une nouvelle pyramide maya au Guatemala

Cette nouvelle découverte pourrait permettre aux archéologues de comprendre pourquoi deux anciennes superpuissances mésoaméricaines abandonnèrent toute forme de diplomatie pour se faire la guerre.

De Tom Clynes
Publication 20 avr. 2021, 18:05 CEST
Tikal Guatemala

Des fouilles menées à Tikal, une ancienne métropole maya du nord du Guatemala, livrent de nouveaux enseignements sur les liens qui unissaient deux des grandes civilisations mésoaméricaines.

PHOTOGRAPHIE DE Shutterstock, Nat Geo Image Collection

À l’œil nu, et sur les cartes des archéologues, la zone ressemblait à une autre colline s’élevant dans le paysage vallonné de Tikal, l’ancienne cité-État maya située dans les plaines du nord du Guatemala. Mais, en zoomant sur l’image aérienne prise avec un équipement de balayage par laser appelé LiDAR (Light Detection And Ranging, ou détection et mesure de distance par onde lumineuse en français), les chercheurs ont distingué clairement la forme d’une structure érigée par l’Homme dissimulée par la végétation et l’accumulation de terre au fil des siècles.

L’édifice, qui s’est avéré être une pyramide, faisait partie d’un quartier comprenant une grande cour fermée bordée de bâtiments plus petits. Toutefois, les structures étaient différentes de celles connues à Tikal. Leur forme, leur orientation et d’autres éléments architecturaux évoquaient celles mises au jour à Teotihuacan, l’ancienne superpuissance établie non loin de Mexico, l’actuelle capitale du Mexique, à près de 1 300 km à l’ouest de Tikal. Un examen plus approfondi a permis de révéler que le complexe était une réplique à l’échelle ½ de la Citadelle, une immense place de la ville de Teotihuacan dominée par la Pyramide du Serpent à plumes et ses six niveaux.

« La similitude des détails était stupéfiante », confie Stephen Houston, archéologue à l’université de Brown. C’est lui qui a remarqué le premier les éléments architecturaux.

La découverte d’un monument majeur en plein cœur de Tikal, qui figure parmi les sites archéologiques les plus fouillés et étudiés au monde, souligne combien la technologie LiDAR révolutionne l’archéologie en Amérique centrale, une région où les images satellitaires sont généralement inexploitables à cause de l’épaisse jungle. Elle soulève également une question très intéressante : que faisait une enclave de la lointaine Teotihuacan dans cette capitale maya ?

Le site de Teotihuacan comprend un ensemble de pyramides, baptisé la Citadelle. Les archéologues ont mis au jour une réplique à l’échelle ½ de ce complexe à Tikal.

PHOTOGRAPHIE DE DeAgostini, Getty Images

En s’appuyant sur les clichés pris avec la technologie LiDAR, Edwin Román-Ramírez, le directeur du projet archéologique du sud de Tikal, entreprit plusieurs fouilles à l’été 2020. C’est en creusant des tunnels dans les ruines que son équipe a découvert des édifices, des artefacts funéraires, des céramiques et des armes typiques de la ville de Teotihuacan au début du 4e siècle. D’après les objets anciens mis au jour, parmi lesquels se trouvaient un encensoir orné du dieu de la pluie de Teotihuacan et des flèches en obsidienne verte provenant du centre du Mexique, le site établi en plein cœur de Tikal abritait une colonie quasi autonome liée à la lointaine capitale impériale.

« Nous savions que les habitants de Teotihuacan avaient une présence et une influence à Tikal et dans d’autres zones mayas proches avant 378 apr. J.-C. », explique Edwin Román-Ramírez. « Mais nous ignorions si les Mayas imitaient simplement certains aspects du royaume le plus puissant de la région. Nous avons aujourd’hui la preuve que les liens entre les deux villes dépassaient cela ».

Selon Thomas Garrison, géographe à l’université du Texas spécialisé dans l’utilisation de la technologie numérique à des fins de recherches archéologiques, cette découverte démontre que les anciennes villes d’Amérique partagent certaines similitudes avec leurs homologues cosmopolites contemporains. « C’était un melting-pot de cultures et de personnes aux origines et à la langue différentes, qui vivaient ensemble tout en conservant leur identité », indique le géographe.

