Ces reines du Moyen Âge ont tenu leurs royaumes d’une main de fer
Intelligentes, charismatiques, obstinées et prêtes à tout pour que leur famille conserve le pouvoir, ces femmes laissèrent leur marque sur l’Histoire.
La reine Isabelle de Castille et le roi Ferdinand II d’Aragon reçoivent Christophe Colomb à la cour en avril 1492. Isabelle fait partie d’un groupe de reines du Moyen Âge ayant activement pris part à l’exercice du pouvoir dans leur royaume et ayant changé leur monde.
Durant le Moyen Âge, époque turbulente et pestilentielle, des rois dominaient le monde occidental ; ils se livraient des guerres, faisaient des alliances et s’accrochaient agressivement à leur pouvoir. Mais cinq reines puissantes, enfouies dans les annales de l’Histoire, mirent à contribution leurs compétences, leur perspicacité politique et leur ténacité exceptionnelles pour exercer le pouvoir de manière inattendue, et parfois désastreuse. Parmi elles, plusieurs servirent de régentes pour leurs fils, leurs petits-fils et leurs arrière-petits-fils trop jeunes pour gouverner ; l’une épousa non pas un, mais deux rois influents et contribua à la gestion de leurs royaumes (avant d’en divorcer) ; une autre exerça le pouvoir quand son mari déséquilibré ne fut plus en mesure de la faire. Voici leurs histoires fascinantes.
BRUNEHAUT D’AUSTRASIE
Née vers l’an 543 de notre ère, Brunehaut était une princesse wisigothe. En 567, elle épousa Sigebert Ier, roi des Francs, et devint reine d’Austrasie (région qui englobait des parties du nord de l’Allemagne, de la France, de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg actuels). Mais les relations familiales étaient houleuses. Sa sœur aînée, Galswinthe, qui avait épousé Chilpéric, demi-frère de Sigebert, fut brutalement assassinée sur ordre de la maîtresse de ce dernier, Frédégonde. Pour se venger, Brunehaut lui déclara une guerre vicieuse qui dura quarante ans.
Après l’assassinat de Sigebert Ier, mort vers 575 sous les coups de dagues empoisonnées probablement commandités par Frédégonde, Brunehaut fut emprisonnée à Rouen, mais parvint à revenir en Austrasie où son jeune fils, Childebert II, venait d’être proclamé roi. Elle exerça donc le pouvoir en tant que régente et régna sur l’Austrasie dans l’ombre du trône. Entre autres choses, cette excellente reine fit réparer des routes anciennes, ordonna la construction d’églises et d’abbayes, fit ériger des fortifications et restructura l’armée et le système d’impôts ; il faut se souvenir que son règne eut lieu peu après la chute de l’Empire romain.
Quand Childebert II mourut à l’âge de 26 ans en 595, Brunehaut redevint régente et régna pour ses deux petits-fils. Mais elle n’était pas une grand-mère aimante. Impitoyable sur le plan politique, elle maintint son petit-fils favori à l’écart, l’occupant avec des concubines afin qu’il ne se marie pas et qu’il ne conteste pas son pouvoir.
Cependant, cela finit par la rattraper. En 613, le fils de Frédégonde, sa rivale de longue date, accusa la souveraine âgée de près de 80 ans du régicide de dix rois des Francs et la condamna à mort. On dit qu’elle fut écartelée par des chevaux sauvages et que ses restes furent incinérés, ne laissant aucune trace de cette reine courageuse.
Brunehaut, reine des Francs mariée au roi Sigebert Ier d’Austrasie, qui régna sur les royaumes d’Austrasie et de Bourgogne, au nord et à l’est de la France. Gravure de Gaitte réalisée vers 1844. Plutarque Français : Moyen Âge, Vol. 1, Paris : Langlois et Leclercq, 1844.
ALIÉNOR D’AQUITAINE
En 1137, alors qu’elle avait 15 ans, le père d’Aliénor mourut et lui transmit le vaste duché d’Aquitaine. C’est ainsi que du jour au lendemain, dans l’Europe du 12e siècle, elle devint la jeune femme la plus puissante et la plus convoitée. Elle devint l’épouse de deux rois : de Louis VII de France en 1137 ; et, lorsque ce mariage prit fin quinze ans plus tard, d’Henri II d’Angleterre, dont elle divorça également. Déterminée et capricieuse, elle s’impliqua activement dans l’administration de chaque royaume et géra habilement ses propres domaines.
