Ces sorcières effrayantes hantent les mythes du monde entier

De la sanguinaire Chedipe à l’énigmatique Baba Yaga en passant par la sorcière métamorphe, les contes séculaires révèlent des peurs et des croyances profondément ancrées dans les imaginaires.

De Cezary Strusiewicz
Publication 16 sept. 2024, 15:43 CEST

La peinture de Francisco Goya, au 18ᵉ siècle, Le Sabbat des sorcières, est l'un des nombreux exemples de la façon dont la peur de la sorcellerie et de l'occultisme a influencé les histoires et les croyances culturelles de l'époque.

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Qu'il s'agisse de silhouettes obscures tapies dans les forêts anciennes ou d'apparitions spectrales hantant les songes, les sorcières captivent autant qu'elles effraient. Bien que les représentations modernes les présentent souvent comme des personnages charismatiques, elles ont longtemps inspiré une peur et un malaise réels dans toutes les cultures. 

 

YAMA-UBA, LA SORCIÈRE JAPONAISE DES MONTAGNES

Vivant dans les montagnes reculées du nord-est du Japon, Yama-Uba apparaît d'abord comme une vieille femme apparemment frêle, mais peut se transformer brusquement en une figure cauchemardesque avec des cornes, ses cheveux se transforment en serpents et une deuxième bouche apparaît sur le dessus de sa tête, qu'elle utilise pour dévorer ses proies. Certaines légendes affirment même qu'elle peut dévier les balles et maîtriser les ténèbres. Mais ce qui rend son histoire vraiment troublante, c'est l'origine possible de ce mythe.

Nyri A. Bakkalian, romancière et historienne spécialisée dans la région japonaise de Tohoku, estime que le mythe de Yama-Uba prendrait racine dans des pratiques historiques de sacrifice de villageois âgés en cas de famine. « Dans des régions comme Tohoku, où les mauvaises récoltes étaient courantes au début de l'ère moderne, les histoires d'esprits en colère pouvaient être une réponse au fait que des femmes âgées étaient emmenées dans les bois pour y mourir », explique-t-elle.

Ce surimono (gravure sur bois) du 19ᵉ siècle de Totoya Hokkei représente Yama-Uba, une sorcière des montagnes du folklore japonais connue pour ses pouvoirs magiques et sa nature énigmatique. Elle est souvent représentée comme une figure solitaire ayant la capacité d'aider ou d'entraver les voyageurs.

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BOO HAG, LA SORCIÈRE MÉTAMORPHE AFRO-AMÉRICAINE

Dans les communautés afro-américaines, comme les Gullah ou Geechee en Caroline du Sud et en Géorgie, il existe des contes concernant des individus « assaillis » par des forces maléfiques. Parmi les personnages les plus craints, on trouve la sorcière métamorphe ou boo hag, connue pour retirer sa peau et se glisser dans de petites ouvertures, comme les trous de serrure pour envahir les maisons et contraindre les personnes à commettre des méfaits.

Dans les années 1950, le conteur américain James Douglas Suggs partagea ce genre de contes avec le folkloriste Richard Dorson, aujourd'hui archivés à l'American Folklife Center à la Bibliothèque du congrès de Washington D.C. Malgré les effroyables pouvoirs de la sorcière, l'histoire a souvent une fin humoristique. Dans la version de Suggs, un homme déjoue la sorcière en saupoudrant du sel et du poivre sur sa peau, la laissant en proie à ses lamentations : « Ma peau, ne me reconnais-tu pas ?! »

 

CHEDIPE, LA SORCIÈRE-VAMPIRE INDIENNE

Une légende raconte que lorsque Chedipe, une redoutable sorcière de la région du fleuve Godavari en Inde, pénètre dans une maison, elle commence par plonger chaque personne qui s'y trouve dans un profond sommeil. Une fois vulnérables, elle songe au moyen le plus terrifiant de les torturer.

Elle peut pour ce faire les vider de leur sang par les orteils, leur arracher la langue ou insérer des bâtons brûlants avec des flammes occultes sous leur peau. La sorcière indienne peut également avoir des relations sexuelles avec les hommes mariés endormis de la maison, semant des graines psychiques de méfiance dans l'esprit de leurs femmes et se nourrissant du chagrin inexplicable qui en résulte.

Devendra Varma, un chercheur spécialisé dans la littérature gothique, affirme que les récits sur Chedipe pourraient avoir voyagé jusqu'en Europe par la route de la soie et avoir inspiré la représentation des vampires en tant que créatures sexuelles, comme on le voit dans Le Vampire de John William Polidori ou dans Dracula de Bram Stoker.

 

LA LECHUZA, LA REDOUTABLE SORCIÈRE HIBOU

Dans le nord du Mexique, La Lechuza, « le hibou », est une sorcière capable de se transformer en un hibou colossal, ayant parfois un visage humain. Ses origines varient énormément : elle aurait conclu un pacte avec des forces démoniaques ou utilisé la magie pour vivre dans un oiseau géant, dont elle aurait exploité le pouvoir pour contrôler le temps. Quelles que soient ses origines, La Lechuza est connue pour s'attaquer aux hommes en état d'ébriété pendant la nuit. On dit qu'elle les emporte dans son nid pour un festin macabre ou qu'elle les tue instantanément d'un simple contact avec ses plumes maudites.

Cependant, ces dernières années, les femmes et les personnes queers ont commencé à reprendre la figure de La Lechuza comme un symbole de force. L'autrice Jeana Jorgensen explique que « les personnes qui ne se conforment pas aux rôles traditionnels des hommes et des femmes adoptent souvent l'identité de sorcière comme une identité positive », en particulier lorsqu'elles sont confrontées à l'injustice ou ne bénéficient pas de la protection des moyens conventionnels.

 

BABA YAGA, LA GARDIENNE SLAVE DE LA VIE ET DE LA MORT

Baba Yaga est une figure extraordinaire qui exerce son pouvoir sur la vie et la mort dans le folklore slave. Dans certains contes, elle représente l'hiver et la fin des moissons, incarnant l'inévitabilité de la décadence et de la transformation. Dans d'autres, elle contrôle la frontière entre les morts et les vivants. Pourtant, Baba Yaga n'est pas qu'une figure effrayante. En fonction de la façon dont on l'approche, elle peut offrir sa sagesse ou son aide.

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    Cette lithographie en couleurs de Baba Yaga, tirée du conte russe de 1902 « Vassilissa-la-très-belle », représente la légendaire sorcière slave volant à travers la forêt sur son mortier et son pilon.

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    Souvent dépeinte comme ayant des dents de fer, une jambe osseuse et comme étant partiellement aveugle, cette vieille sorcière vit dans une hutte qui tient à l'aide de pattes de poulets, qui ressemble à un cercueil orné d'ossements humains.

    Selon GennaRose Nethercott, folkloriste et autrice du roman Thistlefoot sur Baba Yaga, certaines interprétations suggèrent que le dessin de la hutte, avec ses pattes de poulets, représente un lien ancien avec la nature et ses aspects sauvages et indomptés.

    « Baba Yaga représente aussi un retour à la nature », l'incarnation d'un grand pouvoir qui nous permet d'explorer un monde impressionnant au-delà du nôtre « à travers le voile sûr de la fantaisie », dit-elle.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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