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    Ce monument en pierre de Tikal commémore l’arrivée du dirigeant militaire connu sous le nom de Né est le Feu en 378 apr. J.-C., année au cours de laquelle la puissante dynastie de Teotihuacan renversa Tikal.

    PHOTOGRAPHIE DE Kenneth Garrett, Nat Geo Image Collection

    Les fouilles sont financées par la PACUNAM LiDAR Initiative, à l’origine des découvertes capitales réalisées en 2018 qui ont révélé l’existence d’un vaste réseau interconnecté de villes dans les plaines mayas, où vivaient plusieurs millions de personnes, soit bien plus que ce qu'avaient imaginé les chercheurs jusqu'alors.

    Ces découvertes ne prouvent cependant pas que les personnes à l’origine de la construction du complexe étaient originaires de Teotihuacan, temporise Edwin Román-Ramírez. « Nos découvertes suggèrent néanmoins que, pendant plus d’un siècle, des personnes familiarisées avec la culture et les traditions de Teotihuacan vivaient à Tikal dans leur propre colonie, une région distincte en matière d’identité, où ils pratiquaient la religion de Teotihuacan », souligne-t-il. Une analyse isotopique des os exhumés dans une chambre funéraire devrait fournir plus d’éléments à ce sujet en identifiant les lieux où avaient vécu les personnes décédées à divers moments de leur vie.

    D’après le style des céramiques mises au jour dans les ruines, les chercheurs estiment que la construction du site a commencé au moins 100 ans avant l’année 378, date clé dans l’histoire maya. *

    Selon les inscriptions de cette civilisation, le roi de Teotihuacan confia au général Né est le Feu la mission de renverser le roi de Tikal, Patte de Jaguar, avant de faire de son fils le nouveau dirigeant de la cité. Né est le Feu arriva à Tikal le 16 janvier 378, le jour où Patte de Jaguar « entra dans l’eau », une métaphore maya qui désigne la mort.

    Après la prise de pouvoir, Tikal prospéra pendant plusieurs siècles, conquérant et pacifiant les cités-États voisines. Elle diffusa également sa culture et étendit son influence à l’ensemble de la plaine. Si l’hégémonie de Tikal à cette époque est bien documentée, les chercheurs ignorent toujours les raisons qui poussèrent Teotihuacan à s’en prendre à son ancien allié après des décennies de coexistence pacifique.

    Célèbre pour ses imposantes pyramides, la puissante cité de Teotihuacan, située dans le centre du Mexique, était autrefois la plus grande ville d’Amérique. Elle étendit largement son influence et son pouvoir.

    PHOTOGRAPHIE DE Max Shen, Getty Images

    Si de nouvelles fouilles à Tikal sont susceptibles d’apporter de nouveaux éléments de réponses aux archéologues, une découverte effectuée il y a peu à Teotihuacan laisse penser que la querelle fatale entre les deux cités résulterait d’une sorte de choc des cultures. Une équipe dirigée par l’archéologue de l’université de Californie, Naa Sugiyama, a mis au jour un quartier maya à Teotihuacan qui ressemble à l’avant-poste de Teotihuacan à Tikal. L’ensemble d’édifices luxueux était décoré de somptueuses fresques mayas, ce qui laisse penser que les habitants étaient des diplomates ou des nobles.

    Ces fresques ont été détruites et ensevelies juste avant la conquête de Tikal en 378. La présence à proximité d’une fosse remplie de squelettes humains brisés semble également confirmer un abandon soudain de la diplomatie en faveur de la violence.

    « Que s’est-il passé entre les deux cités pour que des habitants mayas appartenant à l’élite soient massacrés, leurs palais détruits et vidés de leurs possessions, avant que leur terre natale ne soit envahie et qu’un enfant-roi en prenne le contrôle ? », s’interroge Francisco Estrada-Belli, archéologue à l’université Tulane. « Il est évident que nous mettons le doigt sur un événement très important de l’histoire des Mayas et de Teotihuacan et que l’un des plus grands mystères d’Amérique centrale est en passe d’être élucidé », conclut-il.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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