Le véritable cran d’Aliénor se révéla toutefois lorsqu’elle choisit de faire alliance avec ses enfants plutôt qu’avec son second mari lors d’une révolte et qu’Henri la fit arrêter. Elle passa plus de dix années assignée à domicile en Angleterre, invisible et impuissante. Mais quand il mourut en 1189 et que son fils Richard Cœur de Lion devint roi, elle assuma le rôle politique le plus important de sa vie, celui de régente lorsque ce dernier partit pour la troisième croisade. Elle parvint à maintenir le royaume intact et à contenir les ambitions de son fils assoiffé de pouvoir, Jean. Quand elle mourut en 1204 au monastère de Fontevraud, les nonnes dirent d’elle dans leur nécrologie qu’elle avait été une reine « qui surpassa presque toutes les reines du monde ».
BLANCHE DE CASTILLE
Blanche de Castille, petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine, fut confrontée à un défi de taille quand son mari, le roi Louis VIII, mourut en 1226. Leur fils de 12 ans, Louis IX (Saint Louis), était trop jeune pour régner et, ainsi, c’est elle qui assura la régence durant quatorze années. Elle réprima des rébellions, résolut des disputes territoriales, créa des milices locales et s’engagea dans des guerres ouvertes pour défendre les droits de son fils et promouvoir l’unification de la France (sans parler du fait qu’elle sut préserver son propre rôle dans un monde hostile au pouvoir féminin). En 1236, quand Louis IX atteignit la majorité, elle lui transmit un royaume paisible et florissant mais resta à son côté en tant que soutien et conseillère redoutable.
Mais son plus grand triomphe survint peut-être lorsqu’elle avait 60 ans, en 1248, et que Louis partit en croisade, lui laissant diriger le royaume de nouveau. Quand il fut battu et emprisonné, elle paya sa rançon. Elle signa également des lois, présida aux réunions de son gouvernement, et s’occupa des pauvres de Paris. À sa mort, en 1252, Louis perdit non seulement sa mère mais aussi son plus grand soutien.
Aliénor d’Aquitaine (1122-1204) régna sur les royaumes de deux pays différents : la France et l’Angleterre.
MARGUERITE D’ANJOU
En 1445, résolue, déterminée et splendide, Marguerite d’Anjou épousa Henri VI d’Angleterre, un roi mentalement instable, dans le cadre d’une trêve dans la guerre de Cent Ans qu’étaient en train de se livrer la France et l’Angleterre. Lorsque Henri VI tomba dans un état catatonique, son cousin le duc d’York fut nommé régent en lieu et place de Marguerite qui avait pourtant tenté de peser pour obtenir cette position. Mais le roi finit par recouvrer son acuité mentale et le duc fut démis de ses fonctions de régent. Cela eut pour effet de porter à ébullition le conflit latent entre les maisons de Lancaster et d’York : la guerre des Roses venait de débuter.
Pendant cette guerre civile, l’indomptable reine était déterminée à faire valoir le droit de son fils, Édouard de Lancaster, à hériter du trône. Mais en dépit de sa ténacité, ses efforts furent vains. Elle et ses soutiens furent vaincus en mai 1471 lors de la bataille de Tewkesbury. Édouard fut tué et elle fut emprisonnée par les yorkistes et retenue captive plusieurs années dans la tour de Londres. Après la mort de son mari dans la tour de Londres, où il était lui aussi enfermé (un assassinat probable), le nouveau roi de France, Louis XI (cousin de Marguerite), paya sa rançon. Elle mourut sans le sou à l’âge de cinquante-deux ans.
Cependant, cette femme résolue continue de nos jours encore de vivre dans quatre pièces de William Shakespeare. Dans la troisième partie de la trilogie Henri VI elle est ainsi décrite : « Louve de France, pire même que les loups de France, – toi dont la langue est plus venimeuse que la dent de la vipère ».
Marguerite d’Anjou, épouse de Henri VI d’Angleterre, était résolue, déterminée et belle.
ISABELLE IRE DE CASTILLE
À une époque où les hommes régnaient sur les royaumes et que leurs reines s’occupaient des affaires domestiques, la reine Isabelle régna aux côtés de son époux, le roi Ferdinand II. Connue pour sa forte personnalité, sa détermination et sa disposition à prendre des décisions difficiles, elle contribua à la mise en œuvre de réformes administratives et légales visant à rationaliser le système juridique, à accroître le contrôle royal sur l’Église, et à renforcer le pouvoir de la Couronne. Elle et Ferdinand soutinrent également l’ambitieux voyage entrepris par Christophe Colomb en 1492, qui vit les Européens découvrir les Amériques et décimer tragiquement les tribus amérindiennes.
Catholique fervente, elle était déterminée à promouvoir le catholicisme, mais cela eut un coût tragique. Elle et Ferdinand appuyèrent l’Inquisition espagnole, dont le but était de conserver une unité religieuse et sociale en identifiant et en punissant les hérétiques et les conversos, des juifs et des musulmans s’étant convertis au christianisme mais soupçonnés de continuer à pratiquer leur ancienne foi en secret.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.